Doit-on laisser des parents endeuillés retrouver leurs enfants disparus grâce à la VR ?
Il y a un an, le groupe audiovisuel public sud-coréen, Munhwa Broadcasting Corporation, diffusait sur son antenne le documentaire événement “I Met You”. Celui-ci dévoilait les retrouvailles forcément émouvantes entre Nayeon, décédée à l’âge de 7 ans en 2016, avec sa mère Jang Ji-sung, grâce à la réalité virtuelle. Dans ce documentaire— que vous pouvez choisir ou non de découvrir à la fin de l’article dans un extrait long de neuf minutes — on entend Jang Ji-sung pleurer dès la première apparition de sa fille disparue. En retrait, le reste de la famille — composée du père de Nayeon mais aussi de son frère et de sa soeur — observe la scène avec une certaine retenue.
A l’aide de son casque de réalité virtuelle, Jang Ji-sung évolue avec sa fille dans un monde virtuelle constitué d’abord d’un parc qu’elles avaient visité ensemble puis on aperçoit également Jang et Nayeon jouer ensemble dans la chambre de cette dernière, ou bien encore réunies autour d’une table pour fêter un anniversaire.
Il aura fallu huit mois aux équipes techniques pour recréer les différents éléments scénographiques de ces retrouvailles, mais aussi pour capturer et enregistrer, grâce à une technologie dédiée, les mouvements d’un enfant acteur qu’ils ont ensuite utilisés comme modèle pour recréer la Nayeon virtuelle.
Selon la psychologue clinicienne Vanessa Lalo, spécialiste de l’impact psychologique des usages numériques innovants, « le deuil est purement subjectif et dépend de chaque individu. En tout état de cause, l’expérience a l’air de faire du bien à cette mère, du moins sur le coup. Il faudrait évidemment étudier l’impact à long terme de cette immersion. »
Pour Jang Ji-sung, l’expérience a été positive. “J’ai rencontré Nayeon, qui m’a appelé avec un sourire, pendant un très court moment, mais c’était un moment très heureux. Je pense que j’ai réalisé le rêve que j’ai toujours voulu”, a-t-elle précisé dans les médias, avant d’ajouter, “peut-être que c’est un vrai paradis”.
Et si, à l’avenir, cette pratique se généralisait grâce à une technologie qui tend à rendre le virtuel de plus en plus réel ? Doit-on laisser des parents endeuillés retrouver leurs enfants disparus ? Quel serait alors l’impact de revoir un être cher décédé sur le processus de deuil ? Certaines personnes ne pourraient-elles pas en devenir dépendantes ?
C’est un risque, surtout avec le perfectionnement de l’intelligence artificielle qui sera de plus en plus autonome au cours des prochaines décennies et qui sera capable de créer de véritables rendez-vous faisant le lien entre le monde virtuel et le réel. Comment ? Grâce à l’exploitation des données personnelles des personnes disparues stockées sur des serveurs dédiés et qui appartiendront à leurs descendants. Un créneau que certaines startups veulent d’ores et déjà vouloir occuper.
Peu après la diffusion du documentaire sud-coréen, des similitudes entre l’histoire de Jang Ji-sung et celle développée dans un épisode bien précis de la série Black Mirror ont été soulignées dans les médias et sur les réseaux sociaux du monde entier. Dans cet épisode, intitulé “Be right back”, on suit le parcours d’une femme qui tente de gérer, grâce aux nouveaux outils technologiques mis à sa disposition comme l’intelligence artificielle, la perte soudaine et brutale de son compagnon… Les nouvelles technologies transforment toutes les sphères de la société, certaines plus rapidement que d’autres, et la mort n’y fait pas une exception.