Les données au service de la diversité et de l’inclusion sociales à Montréal

Entretien avec Janie Boucher du Service de la diversité et de l’inclusion sociale de la Ville de Montréal.

CRIEM CIRM
PDS | DSH
8 min readFeb 2, 2023

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Écrit par l’équipe de coordination du PDS*

An English version of this post will be available soon.

L’équipe du Pôle d’analyse de données sociales (PDS) s’est entretenue avec Janie Boucher, représentante du Service de la diversité et de l’inclusion sociale (SDIS) pour en apprendre davantage sur son implication au sein de cette organisation. En outre, les enjeux auxquels sont confrontés le SDIS ainsi que sa contribution en tant que partenaire au sein du PDS.

Courtoisie de Janie Boucher

Quelle est la mission du Service de la diversité et de l’inclusion sociale (SDIS) ?

Janie Boucher (JB) : Le SDIS a pour vocation de s’assurer que tous·tes les Montréalais·es puissent aisément trouver leur place au sein de la Ville. En d’autres termes, notre service cherche à identifier et à agir sur tous les facteurs qui nuisent à l’inclusion des citoyen·ne·s ainsi qu’à leur participation à la vie démocratique. Notre équipe se charge, entre autres, de la lutte à la pauvreté, en plus de soutenir les organismes communautaires œuvrant dans plusieurs secteurs, notamment l’aide aux personnes en situation d’itinérance ainsi qu’en matière de sécurité urbaine. Également, plusieurs membres de notre équipe se penchent sur les enjeux liés à la lutte à la discrimination et au racisme. Par ailleurs, il existe le bureau d’intégration des nouvelles.aux arrivant·e·s à Montréal, qui veille à l’accueil des immigrant·e·s. Il peut s’agir d’immigrant·e·s qui viennent travailler au Québec, des réfugié·e·s, des demandeur·euse·s d’asile, ou encore, des migrant·e·s sans statut.

Quel est votre rôle au sein de ce service ?

JB : Comme je suis démographe et géographe de formation, j’adopte souvent une approche quantitative dans ma pratique. Je fais partie de l’équipe d’intelligence d’affaires sociales et d’optimisation. Nous avons un rôle transversal au sein du SDIS. Mon équipe réunit des spécialistes en intelligence d’affaires sociales telles que des démographes, des géographes et des statisticien·ne·s. Nous aidons nos collègues des arrondissements et des autres services à l’acquisition, l’interprétation et à la mobilisation de données, afin qu’ils et elles puissent plus aisément accomplir leur mission. J’aime dire que nous sommes comme des « courtier·ère·s en connaissances ». Nous produisons de l’information à partir de données existantes. Nous veillons ensuite à ce que ces données et ces informations soient mises à la disposition des personnes qui en font la demande.

À titre de conseillère en analyse et contrôle de gestion, je veille à la mise en place de procédures qui permettent à mes collègues de soumettre des demandes d’information. Mon rôle est de recueillir des données et des informations relatives aux enjeux stratégiques ou encore liés à l’actualité, afin d’outiller les élu·e·s qui pourraient être interpellé·e·s sur ceux-ci.

En somme, mon rôle est double. Je veille à l’acquisition et à la mobilisation de données, en plus de mener des analyses territoriales afin de vérifier si certaines iniquités transparaissent.

Quelles sont les implications futures de votre organisation au sein du PDS ?

JB : À titre de représentante pour le SDIS, je participe aux réunions mensuelles du PDS. Dans l’immédiat, il n’est pas encore possible d’y partager des jeux de données ou d’en faire l’analyse à l’aide d’outils, mais lorsque ce projet sera suffisamment avancé, mon équipe et moi pourrons devenir contributeurs de données. En effet, la plupart des banques de données qu’il nous est possible de diffuser au sein de la Ville de Montréal sont des banques de données ouvertes. Ainsi, il y a très peu de restrictions ou d’enjeux sur le plan du partage des données. En nous impliquant au sein du PDS, nous aurons la possibilité de faire le partage de ces informations et des outils associés auprès des spécialistes. Nous tâcherons de développer et d’harmoniser les liens entre les personnes qui créent les données et celles qui mènent différentes actions sur le terrain.

Montréal est une ville sanctuaire et nous devons nous assurer que ces personnes aient accès aux services municipaux. Par exemple, une personne qui a besoin d’un service municipal ne doit pas se sentir craintive d’y accéder, et ce, peu importe son statut.

Dans vos propres mots, pouvez-vous définir le terme « indicateur » ?

JB : C’est une grande question ! Pour ma part, je dirais que c’est une mesure opérationnelle qui sert à représenter des concepts complexes sur lesquels nous devons agir en tant qu’institution. À titre d’exemple, les indicateurs de bien-être influencent les décisions qui sont prises en matière d’aménagement urbain. Comme municipalité, nous voulons que les gens soient heureux. À cette fin, nous souhaitons savoir comment mesurer l’indice de bonheur, sur quoi agir, si les actions entreprises étaient les bonnes, et enfin, si nous devons continuer dans cette voie ou s’il faut changer de direction. L’important est la transparence dans la définition utilisée pour pouvoir mesurer les différences.

De nombreuses actions sont menées dans le cadre du PDS, tant sur le plan des indicateurs en sécurité alimentaire que sur celui de la Ville. Nous tâchons de faire le pont entre les personnes qui créent les données et celles qui produisent les actions afin d’assurer une bonne harmonie.

Quels sont les défis auxquels le SDIS est confronté et que le PDS peut aider à relever ?

