Anthropologie, George Frêche, Travail en binôme et Web Design avec Rodolphe Turmel.

Pierre Stefan
Pierre STEFAN
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11 min readJul 15, 2019

Entretien avec Rodolphe Turmel (UX designer, développeur front-end et formateur). Rencontré lors de ma formation en Web Design à Toulouse.

  1. Comment te définis-tu ? Intégrateur ou web designer ?

Avant, je me désignais comme intégrateur en effet puisque le travail en équipe était très sectionné. Aujourd’hui, comme le métier se redéfinit, on parle de UX designer et pas vraiment de Designer web. J’interviens sur la réflexion, la conception, l’expérience d’utilisation et ça fait partie des tâches de l’UX designer.

Après moi je n’interviens plus beaucoup sur le graphisme ou la réalisation des maquettes, ce qui pourrait être un des terrains d’action de l’UX designer ou du graphiste web. Chacun se définit un peu comme il veut. Je peux aussi me définir de temps en temps comme développeur front-end, puisque je fais un peu de JavaScript.

2. Est-ce que tu peux me donner un résumé de ton parcours ? Tu as dis tout à l’heure que tu a appris le code tout seul, est-ce que c’était au début de HTML ?

(rires…) je ne suis pas aussi vieux…

J’ai fait sociologie et anthropologie à la base, et j’en étais très content. Malheureusement il n’y avait pas de voyage prévu dans les tribus pygmées à la fin de la formation, donc je me suis dit que je voulais mettre en pratique mes enquêtes et mes observations par un autre moyen. Avec la méthodologie qu’on apprenait en anthropologie et en sociologie, je me suis dit que j’allais suivre des cours dans les arts appliqués pour pouvoir faire du design d’espace.

Les mots clés…

C’était encore à la fac donc c’était trop virtuel, théorique et pas assez concret. Et à ce moment là dans ma première année d’art appliqué au Mirail, on m’a parlé d’un IUP en arts appliquées qui se montait à Montauban. Et dans IUP, il y a le P pour professionnel, donc je me suis dit ça va être du concret. J’avais quelques profs qui venaient du monde professionnel comme la 3D et j’en ai profité pour apprendre un peu After Effects et un peu de Flash. Après pour le HTML et le CSS j’ai véritablement appris par moi-même à travers les stages et les bouquins.

La formation était quand même dirigé par des universitaires qui avaient monté cet IUP et ils voulaient avoir la mainmise sur leur bébé. Ils ont cassé tout ce qui était un peu trop pratico-pratique et ils ont carrément mis des bâtons dans les roues des profs qui n’étaient pas assez théoriques à leur goût.

Et après est-ce que tu as travaillé dans une entreprise ?

Oui, c’est important à la sortie des études quand même d’aller faire un petit tour dans les agences simplement pour savoir comment se passe le travail, comment se déroule une journée type, et observer pour comprendre le rythme et les impondérables dans la réalisation d’un projet en agence.

Juste après ma formation, j’ai fait des petites formations professionnalisantes de 1 semaine ou plus et je suis tombé sur une agence, assez particulière, constitué de commerciaux qui vendaient des sites web à 0 €. Ils allaient voir surtout des artisans.

J’en ai réalisé beaucoup à partir de CMS Simple et donc je faisait le graphisme, j’intégrais à partir d’un thème et puis je livrais mon site, sans oublier de former la personne à l’utilisation de son site. C’était du site “quick low-cost”, le responsable me demandait de produire 3 sites par semaine. Au bout d’un moment j’ai dit ça suffit ! Ce n’est plus possible ! Avec 1 et demi, c’est dur, maximum 2, jamais 3 ! Cela m’a fait quand même une expérience.

C’était difficile parce que tu voulais quand même faire un travail de qualité, non ?

Oui et aussi à l’époque la conception prenait beaucoup moins de temps. Aujourd’hui faire un beau site ne suffit plus, il faut désormais faire un site qui soit cohérent.

Projet mené par George Frêche

Après j’ai intégré une agence de pub qui s’appelait Sens Inédit et qui travaillait pour Georges Frêche, président de la région et maire de Montpellier. C’était une personne à la fois controversé et charismatique. Nous on était vraiment son agence de pub et on n’avait aucune concurrence en plus, puisque la mairie de Montpellier ne lançait jamais d’appels d’offres. C’était un peu un système mafieux et le boss* de l’agence était pote avec George Fraîche.

