La Permaculture

Vue par Fèriel Bissekri

Pascal Kotté
Action Permaculture, Pully
7 min readMay 24, 2018

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“La permaculture, c’est le design.”

La permaculture n’est pas l’ensemble des systèmes soutenables pour produire la nourriture, l’énergie, le bâti, etc, mais l’art de concevoir des systèmes (ayant certaines propriétés : efficaces, éthiques, soutenables) : la permaculture, c’est l’art du design pertinent. Le design en permaculture signifie à la fois conception, aménagement, planification et organisation (et n’a aucun rapport avec l’esthétique ni la décoration). Il est en même temps dessin et dessein, il élabore des stratégies (comment + quand = espace + temps). C’est donc l’art de placer ou déplacer les éléments dans le système pour produire l’eau, le bâti, la nourriture, l’énergie… de manière efficace et soutenable.

1 question: J.L.B.

Vous parlez de “Produire l’eau, l’énergie, le bâti.. .. de manière efficace et soutenable”. Par efficace, voulez-vous dire économiquement rentable (aussi)?

Ma réponse: Pascal Kotté

La permaculture n’est pas “rentable” du poins de vue Kg de nourriture produite, par nombre d’heures humaines investies.

Par contre, contrairement à l’industrie verte destructive des sols, elle fabrique et régénère les sols arables. La permaculture c’est produire plus, avec beaucoup moins de carbone fossile, beaucoup moins de technologies, bien moins de chimie, mais pas moins d’expertises, et même plus encore, en besoin d’intelligences surtout. L’énergie nécessaire en nombre d’heures, en collectif, ne nécessite toutefois pas du tout de devoir renoncer à ses activités, y compris ses loisirs… Cela pousse tout seul ! La récolte et un peu d’entretien écologique, nécessitent du travail et des heures. Mais sur un collectif, c’est mineur.

Mais le “rendement” de la Permaculture est toutefois largement supérieur à notre pseudo “révolution verte”, basée sur la chime et le pétrole… La permaculture va permettre de fournir un avenir possible, pour nos enfants ! Contrairement à notre système actuel “hyper-productif, hyper-consommateur, hyper-destructeur, hyper-rentable”, surtout pour enrichir ceux qui le sont déjà… Qui est basé sur un auto-suicide collectif: cf. http://futur.kotte.net

C’est cela, la permaculture, et ce ne sera plus une option quand 10 Milliards (de crétins) d’humains peupleront cette minuscule planète ! (Et j’ai précisé me considérer moi-même faire partie de ces crétins…) Pascal Kotté

Réponse de Fèriel:

Fèriel Bissekri, Permaculture Designer et Directrice de collections Permaculture et Agroforesterie aux éditions MUSEO

“ Bien sûr que la permaculture est rentable. Si l’on s’en tient à la seule production de nourriture (ce qu’elle n’est pas seulement du tout puisqu’elle permet de produire également l’eau, le bâti, l’énergie, l’organisation juste du corps social ), comparons un système agricole à un système en permaculture : l’agriculture c’est entre 15 et 20 calories injectées (irrigation, engrais, pesticides, énergies fossiles, énergie grise, eau cachée, machines…) pour 1 récoltée. La permaculture c’est une calorie investie pour 15 récoltées. Aussi l’agriculture est un système intrinsèquement inefficace : https://www.linkedin.com/pulse/lhumanité-survivra-t-elle-à-lagriculture-et-la-fèriel-bissekri/

Par Éric Escoffier, Sylvaine Anani et l’équipe de Permaculture sans frontières

Et pourquoi nous nous consacrons à la permaculture depuis plus de 20 ans.

À l’instar du docteur Michel Odent, qui pose une question essentielle dans son livre intitulé “L’Humanité survivra-t-elle à la médecine ?”, nous nous interrogeons plus globalement sur l’anthropocène, et posons la question :

l’Humanité survivra-t-elle à l’agriculture (et à la technologie) ?

Nous pensons en effet que le choix de société qui consiste à produire notre nourriture, notre énergie et nos matériaux au moyen de l’agriculture, choix qui prend son origine il y a 10 000 ans, est la cause fondamentale des problèmes gigantesques que rencontrent l’Humanité et la planète aujourd’hui.

Entre autres conséquences catastrophiques, ce choix historique a très rapidement entraîné la déforestation massive de la planète, la création de déserts à des échelles continentales, le plus rapide épisode d’extinction massive des espèces vivantes de toute l’histoire de la Terre (biocide), la destruction de ses processus vitaux et de ses patterns fondamentaux (notamment de sa capacité d’autorégulation), et la destruction de la plupart de ses écosystèmes terrestres et aquatiques, au point de menacer sa capacité à rester en vie — et donc sa capacité même à porter la vie (géocide).