JB : Un défi auquel nous sommes souvent confronté·e·s concerne la précision des données que nous souhaitons transmettre via nos communications. Dans le cadre de l’approche d’analyse différenciée selon les sexes et plus (approche ADS+), il est plus intéressant de référer à des données ventilées selon différentes catégories : hommes, femmes, immigrant·e·s, non-immigrant·e·s, etc. Par exemple, si nous constatons que le taux de chômage est à la baisse à Montréal, alors nous devons vérifier si les hommes autant que les femmes ont été touchés par cette baisse. De plus, bien que le marché du travail soit favorable aux travailleur·euse·s, certaines personnes peinent à trouver un emploi. Il n’est donc pas facile de trouver des solutions à ces problèmes à partir de données officielles qui mériteraient d’être davantage granulaires. Évidemment, nous jouons sur un large spectre et il est très facile de s’y perdre. C’est pourquoi le PDS contribue à l’élaboration d’outils, d’enquêtes et de collecte de données qui sauront nous aider dans un proche avenir.

Comment COVID-19 a-t-elle affecté ou influencé les données ?

JB : La pandémie a mis en évidence la nécessité de comprendre les dynamiques et d’avoir rapidement accès à des données probantes, fiables et intègres. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre trois ans pour faire une collecte de données ou une étude. Évidemment, l’impact diffère d’une population à une autre. Il est important de trouver des processus pour aider rapidement les organismes sur le terrain. Je pense que cela nous a permis d’acquérir une certaine agilité sur le plan institutionnel, et ce, afin de faciliter la collecte, l’analyse et la diffusion des données, en plus d’être capable de répondre aux besoins immédiats de la population.

Une personne en situation d’itinérance à Montréal doit être considérée tel·le·s un·e Montréalais·e, et ce, peu importe sa région d’origine. La ville doit lui assurer l’accessibilité, la qualité et la continuité des soins et des services qui répondent à ses besoins.

Pouvez-vous me parler des enjeux socio-économiques et territoriaux relevés par le SDIS ?

JB : Présentement, nous sommes en train de quantifier de nombreuses questions socio-économiques et territoriales, car nous recevons de nouvelles données du dernier recensement canadien. Cela est intéressant parce que les données du recensement de 2021 sur le revenu porteront sur l’année 2020. Nous savons que l’avènement des mesures d’aide gouvernementale, comme la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), a permis de réduire drastiquement les taux de pauvreté, sans toutefois s’attaquer aux causes structurelles de celle-ci. Nous nous attendons à ce que, statistiquement, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté diminue. Évidemment, cela ne signifie pas que les gens n’ont pas connu beaucoup de difficultés pendant cette période. Mais nous pourrons ainsi déterminer ce que nous faisons avec ces données et la façon dont nous mesurerons les difficultés économiques vécues par les gens en 2020. Les approches qualitatives pourront nous aider à répondre à plusieurs de ces questions.

Également, nous collaborons avec le Ministère de la Sécurité publique pour mieux gérer les enjeux en matière de sécurité urbaine. Il y a également la question de l’intégration des nouvelles.aux arrivant·e·s et des réfugié·e·s en provenance de la Syrie, de l’Afghanistan ou encore de l’Ukraine. Montréal est une ville sanctuaire et nous devons nous assurer que ces personnes aient accès aux services municipaux. Par exemple, une personne qui a besoin d’un service municipal ne doit pas se sentir craintive d’y accéder, et ce, peu importe son statut.

Finalement, nous nous occupons aussi des enjeux en matière de sécurité, de discrimination et de racisme. Nous travaillons de près avec Bochra Manaï, la commissaire à la lutte contre le racisme et les discriminations systémiques à la Ville de Montréal, pour éliminer autant que possible la discrimination et le racisme.

Éventuellement, pensez-vous élargir vos projets au-delà des limites de la Ville de Montréal ?

JB : Nous ne pouvons pas porter des œillères et ignorer certaines situations qui se déroulent à l’extérieur de la Ville sous prétexte qu’elles n’existent pas chez nous. À mon avis, penser ainsi est une erreur. Il n’y a pas d’enjeu dans la métropole qui ne soit complètement indépendant de ce qui se passe ailleurs en province. À titre d’exemple, lorsqu’il est question de gentrification, les citoyen·ne·s qui quittent Montréal en raison de l’inaccessibilité de leur quartier se déplacent ailleurs dans la région ou la province. Par ailleurs, il n’y a pas que les Montréalais·es qui font face à des enjeux de sécurité urbaine ou d’itinérance. Beaucoup de personnes qui sont de passage sur le territoire de la ville de Montréal n’ont pas d’adresse fixe. Une personne en situation d’itinérance à Montréal doit être considérée tel·le·s un·e Montréalais·e, et ce, peu importe sa région d’origine. La ville doit lui assurer l’accessibilité, la qualité et la continuité des soins et des services qui répondent à ses besoins.

En résumé, bien que nos actions se concentrent à aider les Montréalais·es, nous ne pouvons pas fermer les yeux face aux réalités vécues ailleurs en province ou au pays. Si nous voulons comprendre les dynamiques et agir de façon appropriée, nous devons les considérer dans un contexte plus large. Pour aider adéquatement l’ensemble des réfugié·e·s qui optent pour Montréal en guise de terre d’accueil, nous devons demeurer à l’affût et tenter de comprendre ce qui se passe à l’international.

Cet entretien a été modifié par souci de concision et de clarté.

* Rédaction: Sara Selma Maref; révision du contenu: Karolyne Arseneault, Angelina Mazza et Janie Boucher.

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