Accélérons le progrès !

Le débat sur la 5G a mis en évidence les différences d’interprétation sur ce que représente le progrès technologique dans notre société digitalisée.

L'Equipe du futur
L’Observatoire du futur
4 min readOct 4, 2020

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Sa définition même fut longuement débattue entre les membres des mêmes partis et, plus largement, entre les militants et partisans de partis politiques aux idéologies différentes, ravivant au passage un certain clivage gauche/droite. La 5G est-elle un progrès en soi ? Peut-on la qualifier de rupture technologique au service de l’intérêt général ? Ses avantages sont-ils supérieurs à ses inconvénients ?

Pour répondre à ses questions, la gauche a apporté plusieurs réponses, souvent incohérentes et contradictoires. Les écologistes et les insoumis sont clairement hostiles à la 5G, essentiellement pour des considérations environnementales et sanitaires souvent démenties par la science. Le reste de la gauche, prudente, n’est pas contre son déploiement seulement si celui-ci s’accompagne d’une meilleure couverture du territoire en 4G et en fibre optique, tout en luttant contre l’illectronisme.

Autant vous l’avouer tout de suite, je ne partage pas le pessimisme général actuel, et je ne comprends pas pourquoi une partie de la gauche, ma famille politique, rejette la 5G, et plus largement le progrès technologique. Je m’inscris ainsi dans le courant de pensée positif et accélérationiste développé récemment par Nick Srnicek et Alex Williams. Ce qu’il faut combattre, ce ne sont pas ces nouvelles solutions porteuses de nombreuses promesses — dans les domaines environnemental et médical justement — mais l’idéologie qu’elles servent et qui elles enrichissent. Il en a été de même pour tous les progrès technologiques de ces dernières décennies. Qui en a réellement profité ? Quels poches ont été remplies jusqu'à déborder ?

Il existe aujourd’hui au sein de la gauche un courant qui ne croit plus au progrès de la science. Ils remettent en cause l’utilité des vaccins, accuse les ondes électromagnétiques de tous les maux, etc. Faute d’une écologie scientifique bien structurée, des mouvements négatifs se sont développés, fondés sur l’adoration — sans esprit critique — d’une nature sacralisée. Cette idéologie s’est renforcée au cours des dernières années, trouvant dans les réseaux sociaux une caisse de résonance efficace. J’invite pourtant tous les opposants au progrès à relire Hannah Arendt pour qui “le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une même médaille”. Autrement dit, en voulant se prémunir contre la catastrophe, ils refusent le progrès…

Contre la plus grande des menaces actuelles, le dérèglement climatique, ne devrions-nous pas chercher plus ardemment des solutions du côté de la science et du progrès technologique au lieu d’organiser un repli sur soi généralisé ? Plutôt que de ralentir le rythme, viser la décroissance, ne faudrait-il pas au contraire accélérer ? Le capitalisme de plateforme que nous connaissons tous a par exemple limité les forces productives de la technologie pour les diriger vers des finalités inutilement rétrécies… Ne devrions-nous pas nous réapproprier ce progrès que les GAFA et la Silicon Valley ont “gadgétisé” dans le but de s’assurer des profits exponentiels et le mettre enfin au service de tous ?

D’après le GIEC, afin de ne pas fran­chir le seuil de réchauffement de 1,5 °C, il faudrait extraire de notre atmosphère entre « 100 à 1000 giga­tonnes de CO2 au cours du XXIe siècle »… Un chantier titanesque qu’aucun pays ne pourra réaliser seul. De nombreuses solutions sont envisagées, comme la reforestation. Mais la solution la plus prometteuse consiste à empri­son­ner le CO2 pour ensuite l’en­ter­rer ou le réuti­li­ser afin de fabriquer un carbu­rant neutre en carbone destiné aux navires, avions, ou encore aux camions. L’entreprise Carbon Engineering s’est spécialisée dans la mise au point de cette solution technologique. Elle a créé une centrale capable d’absorber autant de CO2 que 40 millions d’arbres ! De son côté, l’intelligence artificielle peut aussi aider à lutter contre le réchauffement climatique en déterminant par exemple la meilleure combinaison possible de modes de production d’énergie à privilégier (solaire, éolien, nucléaire, etc.), les quantités à produire et les meilleurs moments de la journée pour produire une énergie neutre en CO2.

Ces exemples montrent qui si nous réorientons collectivement nos efforts vers le progrès, nous pourrons transformer nos sociétés pour leur permettre de résoudre les catastrophes qui s’annoncent. Mais accélérer suppose de remettre en cause les politiques d’austérité qui deviennent réalité à chaque crise financière, d’abandonner les conservatismes et d’adapter nos vieilles institutions aux défis à venir. Accélérer, c’est aussi prépaper l’avenir et redéfinir notre futur, en abandonnant la nostalgie et ses pouvoirs anesthésiants. La gauche doit retrouver le goût de la complexité, de la globalité et de la technologie ! Elle doit aussi proposer un autre récit aux électeurs, riche en opportunités et résolument optimiste.

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