Les nouveaux médias : enfer et paradis

Nous lançons Pilote.Media sur une piste en feu. En feu des brûlures d’un passé qui nous rattrape. Et avec le feu des entrepreneurs et créateurs en devenir. Ca va chauffer !

David Valentiny
Pilote.Media
5 min readOct 31, 2018

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Le modèle économique des groupes médiatiques est remis en cause depuis des années. Le modèle traditionnel est obsolète depuis bien longtemps mais continue de générer des rentrées qui ont permis au secteur de s’acheter quelques années. Je pense qu’une nouvelle page se tourne.

Celle de la destruction, ou de la destruction créatrice. Il y a un monde entre l’une et l’autre, et nous (acteurs publics, acteurs privés, grands groupes et créateurs, employés et indépendant, professeurs et étudiants) pouvons saisir l’opportunité d’utiliser ce feu pour allumer les réacteurs ou chauffer les ballons. C’est une question de choix et d’attitude face à un passé qui n’est plus, mais qui peut nous guider dans l’immensité de l’inconnu.

Un proche m’a justement cité Simone de Beauvoir il y a à peine quelques jours : « Le présent n’est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l’action ». De nombreux acteurs vivent avec force cette vision aujourd’hui. Il suffit de voir la multiplicité des initiatives qui se créent : nouvelles plateformes d’information, services anti fake-news, youtubeurs, plate-formes de films d’auteurs, de documentaires, musiques partagées, nouvelles webTV d’info, etc.

C’est pour catalyser ce mouvement que nous créons Pilote.Media. Pour éviter la destruction simple, mais viser une transformation fertile. Le changement est là et il peut être subi ou proactif et positif. J’ai l’intime conviction que les entrepreneurs sont la clé de la porte qui sépare ces deux visions. Nous avons besoin des entrepreneurs, des créateurs. Ils ne sont peut-être pas ceux qui géreront les organisations de demain.

Leur attitude est davantage tournée vers l’exploration, la découverte, l’essai, la création. On a tendance à sous-estimer ce rôle car ce sont rarement eux qui portent les grandes entreprises dans la durée. Mais dans une période de transformation folle comme nous la vivons aujourd’hui, ces esprits de création, de disruption, de nouveauté, sont le sang de l’innovation. Ils doivent être mis au centre du jeu, dans la cabine de pilotage.

La piste est en feu. Le secteur médiatique n’échappe pas à l’uberisation. Il n’est pas le premier secteur à être ébranlé et n’est pas le dernier. Les marges se sont réduites drastiquement. Sa dépendance au papier reste trop importante pour des ventes qui dégringolent. Et de l’autre côté, certains youtubeurs avec des frais de structures proches du zéro absolu gagnent beaucoup d’argent avec une marge que l’on n’appelle plus une marge tellement elle s’approche des rémunération des joueurs de foot.

Mais aussi, la piste est en feu : le secteur bouillonne d’énergie créatrice. Très loin d’une carlingue abandonnée, de très nombreuses initiatives naissent. Dans les grands groupes autant qu’auprès de collectifs et individus qui échappent au radar classique du secteur.

Et le secteur a un avantage incroyable pour faire de la période que nous vivons une transformation fertile et non pas une perte sèche : le MVP et les indicateurs.

extrait de la méthode Pilote.Media

En effet, le secteur des média est un paradis de MVP. Un MVP, c’est un « produit minimum viable ». C’est une chose que vous pouvez facilement présenter à un client, un public, un auditeur, une audience, pour recueillir son retour, sans dépenser fortune en temps ou en argent. Pour lancer un nouveau média thématique, on peut tester un podcast. Avant de réaliser un service de recherche d’info sur le web basé sur l’intelligence artificielle, on peut chatter en se faisant passer pour le robot et faire tout « à la mano ». Pour créer une plateforme de création d’infographies automatisées, on peut mettre en ligne un site web avec quelques exemples en une demi-journée, etc. Les médias sont un paradis pour les MVP.

La méthode Lean Startup utilisée dans de nombreux accélérateurs de startups se base précisément sur cette notion, que les entrepreneurs média peuvent s’approprier avec facilité. Certainement davantage que d’autres secteurs comme la pharma, l’infrastructure et la construction, ou encore l’aérospatial. Donc oui, l’avantage d’innover rapidement et à moindre coût est présent. Autant le saisir avec conscience et force.

Et les indicateurs? Et bien le numérique offre la possibilité, à nouveau à moindre coût et rapidement, de suivre (tracker) l’utilisation que font les audiences d’un produit médiatique. Combien de personnes regardent? Combien ne regardent que la moitié? Quels sont leurs comportements d’usages? Combien partagent ou prennent une part active dans la consommation de l’information, etc.

Ainsi, l’entrepreneur peut, en temps réel, comprendre comment faire évoluer son offre, d’après ce que lui dit le marché. Là, tout de suite. Pas dans 6 mois. Et gratuitement. Quel avantage! Quel encouragement à l’agilité. Etre sûr que l’on ne dépensera pas des fortunes ou du temps inconsidéré pour un produit médiatique qui ne retiendra pas l’intérêt de son public, quelle aubaine!

C’est pour toutes ces raisons que nous lançons Pilote.Media. Parce que la piste est en feu. Un feu qui brûle parfois et fait mal, mais dont les flammes s’entremêlent aux flammes de la création permanente.

Parce que oui, j’aurais dû commencer par là : comme l’ensemble du secteur des industries culturelles et créatives, comme la cuisine, comme le théâtre, comme le design, le secteur médiatique est un producteur permanent du neuf : un nouvel article, un nouveau jeu vidéo, un nouveau film, un nouveau JT, une nouvelle interview…

Le secteur ne se lève jamais en se disant qu’il peut vendre le même article qu’il y a une semaine. Il y a bien sûr quelques gimmicks, des trucs et astuces pour faire vendre ici et là. Des enquêtes utilisées plus d’une fois. Mais au final, la production, la création intensive, journalière, sont la substance du secteur. Et ça aussi, c’est un avantage à réaliser et à traduire.

Le challenge est d’utiliser cette force créatrice, non plus uniquement pour produire contenus et formats, mais à présent pour remonter d’un niveau et réinventer les organisations, les solutions médiatiques à apporter à l’ère numérique, les talents à intégrer, les technologies à utiliser, etc. Et coupler cette force créatrice aux méthodes structurantes apprises dans l’univers des startups.

Tout est là. Nous espérons pouvoir contribuer à l’envol de quelques belles nouvelles aventures, tant au sein des vols long courrier que des petits avions de tourisme.

(credit photo: Michael Jasmund, on unsplash)

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David Valentiny
Pilote.Media

Director @Engine. Innovation management, startups, policy design, SDG’s, energy engineering.