L’agriculture comme moyen de production de la nourriture, des matériaux et de l’énergie a aussi très rapidement eu pour conséquences une extrême dégradation de l’harmonie du corps social et de la qualité de vie des personnes, depuis l’alimentation et la santé jusqu’à l’économie et la gouvernance :

  • création systématique et exacerbée de pénurie et de rareté ;
  • éclatement des moyens de production, et plus généralement des capacités des groupes et des personnes ;
  • fragmentation extrême des psychés et des sociétés (petit nombre d’élites à l’immense pouvoir versus foule d’esclaves — songeons que l’on doit investir en agriculture aujourd’hui jusqu’à 20calories pour en produire 1, ce qui est impossible sans systèmes esclavagistes) ;
  • accaparement, par une minorité, du foncier et des moyens de production ;
  • inégalités et concurrence structurales à tous les niveaux ;
  • violence et guerre systémiques ;
  • dépendance inouïe à des quantités faramineuses d’eau, de matériaux, de chimie et d’énergies non renouvelables et à très haut niveau technologique, non seulement extrêmement toxiques et dangereuses, mais en plus non maîtrisées au niveau des personnes et du groupe ;
  • dépendance à des systèmes de production de la nourriture, des matériaux et de l’énergie intrinsèquement dégénératifs, toxiques et destructeurs, et de surcroît incroyablement peu productifs, non soutenables et non résilients ;
  • lesquels accroissent toujours plus, et à échelle planétaire, le chaos climatique, la déforestation et la désertification,
  • ainsi que la salinisation et l’érosion (perte) des sols (ce qui les rend incultivables en agriculture), et créent inondations et coulées de boue (et donc sédimentation et destruction des écosystèmes aquatiques).

Tout cela a finalement pour résultat une dépendance toujours accrue à ces systèmes, alors même qu’ils maintiennent les personnes et le corps social dans l’insécurité quant à l’alimentation, la santé, l’accès à l’eau, aux matériaux et à l’énergie (tant dans les pays dits riches que dans les pays dits pauvres), et plus généralement dans une économie de la rareté, extrêmement inégalitaire et concurrentielle, et dans des formes de société intrinsèquement insécures et violentes.

“La forêt précède les peuples, le désert les suit” : comme le soulignait Chateaubriand, l’agriculture et nos autres systèmes de production constituent le choix du minéral (ou choix du feu) contre le choix de la matière organique et de l’abondance des ressources.

La question est donc de savoir si nous sortirons de l’anthropocène par l’extinction des plus grandes formes de vie (et de notre propre espèce) , ou s’il existe une autre issue.

Heureusement oui, il existe une autre issue — pour peu qu’on la choisisse :

En effet, la permaculture propose la solution la plus rapide, la plus simple et la plus efficace pour reforester massivement notre planète et produire de manière soutenable de quoi répondre aux besoins des personnes et du corps social.

CONCLUSION

  • Un monde au climat à nouveau auto-régulé.
  • Un monde reforesté et vert.
  • Un monde aux ressources abondantes et quasi gratuites.
  • Un monde en paix.
  • Un monde égalitaire.

Tel est le programme de la permaculture.*

Et telle est la raison pour laquelle nous nous y consacrons depuis plus de 20 ans.

( *) Résumé adapté de Rosemary Morrow.

http://permaculture-sans-frontieres.org

Effectivement, toutes ces explications correspondent à ce que j’avais résumé sous l’affirmation:

Nous sommes 8 Milliards de crétins !

Car :

  • Soit car nous faisons partie des ultra-riches qui cautionnons un auto-enrichissement continue et en accélération, des mêmes riches… Sans réaliser que cela n’apporte pas plus de bonheur, mais précarise l’avenir de l’humanité…
  • Soit car nous faisons partie des esclaves travailleurs qui soutiennent la démarche ci-dessus, et refusons de réduire nos consommations…
  • Soit car nous faisons partie de ceux qui sont sortie de la Matrice, pour faire et vivre différemment, et en laissant les autres dans leur M…
  • Soit car nous finalement, en fait partie de la grande masse qui ne fait rien et qui laisse faire…
  • Soit enfin, quand tu fais partie de ceux qui ont compris qu’il fallait faire quelque chose, que tu as réduit ta consommation et tes déchets, et tente de convaincre les autres de faire de même, et qui te prennent pour un crétin !

J’espère des extra-terrestres ne nous observe pas encore: Car avec :

  • 2 Milliards de personnes sur 8, avec une Terre qui pourrait en nourrir au moins 10;
  • 30 conflits armés, sur une population qui n’aime pas faire la guerre,
  • des travailleurs qui enrichissent leurs employeurs et qui doivent les en remercier pour cela, au lieu de l’inverse;
  • Autant d’égocentrisme, de spéculations, de décisions absurdes et contraires à l’intérêt commun…

Il y aurait effectivement de quoi être convaincu de notre immense capacité de stupidité collective ! Une bande de crétins, mais tellement géniaux parfois, ingénieux, et surtout naturellement bienveillants et hyper social…

Comme le mentionne elle-même Fèriel:

Il s’agit juste d’une définition courte pour faire simplement comprendre qu’il ne s’agit pas de technique jardinage ou d’un mode d’agriculture alternatif et donc faire entrevoir son aspect systémique et holistique. Je crois (je sais en fait ;) ) que je pourrais parler pendant des jours et des jours et des jours de ce qu’elle est tellement c’est abyssal et fondamental. C’est pour moi plus qu’une passion, c’est la seule solution pour l’humanité de s’en sortir.

Mais dans mon association Permaculture, j’ai rencontré une seule personne qui comme moi, est convaincue de cette nécessité. Je ne m’y suis pas lancé par envie: Je déteste la terre, et j’ai pas la patience avec les plantes, elles bougent pas assez vite ! Mais par conscience de cette nécessité. Mais le plus marrant, c’est que j’y prends finalement beaucoup de plaisir, c’est un moment détente !

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Pascal Kotté
Action Permaculture, Pully

Réducteur de fractures numériques, éthicien digital, Suisse romande.