On faisait la com pour la ville de Montpellier, et ça grognait quand même car les autres agences n’avaient pas accès à des budgets aussi conséquents. Pour nous c’était bien parce qu’on était bien payés et on travaillaient sur des beaux projets, la belle vie quoi ! Et à un moment donné il est décédé et c’était la “guerre” ! George Fraîche s’est fait remplacé par quelqu’un** qui a fini en zonzon et l’agence n’était plus aussi la bienvenue.

Après que Sens Inédit ai fermé, un collègue avec qui j’avais fait mes études a créé l’agence Nose, avec qui je travaille en indépendant sur des projets que je trouve à droite et à gauche. Je ne cours pas après les projets parce que mon travail de formateur me prends pas mal de temps. Mais je tiens à en faire de temps en temps pour rester légitime dans la formation.

Mais du coup tu travailles souvent en équipe avec avec ton binôme ?

Oui, c’est ça.

3. Pour quel type de client tu aimerais travailler ? Quel serait ton projet idéal avec le client idéal ?

Ça serait dans le domaine de l’événementiel. Comme le festival Rio Loco, c’est le genre de projet qui m’intéresse parce que on peut vraiment s’éclater graphiquement en termes de tendances, de motion et il n’y pas de limites. La seule contrainte, c’est d’être super créatif ! Le client idéal me ferait confiance de A à Z et participerait à la réflexion autour du projet.

Homepage du festival Rio Loco à Toulouse

4. A part aimer le café quelles sont les qualités d’un bon web designer ?

La curiosité, la rigueur. Au début je ne l’étais pas mais je le suis devenu. La justesse, c’est à dire l’esprit de synthèse est important aussi. Il faut savoir observer, sentir les tendances du moment et ça ne se passe pas seulement sur le web. Même si c’est important de faire de la veille sur le web comme sur le site Awwwards, où on peut voir quels sont les sites récompensés, il faut également observer les tendances dans les autres domaines culturels comme la mode, le cinéma, la musique…etc.

Je regarde beaucoup les habillages télé que ce soit les présentations, les encadrés en filaire ou des animations de générique, parce qu’en termes de motion design la télévision peut être hyper à la pointe. Mon collègue de travail est dans la pub et par rapport à la sociologie j’aime beaucoup réfléchir à des concepts. On peut voir que les toutes les pubs fonctionnent par association d’idées, par opposition d’idées, et par des métaphores graphiques. Toute cette réflexion m’intéresse beaucoup.

5. Est-ce que pendant que tu travailles chez toi tu écoutes de la musique ?

Oui mais je n’écoute pas trop de chansons françaises malheureusement parce qu’il faut que je sois concentré sur ce que je fais et si je comprends les paroles, je n’écoute plus mes pensées. Mais la musique peut servir aussi à rythmer mon travail et j’aime bien écouter de la musique qui bouge des fois.

6. As-tu des activités extérieures à ton domaine qui pourrait améliorer ton travail dans le web design ? Comme la taxidermie ou le lissage de chaussures ?

La taxidermie pourquoi pas ? Pour la patience et la rigueur oui. Mais non, c’est pas trop mon truc… Par contre, on parlera de taxonomie dans le web design.

Participer à des Bootcamps Wordpress, à des colloques sur Toulouse, à la Cantine numérique où il y a souvent des conférences organisés. Participer aux événements autour de notre domaine d’activité et rencontrer des gens est super important pour faire du réseau.

7. Quels sont les trois logiciels que tu emmènerais sur une île déserte ?

Un bloc notes pour coder, un logiciel pour faire du montage vidéo et un autre pour faire du son !

8. Est-ce qu’il y a des fonctionnalités dans des applications qui t’énervent mais que tu est obligé d’utiliser ?

Je travaille dans le web mais je ne suis pas sur les réseaux sociaux. J’aime pas trop me raconter sur le web. Les choses qui m’énervent je les évitent.

9. Quels sont les sites sur lesquels tu vas ou les magazines que tu lis, les lieux les images qui t’inspirent ?

Pour faire ma veille j’utilise souvent Muzli. J’étais abonné à la Newsletter de Smashing magazine ce qui m’a appris plein de choses. Par exemple dès que le Flexbox est sorti, j’ai senti la tendance très tôt et je l’ai testé dès que c’était prêt à être utilisé. Donc j’étais très content d’être abonné à ce genre de newsletter. Je regarde aussi Awwwards.com pour voir les sites récompensés chaque jour.

10. Est-ce que tu participe à des forums ?

Non, mais je vais piocher des infos, quand j’ai des galères, s’il a eu des réponses de gens bienveillants et bien attentionnés. Je trouve vraiment formidable cet état d’esprit sur le web qui est basé le partage.

