Episode 4 — L’émergence de nouvelles solutions en France et en Europe
La France dispose de nombreux atouts
Par exemple, les ingénieurs français sont mondialement reconnus. Depuis 2018, Jérôme Pesenti, ancien responsable du programme d’intelligence artificielle d’IBM, s’occupe désormais de l’ingénierie et des produits liés à l’Intelligence artificielle au sein de Facebook. Yann LeCun, un autre français, créateur du laboratoire “Facebook Artificial Intelligence Research”, a rejoint la direction scientifique du même réseau social. L’an dernier, il a reçu le prix Turing, l’équivalent du prix Nobel d’informatique, pour son travail au début des années 2000 sur « des avancées conceptuelles et techniques majeures qui ont fait des réseaux de neurones profonds un élément essentiel de l’informatique ». Avec Yoshua Bengio et Geoffrey Hinton, ils ont créé la technique du “deep learning” qui reproduit le fonctionnement de notre cerveau grâce à des réseaux de neurones artificiels. Une technique qui a complètement bouleversé le secteur de l’intelligence artificielle en permettant aux algorithmes d’apprendre seuls, sans l’aide des humains. Pour continuer à peser, il faudra aussi que la France poursuive son effort de formation mais en payant mieux ses ingénieurs et en leur offrant de vrais débouchés, tout en investissant plus dans la recherche.
D’autres solutions émergent pour faire de la France un acteur qui comptera dans les prochaines décennies. La première consiste à financer sur le long terme les startups : la France s’est dotée d’une French Tech et d’un système qui finance plus facilement le lancement d’une jeune pousse qu’elle ne la pérennise sur le long terme.
Une autre réponse peut être l’élaboration de nouveaux droits universels du numérique avec par exemple l’accès à un nombre minimal garanti de mégabits ; l’interdiction par la loi des déserts numériques ; le droit au respect de la vie privée, à l’oubli numérique et au parcours neutre sur internet ; une meilleure régulation des réseaux sociaux ; la lutte contre la violence et la haine en ligne, etc.
La quatrième solution pourrait consister à imposer aux services de cloud, comme ceux utilisés par les GAFAM, d’être stockés dans des datas centers situés dans le pays d’émission des données. En 2018, afin de se conformer à la loi chinoise sur la cybersécurité, Apple s’est vu imposer le transfert de toutes les données des utilisateurs de l’iCloud chinois à un partenaire local. Selon l’association professionnelle “The Information Technology Industry Council”, une douzaine de pays s’est engagée comme la Chine à la localisation des données de leurs concitoyens.
Enfin, la cinquième solution — sans doute la plus ambitieuse — vise à nationaliser nos données utilisées par les GAFAM. Comment ? En élargissant le rôle de la CNIL pour rassembler et chiffrer l’ensemble des données de la population pour les mettre ensuite à disposition, sous certaines conditions, des entreprises. Pour de nombreux observateurs, cette nouvelle ressource financière permettrait, par exemple, de doter d’un capital de départ tous les français à leur majorité ou la mise en place d’un revenu universel de base équivalent au seuil de pauvreté mensuel. Cette nouvelle ressource pour l’Etat pourrait également financer de nouveaux programmes en faveur de la santé des français.
L’Europe aussi dispose d’atouts (mais elle ne le sait pas)
Elle pourrait tout d’abord doter ses entreprises de l’argent nécessaire à la recherche et au développement de nouvelles technologies— ce qui les empêcherait d’aller le chercher ailleurs — en mutualisant entre les pays membres les sommes nécessaires pour concurrencer les Etats-Unis et la Chine dans les domaines de l’intelligence artificielle et l’informatique quantique, les transports de demain (en soutenant l’hydrogène et les voitures électriques autonomes), les superordinateurs et la révolution médicale (nanotechnologie…). Elle a le pouvoir de faire de ses entreprises des licornes qui peuvent peser au niveau international. Le but ultime étant de ne pas se retrouver dans la situation d’un pays colonisé numériquement.
De plus, la culture européenne du numérique pourrait être celle qui promeut l’utilisation de systèmes d’exploitation et de logiciels libres (Linux), et un Internet de l’entraide et du partage. Elle pourrait également voter des lois anti-trust pour limiter les monopoles, comme le font les Etats-Unis, en limitant le niveau de certains marchés à 70% pour une seule entreprise.
L’Europe pourrait aider à créer des plateformes collectives, semblables à celles que l’on connaît, dont les services seraient offerts en tant que service public, et qui n’exploiteraient pas les données personnelles à des fins commerciales. Le concept “d’Etat-plateforme” doit faciliter la relation à l’administration d’une part, mais aussi être une réponse au capitalisme de plateforme avec pour objectif principal la création d’un nouveau modèle d’État et de société.
Enfin, elle pourrait aider au financement et à la mise en place de solutions efficaces contre le réchauffement climatique, comme la capture et le stockage souterrain du CO2. Afin de respecter l’Accord de Paris, le monde devrait stocker plus de 5 milliards de tonnes de CO2 par an en 2050, selon des calculs de l’AIE. Encore balbutiant, le marché frémit. Les projets sur le point d’être lancés représentent 27 milliards de dollars d’investissements. Sur le Vieux continent, la capture et le stockage de CO2 pourraient assurer a minima 5 % de la réduction des émissions entre 2020 et 2050. A la pointe sur ce dossier, le gouvernement norvégien vient d’approuver le financement du projet « Northern Lights ». Au total, 1,5 million de tonnes de CO2 seront stockées sous la mer du Nord à partir de 2024.