Pour une innovation utile ?

Paul Richardet
Paul R
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5 min readFeb 21, 2016

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Il faut bien le dire, on vous a menti. Vous espériez une innovation moderne, adaptée, maline et progressive et paf, c’est l’inverse qui est arrivé, et vous êtes bien embêtés. Il va falloir réécrire l’histoire et réinventer de nouveaux paradigmes. Finalement on est dans le trou, et ça s’enfonce.

Le plus génant, bien sûr, est que vous voudriez le croire. Croire en des jours meilleurs, un futur flamboyant, la fin du cauchemar et bientot tout le monde aura sa part, avec le sourire en plus et des photos de surfeurs sur la vague, sur l’argent, sur la richesse et le bonheur trois étoiles. Vous aimeriez le jeu et faire partie de l’équipe qui gagne. Etre bronzé toute l’année, avec des lunettes 3D, comme les ministres en première page des magazines. Sauf que c’est du vent, de la comm et du pipo. C’est pas comme ça la vie, jte dis.

Prenons Uber au hazard. A quoi ça sert Uber, en fait ? Le grand disrupteur de la mobilité, au point même qu’on en a fait un nom : l’uberisation. Ben Uber, en dehors de vous refiler des petits bonbons et l’imaginaire d’un mec qui sort de la grosse black limo comme dans une série de traffic de coke vue à la télé, ça sert à rien ou presque. Le gain réel, l’avantage, la création de valeur comme ils disent ces putains de banquiers qui veulent te voler le moindre petit bout qui te reste, nihib, nacache, zobi, rien de rien, ça ne sert limite à rien. Ton trajet, c’est le même. Le temps passé, c’est le même, vu que les embouteillages, Uber ou pas Uber, c’est kif kif. La douceur du fauteuil, c’est idem, vu que les bagnoles, c’est les mêmes. Le transport, le confort, le service, tout pareil. Alors pourquoi tout ce tintoin ? On se demande bien. C’est du domaine de l’expérience disent ils. Ah oui ? En fait le seul truc qui change, c’est qu’au lieu de te faire racketter par l’ancien dir. cab. de Mitterand, tu te fais taxer par des fonds d’investissements dans des paradis fiscaux. Tu parles d’une innovation disruptive, tiens. La voila la création de voleurs.

On me fait remarquer dans l’oreillette qu’en fait Uber crée des emplois dans la banlieue là où le système français crée de la ségrégation sociale, spaciale et économique à fond la caisse et que c’est un mystère de pourquoi-comment Uber est utile là bas. Je répondrais juste que Uber est certainement un peu moins con que nos énarques, ce qui ne le rend pas pour autant totalement légitime et crédible. Faut pas pousser non plus.

Tu me diras, Uber c’est du beurre, du mou, du bouzin, du pipo, de la comm pour ados. Parlons de Google, Facebook ou les autres. Ca c’est du sérieux. Ca ne capitalize pas pour rien dans l’América. C’est du lourd, de la bonne techno. Un placement de père de famille. 100 milliards au Nasdaq, c’est respectable quand même. Il y a de la belle création de voleurs la-dedans, non ? Bof bof bof. Facebook, c’est le truc en roue libre, on n’en voit pas la fin, tu clics, tu clics, tu clics et pour la drague tu peux repasser, les meilleures meufs sont déjà prises. Amazon, c’est de la zone, c’est de l’empilage de palettes avec des robots dans un hangar du bout du monde. Tu clics, le bras téléscopique va chercher la boite et la pose sur le chariot et pif, paf, droit à l’aéroport. Bof bof. C’est comme à la FNAC, en plus space avec des avions qui tournent autour de la planète. Ce qu’il y a dans la boite, c’est tout pareil. Et pour Google…

Je te disclose le truc. Moi je suis un fan de Google. J’ai toujours aimé. C’est comme ça. De la bonne techno, utile, simple, qui marche dans le quotidien. Par exemple, gmail, c’est de la bonne balle. Tu écris, tu clics, ça envoie le mail. Travail de pro. Evidemment, le mail, la techno du mail, je veux dire, n’a pas bougé depuis 20 ans. C’est toujours le même truc avec le bénéficiaire, l’envoyeur, le sujet, le texte, rien n’a changé. Pareil ! En quoi Google a apporté de la valeur, modifié l’expérience utilisateur, crée le truc qui tue de la mort ? Zéro, ici encore. A si, j’oubliais. Avec les tablettes et le téléphone, tu peux lire tes mails dans les toilettes. Enorme. Avant on pouvait pas. Et pourtant je t’aime Google.

Arrivé à ce point, je me fais l’effet du mec fatigué, complétement usé par la vie, qui se demande à quoi ça sert tout ça, et tout cette comm de bavardage merdasse, dans le ventilo. Fatigué de tout et de rien, je veux sortir, donnez moi du sens, et comment ça sera la vie pour mes enfants, même si moi je suis vers le bout de la sortie, hein ?

Et là je lis que l’économie part en quenouille, que le gouvernement a dejà revendu nos parts dans les actifs du pays et que bientôt les banques vont venir nous saisir la terre, la mer et le ciel pour se rembourser sur la bête. Qu’il n’y aura plus d’énergie, de retraite et de bouffe. Que ça sera la grosse baston pour survivre et seuls les plus malins auront leur part.

Et je me demande bêtement, tout ce bastringue d’innovation, là, ce truc de déco pour occuper les foules, les lunettes 3d à la télé, le mec en costard qui va nous changer la vie, à quoi ça sert en fait vraiment ? Ca serait pas juste de la déco posé sur le Titanic que les mecs reconstruisent au fur et à mesure que le bateau sombre ? On le dirait bien pourtant.

Demain, c’est décidé, je change tout. Je cherche la sortie du tunnel. Héhé.

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Paul Richardet
Paul R
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Iconoclaste, original, décalé, sensitif, fervent, entremetteur, fraternel, irruptif, boréal, perceptible, humain, trop humain...