Technologie n’est pas magie !

Paul Richardet
Paul R
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4 min readOct 30, 2016

Régulièrement je lis des opinions qui mettent en cause la technologie, le numérique ou l’innovation.

C’est compréhensible. La rapidité du nouveau, l’évolution des outils et des usages, ainsi que la lenteur des sociétés à gérer leur transition posent problème. Là où ça se complique, c’est lorsque la critique reste primaire et vise la technologie en tant que telle.

Récemment, un philosophe a tout simplement appelé au boycott. La techno devient le mal, le progrès régresse, le numérique se digitalise. Ainsi le futur se transforme en passé et le chaos mental est la règle. Quelle pagaille.

Pourtant, si l’on regarde bien, la technologie numérique est composée finalement d’éléments assez simples : des tuyaux pour faire circuler l’information, des cases pour les ranger (les fameuses databases), quelques algos ou API qui génèrent les interconnexions, des interfaces et un peu d’électricité… Pas bien compliqué finalement, pas grand chose même. Des stocks d’infos, du classement, de la mise en relation, de l’interconnexion, de la distribution, et c’est presque tout. Le numérique c’est finalement très simple. Alors pourquoi tant de haine ?

La complexité viendrait alors de l’absence de frottement, de la capacité à aller extrèmement vite, à interconnecter tout, tout le temps, à classer, stocker, distribuer un nombre incalculable de données, mettre en relation la multitude des utilisateurs, à franchir les barrières, casser les territoires et tout celà avec un coût faible, en permanence et partout.

Ce que j’essaye de démontrer, c’est que paradoxalement, la technologie en elle même est par essence assez simple. Finalement, elle fait assez peu de choses, mais elle le fait avec une capacité d’exécution qui dépasse tout ce qui était prévisible auparavant et décoiffe alors tous les modèles de pensées, organisations, principes, structurations, mises en forme du passé.

Demander alors à la techno d’être “responsable” c’est non seulement une facilité de langage, mais c’est une erreur d’appréciation grave. Mais alors pourquoi tout le monde souhaite que cette technologie soit “responsable” de ci, de ça, de tout ce qui nous arrive ? L’ubérisation, la robotisation, la fragilité des relations, la déshumanisation, la concentration des profits, l’évasion fiscale, l’érosion du salariat, la paranoïa, etc… Personnellement, je ne crois pas que le numérique soit la faute causale. Il est beaucoup trop simpliste pour cela. Ce n’est qu’une machine.

Par contre, je crois résolument qu’il y a des gens, des organisations qui utilisent la technologie, qui la financent, la développent, en font la promotion, la mettent en scène, la recommandent, qui souhaitent l’orienter d’une manière qui n’est pas utile ou nécessairement bénéfique pour l’homme et la femme. La techno et le numérique n’ont pas de finalité “en soi”, mais en situation, par rapport aux objectifs poursuivis par ceux qui les pilotent. Je crois donc qu’il est utile de responsabiliser les responsables et non se cacher derrière sa souris.

Et n’en déplaise aux libertariens, il semble donc nécessaire d’avoir une vision morale, philosophique, raisonnée ou simplement humaine de la technologie. Il n’y a plus de naïveté. On voit que de nombreuses personnes ou organisations ont décidé de piloter la techno pour leurs intérêts et dans le sens qui les intéressent.

Ainsi, les gouvernements infiltrent les réseaux pour espionner leurs citoyens et se lancer dans la guerre du cyberespace. Les grands agences de communication se saisissent de la nouvelle tech pour mieux la transformer en véhicule d’influence et propagande, les firmes commerciales en supermarché de l’immatériel. Et les financiers en profitent pour court-circuiter les frontières étatiques et leurs contraintes fiscales ou réglementaires. Et bizarrement, à chaque fois, quand ça coince, quand ça ne répond plus comme on voudrait, personne n’y est pour rien, c’est de la faute à la techno. La bonne affaire.

Et pas grand monde pour nommer et analyser les mécaniques profondes et en quoi l’environnement économique, social et politique a influé directement sur les acteurs du numérique et les a dirigé de gré ou de force sur cette voie.

Il ne faudrait pas que, pour mieux cacher leurs turpitudes, certains crient au loup, au sorcier, au diable numérique, et faire ainsi de la technologie le coupable idéal ou l’idiot utile de l’époque.

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Paul Richardet
Paul R
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Iconoclaste, original, décalé, sensitif, fervent, entremetteur, fraternel, irruptif, boréal, perceptible, humain, trop humain...