11. De quel travail est tu le plus fier ?

Splash Screen du Lycée Barral

J’essaie de faire des choses qui m’intéressent mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois tu n’as pas le budget qui fait que dans le projet tu vas pouvoir t’éclater. Dernièrement j’ai fait un site web pour un établissement scolaire, le lycée Barral sur Castres. J’ai dû me freiner moi-même parce que je voyais que j’y passais pas mal de temps et quand j’ai revu le devis j’ai réalisé que j’étais déjà hors limites ! J’ai dû m’arrêter à un moment donné mais c’était tellement prenant que j’aurais pu faire encore plus de choses.

Je ne me suis pas contenté de reproduire la maquette de mon collègue. Mon binôme est très pragmatique, il est dans la pub et le print, et le web ça ne le passionne pas plus que ça. Il fait ses maquettes rapidement et c’est moi qui vais corriger ou amener du Motion design pour le rendre encore plus intéressant, plus péchu. C’est ça qui est intéressant dans notre collaboration : je participe mine de rien au design mais sans être à l’origine du truc !

Après il y a eu des sites que j’ai fait par le passé avec d’autres collaborateurs qui étaient d’excellents graphistes et qui me proposaient des belles maquettes à intégrer mais ces sites web ont disparu depuis…

Le site du lycée Barral, tu l’as fait avec ton collègue ?

En fait c’est moi qui ai un peu tout fait, et j’ai même renégocié le budget à la fin. Il n’y a pas de soucis, c’est un collègue avec qui je peut discuter. J’ai fait le rendez-vous client, la conception et la benchmark. C’est lui qui a mit en page le dossier au final et qui l’a apporté au client pour la validation. J’avais trouvé un site sur le même sujet sur Awwwards, grâce auquel mon collègue a fait la maquette quasiment à l’identique. J’ai pris la maquette et je l’ai intégré.

Homepage du site web

12. Quel est ton processus de création, est-ce que tu planifie tout de A à Z dès le début ou tu improvise ?

J’improvise de moins en moins. L’impro laisse la place au doute, au flou, à des problèmes qui n’ont pas été prévu. J’aime bien savoir où je mets les pieds dès le départ ce qui m’évite de me planter en cours de route et puis de donner de fausses informations au client.

Pour le maquettage on n’aura jamais vraiment de soucis. Le travail d’intégration est parfois long, méticuleux et surtout pour la partie responsive, c’est un peu relou. Les fignolages sont parfois un peu longs. Par contre pour le développement back, je fais vraiment attention pour bien tout planifier parce que j’aime savoir ce que veut réellement la cliente pour éviter les désagréments. Je sais coder en PHP, mais je ne connais pas tout et j’ai plein de choses à apprendre comme par exemple le React*** que je n’utilise pas encore dans ma production.

13. Comment tu perçois le web design actuel ?

Je trouve le Web design un peu formaté aujourd’hui. Ça fait un peu vieux jeu de dire ça mais à l’époque il y avait Flash, qui est devenue Animate depuis. Comme sur Illustrator on pouvait faire du dessin vectoriel. C’était comme faire de la peinture pour réaliser décorum et ensuite on pouvait faire animer chaque élément du décor. On utilisait de l’ActionScript et parfois du code. Ça m’éclatait de travailler comme ça !

Le code HTML sans Flash, c’est juste une structure, une grille, un bloc. On va essayer de casser cette structure, on va l’habiller pour qu’on ne voit plus tellement que c’est une grille ! Cette méthode ne correspond pas vraiment au dessin et il est moins immédiat. Avec le mobile on arrive sur des sites où tout fonctionne en rangées et quand on réduit la taille d’écran, les éléments doivent se mettre les uns en-dessous des autres. Cette contrainte est limitative, mais c’est vrai que ça pourrait aussi devenir une contrainte créative.

14. Quelle est la dernière application que tu as découverte et que tu utilises encore ?

Il y a des applis pour t’entraîner sur le Javascript? des choses comme ça, donc quand je suis en déplacement, j’en utilise pour me tester un peu. Il y en aussi pour les autres codes.

Si non je suis un joueur de FIFA sur console et j’utilise une appli qui s’appelle Companion qui permet de gérer mon compte FIFA et mes équipes.

*Pascal Provencel

**Christian Bourquin

*** React (aussi appelé React.js ou ReactJS) est une bibliothèque JavaScriptlibre développée par Facebook depuis 2013.

Quelques liens utiles :

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