OVH et le
droit de rétractation

Olivier Lance
Personal Opinions
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4 min readJun 16, 2015

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Cher OVH, client à titre personnel chez vous depuis de nombreuses années, je ne me pose presque jamais la question du prestataire à choisir pour la réservation d’un nom de domaine ou la location d’un serveur.

Hier encore, j’ai commandé chez vous un nouveau nom de domaine. J’ai du coup reçu ce matin un questionnaire de satisfaction qui me demande comment, selon moi, vous pourriez vous améliorer.
J’ai bien une idée, mais la limitation à 1000 caractères de votre formulaire m’empêche de la développer, donc j’espère que vous la lirez ici !

Je “bug” à chaque fois sur votre case à cocher liée au droit de rétraction (mise en forme par mes soins) :

Je reconnais que le service auquel je souscris correspond à un bien nettement personnalisé. Par conséquent, et conformément aux dispositions de l’article L 121–21–8, 3°, je ne peux pas exercer mon droit de rétractation.

La loi définit très clairement la notion de bien et de service, qui sont deux choses différentes. Je viens de réserver un nom de domaine, ce n’est pas un bien. Vous me fournissez un service, mais vous jetez cette distinction par la fenêtre histoire de pouvoir vous rentrer de force dans le moule du 3° de l’article L121–21–8 (du Code de la consommation, ce que vous ne précisez pas de surcroît).

Ce 3° dit :

[Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :]

3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;

Il est à mon avis très discutable que le fait de choisir parmi un ensemble restreint d’options, qui sont les mêmes pour tous vos clients, constitue une “nette personnalisation” !
Les termes “fourniture de biens confectionnés” montrent d’ailleurs bien que le législateur entendait restreindre le champ d’application de cet alinéa aux biens matériels.

Cette pirouette est des plus malhonnêtes et qui plus est parfaitement inutile, puisque le 1° du même article est justement là pour votre type de services :

[Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :]

1° De fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation et dont l’exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation ;

Mais évidemment si vous utilisiez ce 1°, vous seriez obligés de changer “je ne peux pas exercer mon droit de rétractation” en “je renonce expressément à mon droit de rétractation”, ce qui doit moins vous plaire : autant faire croire au client qu’il n’a pas le choix !

Toute l’hypocrisie de votre décision est d’ailleurs très ironiquement mise en avant par le simple fait d’avoir choisi d’imposer la validation d’une case à cocher face à cette clause.
En effet le 3° supprime automatiquement et de plein droit au consommateur le possibilité de se rétracter de son achat ; s’il s’appliquait à vos affaires vous n’auriez pas besoin de case à cocher.

Comme ce n’est pas le cas, votre conseil juridique a probablement insisté pour que vous preniez un minimum de précautions avec ce détournement et réclamiez en réalité une certaine forme d’approbation de vos clients.
Mais dans les faits votre clause est caduque, et aucun de vos clients ne renonce donc expressément à son droit de rétractation comme la loi l’impose. Tous pourraient du coup vous faire faux bon légalement pendant 14 jours.

De mémoire, cette clause détournée est relativement récente dans votre process de commande, et elle a remplacé celle que vous pouviez légitimement invoquer.
J’ai vraiment du mal à comprendre votre choix, quand par ailleurs vous proposez des services d’un haut niveau de qualité et disposez d’une renommée qui doit probablement par elle-même faire cocher cette case à vos clients sans la moindre hésitation !

Bien évidemment, le résultat final n’est pas tellement différent : peu de gens doivent vraiment vouloir se rétracter de la réservation d’un nom de domaine, de la souscription à un hébergement ou de la location d’un serveur (quoi que !).
Mais la méthode me choque : avec ce “Par conséquent […] je ne peux pas”, vous dérogez à vos obligations légales et bafouez l’un des droits principaux accordés aux consommateurs, alors même qu’un cadre juridique dérogatoire est prévu pour votre situation !

Plutôt que l’utiliser, vous préférez détourner la loi et justifier cette manipulation par une référence illégitime qui, vous le savez, ne sera de toute façon pas vérifiée par la majorité de vos clients.

Ainsi donc, vous voulez vous améliorer ?
C’est simple : commencez par arrêter de tromper vos clients !

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Olivier Lance
Personal Opinions

Co-founder of Sylights and Digital Cuisine — Web and MacOS X developer