Il faut nationaliser nos données !

Un récent vote en Californie, favorable à une monétisation des données des citoyens, relance le débat entre la gauche et la droite sur leur exploitation par les GAFA.

L'Equipe du futur
L’Observatoire du futur
3 min readNov 8, 2020

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Mardi dernier, les américains n’ont pas seulement voter pour élire leur nouveau Président. Ils ont également participé à de nombreux scrutins locaux. L’un d’entre eux, organisé en Californie, portait sur l’opportunité de créer une CNIL locale, mais aussi de demander aux citoyens de payer pour voir leurs données mieux protégées, ou encore de les rémunérer pour l’exploitation de ces mêmes données. 56% des électeurs ont voté en faveur du texte soumis à référendum. Il entrera en vigueur en 2023.

Andrew Yang pendant la campagne des primaires américaines.

Depuis quelques mois, un débat de fond s’installe entre la gauche et la droite quant à la juste rémunération de ce nouveau pétrole que sont nos données personnelles. En 2019, le gouverneur californien, Gavin Newsom, proposait le versement d’un dividende digital. “Les consommateurs californiens devraient également pouvoir partager la richesse créée à partir de leurs données”, déclara-t-il lors d’une interview. Deux ans plus tôt, en 2017, l’État du Minnesota présentait déjà un projet de loi qui obligeait les fournisseurs de services de télécommunications et d’internet à payer les consommateurs pour l’utilisation de leurs informations. Enfin, lors des primaires démocrates, le candidat Andrew Yang, créateur du “Data Dividend Project”, promettait de rendre à chaque citoyen l’équivalent de 1000 dollars par mois. Après tout, les entreprises de la Silicon Valley ne se gênent pas pour monétiser nos données, alors pourquoi ne partageraient-elles pas le fruit de cette richesse avec nous ?

Cette vision est portée en France par le think tank de Gaspard Koenig, Génération Libre. Dans son rapport “Mes data sont à moi”, il propose ainsi l’instauration d’un droit de propriété sur nos données personnelles. “Inspiré par le raisonnement déployé par le chercheur américain Jaron Lanier, l’objectif est de rendre l’individu juridiquement propriétaire de ses données personnelles. Chacun pourrait ainsi vendre ses données aux plateformes, ou au contraire payer pour le service rendu et conserver ses données privées”, peut-on lire en introduction du rapport.

Gaspard Koenig

Vendre ses données. Le mot est lâché ! Sachant que les limites juridiques à cette solution existent réellement et qu’elle n’a été mise en place dans aucun pays dans le monde. Pourtant, une autre stratégie est possible. Elle est même évoquée dans le rapport de Génération Libre. Elle repose sur une nationalisation des données à laquelle s’ajouterait la création d’une “agence nationale (…), rassemblant, mutualisant et chiffrant l’ensemble des données de la population, pour les mettre ensuite à disposition, sous certaines conditions, des entreprises les mieux à même de les utiliser”. Une stratégie que le think tank ne préconise pas. “Une telle mainmise de l’Etat sur nos données créerait une bureaucratie diamétralement opposée à la culture de l’Internet, et donnerait au pouvoir central des moyens de contrôle extravagants”. Peut-être. Mais à la question de l’utilisation et la rémunération de nos données, il existe donc une réponse qui s’inscrit dans une logique plus égalitaire que celle proposée par les libéraux, et qui permettrait une meilleure répartition de la richesse créée par nos données.

Pour de nombreux observateurs, cette nouvelle ressource financière permettrait, par exemple, de doter d’un capital de départ tous les français à leur majorité ou la mise en place d’un revenu universel de base équivalent au seuil de pauvreté mensuel. Cette nouvelle ressource pour l’Etat pourrait également financer de nouveaux programmes en faveur de la santé des français.

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