Diagnostic de la mobilité sur les axes routiers

SylCop
Patterns
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5 min readDec 1, 2020

Le suivi de l’évolution des pratiques de déplacements — en lien avec les politiques de mobilité — est souvent complexe. Chez Kisio, nous cherchons continuellement à développer de nouvelles méthodes et améliorer les outils permettant d’appréhender la mobilité sous toutes ses formes : en lien avec un territoire, une infrastructure, un mode de déplacement. Depuis début 2019, nous développons une solution permettant de mesurer aussi bien les déplacements associés aux transports en communs qu’aux micro déplacements ou encore aux infrastructures routières. Cette solution se base sur des quantités massives de données de localisation de smartphones (~300 millions de géolocalisations GPS quotidiennes en France). Certains cas d’usages de ces données ont déjà été évoqués dans de précédents articles : Densité piétonne et répartition de l’espace entre les différents types d’usagers ou encore Les données GPS pour l’analyse des flux qui transitent par le boulevard périphérique parisien.

Dans la continuité de ces travaux, nous avons approfondi nos traitements pour avoir une connaissance détaillée des déplacements qui transitent par des infrastructures routières (sur des axes routiers de Mass Transit en Ile-de-France ou encore sur la RN20). Nous isolons les déplacements “motorisés” (voiture / moto / …), en distinguant les déplacements personnels des flux logistiques, que ce soit de la logistique lourde ou du VTC/taxis/véhicules professionnels, et nous reconstituons ensuite de façon précise la succession des rues empruntées.

Nous présentons ici les principales étapes de traitement pour obtenir l’ensemble des déplacements sur un périmètre défini (par exemple les déplacements “motorisés” entre Paris et Argenteuil).

Comment reconstituer un itinéraire détaillé à partir de positions GPS successives?

  • Grâce aux données sur l’infrastructure (par exemple, issues d’OpenStreetMap), nous construisons un graphe “routable” du réseau viaire. Ainsi pour chaque tronçon de notre graphe, nous disposons de métadonnées détaillées : catégorisation de la voirie (rue, autoroute, …), limitations de vitesse, restrictions potentielles du sens de circulation, ponts ou tunnels le cas échéant, …
  • Un algorithme spécifique permet, à partir de ce graphe, de sélectionner les itinéraires correspondant à la succession de géolocalisations et répondant aux contraintes de vitesse. Nous conservons le plus “probable”.
  • Nous obtenons à l’issue de cette étape une succession de positions sur le graphe avec les repères temporels associés, reliés les uns aux autres par des tronçons de voirie. Nous interpolons alors les positions sur les parties du réseau pour lesquelles nous ne disposons pas de trace.
Exemple du graphe routier avec les traces GPS correspondantes

Estimer des indicateurs métiers propres à l’ingénierie routière (volumes, débits, vitesses, …) à partir des données GPS

En réalisant ce traitement pour l’ensemble des données du périmètre considéré, on obtient une décomposition de chaque déplacement de chaque utilisateur sur le réseau viaire. Ce travail peut être réalisé pour une période et une échelle temporelle (un mardi fixé, une semaine complète, une période horaire restreinte pour un mois complet, …) et nous permet d’obtenir différents indicateurs :

  • Le premier est le volume de déplacements sur les axes routiers étudiés ainsi que sa distribution temporelle. Ces volumes de déplacements sont alors accessibles par type de jour et par tranches horaires.
  • Suite à l’algorithme présenté ci-dessus, il est alors relativement simple de récupérer les volumes sur des sections de spécifiques de l’infrastructure routière, ainsi que la vitesse moyenne de déplacement sur chaque section. Cela permet de visualiser sur une infrastructure routière les points les plus congestionnés. Deux autres indicateurs sont alors accessibles : les débits par section (volume par tronçon de route) et les vitesses par section (vitesse par tronçon de route).
Evolution du débit/vitesse entre Paris et Argenteuil le 6 mars 2020
Vitesses médianes de déplacement par tranches horaires

Enrichir l’analyse des réseaux par de nouveaux indicateurs, jusque-là inaccessibles à la mesure

L’analyses des traces GPS permet également d’accéder à des indicateurs difficiles voire impossibles à obtenir avec des méthodes plus classiques. C’est le cas des origines/destinations par section d’une infrastructure. En effet, chaque déplacement est affecté à une succession de sections. Ainsi, pour chaque section parcourue, nous pouvons récupérer l’origine et la destination “porte à porte”.

  • Il en découle l’obtention des matrices O/D pour cette section. Obtenir cet indicateur en utilisant les données GPS présente un grand intérêt pour compléter ou remplacer certaines enquêtes cordon coûteuses et difficiles à mettre en place, et qui ne permettent pas une exhaustivité temporelle pour les analyses.
Matrice OD cumulée sous forme d’arcs de cercle
  • En plus de cet indicateur, il est possible d’obtenir des zones de chalandise d’une infrastructure, ce qui permet de voir l’étendue du territoire qu’elle arrive à “capter”.
Chalandise de l’axe RN20
  • Un dernier indicateur complexe à obtenir avec d’autres méthodologies est la part de la logistique de marchandise sur l’infrastructure routière, entre deux villes par exemple. Pour cela nous étudions la récurrence des déplacements de chaque utilisateur et notamment les lieux usuels. Cela nous permet de repérer les centres logistiques, les déplacements longs et récurrents et ainsi de typer les livraisons par exemple.
Illustrations de trajets Fret

Aller plus loin en étudiant la multimodalité…

Au delà de l’usage de la voirie, ces nouvelles méthodes permettent d’enrichir notre connaissance sur l’ensemble de la chaîne de déplacements des usagers, y compris la multimodalité. Ceci nous permet ainsi de mieux caractériser les situations où un véhicule particulier est utilisé pour se rabattre ou se diffuser sur des transports collectifs, tenir compte de l’usage combiné avec des modes doux mais aussi de mieux intégrer les usagers qui alternent entre différents modes.

Ces éléments sont particulièrement intéressants, par exemple, pour la gestion des pôles multimodaux, dans le cadre du développement des vélos en libre service (VLS), la mise en place des systèmes de MAAS ou, en ces temps de crise sanitaire, pour apprécier l’évolution des comportements de mobilité.

Auteurs

Ouiame Araamouch, Stéphane Mastalerz, Félix Motot, Vincent Loucel, Sylvain Coppéré

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