Les évolutions de l’IA et l’éducation

Gaborit Aloïs
ORIENTATION(S)
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4 min readJun 1, 2018
L’intelligence artificielle, une menace ?

“Je fais partie de ceux que la super intelligence inquiète. D’abord, les machines feront de nombreuses tâches à notre place, sans être super intelligente. Ce sera positif si on le gère bien. Quelques décennies après ça, l’intelligence sera suffisamment développée pour devenir un problème”. A travers cette citation, Bill Gates fait part, comme d’autres (Stephan Hawking, Elon Musk, …), de sa méfiance à l’égard du développement de cette technologie tantôt dépeinte comme une formidable source de progrès, tantôt dépeinte comme une menace.

Aux origines de l’intelligence artificielle :

La première partie de la phrase de Bill Gates, fait référence aux premiers travaux sur l’IA dès les années 50. En effet, on peut lire dans le mémo Mc Carthy d’Août 1955 la définition des principes de base de l’IA : transposer dans des machines les capacités humaines (langage, vision, raisonnement). L’émotion était alors laissée de côté, car trop aléatoire. Ainsi le sens premier était de permettre à des programmes d’exécuter des tâches humaines grâce à des règles complexes. Pour citer le mémo, l’IA était alors définie comme « la base de la théorie selon laquelle chaque aspect de l’apprentissage ou tout autre caractéristique de l’intelligence peut en principe être décrite avec une telle précision qu’une machine peut être faite pour la simuler ».

Une industrialisation rapide

L’IA, en s’industrialisant fait évoluer les métiers

Ainsi, l’IA a vu ses applications industrielles se développer, à très grande vitesse ces dernières années. Par exemple dans la santé elle a grandement aidé les radiologues. Les prospectivistes nous expliquent qu’elle permettra, en développant ces applications, de traiter un nombre bien plus important de patients sans pour autant remplacer le cœur du métier des médecins. En effet, si les pratiques vont changer, l’essence même du métier — analyser un cas patient dans son ensemble et définir les soins adaptés au diagnostic — restera la même. Autrement dit, nous ne serons pas nécessairement soignés par des robots mais les diagnostics pourraient être automatisés et les médecins se consacrer aux parcours de soin.

Une humanisation de l’intelligence artificielle ?

Les humanités, une richesse pour l’IA

Plus récemment, l’IA est sortie du seul giron des techniciens pour demander de plus en plus de compétences créatives et liées aux humanités. Georges Anders explique d’ailleurs que “cet inutile diplôme d’humanités vaut désormais de l’or pour la tech”. Ainsi Google publie par exemple de plus en plus d’offres de postes pour des littéraires et des personnes ayant un goût pour les mots. La technologie Google Assistant étant désormais développée il est en effet nécessaire pour l’entreprise américaine d’améliorer l’expérience utilisateur en humanisant toujours plus la manière de converser de la machine. Stanford confirme d’ailleurs la tendance en créant une formation dédiée aux humanités et à l’IA : Standford System Program. L’objectif est de former des professionnels polyvalents, pluridisciplinaire, capables de traiter des problématiques multifactorielles et complexes. Nous avons cité l’exemple du langage mais c’est également le cas pour l’éthique par exemple. De nombreux laboratoires recrutent des philosophes notamment pour traiter cette problématique, faisant émerger de nouveaux intitulés de métiers, comme celui d’Andrew Taggart : « Consultant en philosophie pratique pour de grandes entreprises ». Sylvain Duranton résume cette situation en arguant que « on considère que l’IA c’est coder, écrire des algorithmes et basta. Non, c’est 10 % du travail, 20 % doit être consacré à l’intégrer pour le faire fonctionner avec les outils existants, et les 70 % restants concernent le déploiement, le travail pour faire adopter les processus, changer les manières de travailler. »

Cette montée en puissance fait écho à de nombreuses prises de position de scientifiques comme Mark Coban, selon qui il est primordial d’étudier les humanités pour ne pas voir son emploi occupé par une machine.

Une tendance de fond : l’IA bouleverse l’organisation du travail.

Ces différentes évolutions tendent à confirmer l’étude menée par le Boston Consulting Group. En effet Sylvain Duranton explique que l’IA « n’est pas un outil de plus qui viendra s’ajouter à l’organisation actuelle. Les processus et les compétences professionnelles vont être profondément transformés. » Cela aura effectivement comme conséquence la disparition de certains métiers, notamment ceux qui peuvent être automatisés. Pour autant, une multitude d’autres seront repensés. Du technicien de maintenance qui travaillera avec des lunettes de réalité augmentée et qui guidera la machine, l’avocat qui utilisera l’IA pour synthétiser un corpus juridique qu’un homme seul ne pourrait digérer permettant ensuite au professionnel de mieux analyser les dossiers, un spectre de métier très large verra son quotidien transformé. Enfin, si les métiers manuels comme l’artisanat ainsi que les professions sociales ne seront que peu touchées par l’IA, les professionnels ne seront probablement pas épargnées par le progrès technique.

L’IA bouleverse-t-elle aussi notre vision de l’éducation ?

Ainsi, si le développement de l’IA engendre une revalorisation des humanités, un besoin de créativité croissant et une nécessité de maîtriser les risques inhérents à toute technologie, ne faudra-t-il pas d’abord et avant tout apprendre à gérer les nouvelles technologies, et ce, dès l’enfance ? Nous évoquerons ce sujet dans un prochain article, centré sur la notion de Digital quotient. Ce concept a été développé afin de contrebalancer la prépondérance du QI afin de caractériser l’intelligence digitale dont nous devrions tous disposer. Nous évoquerons également bientôt la question des nouvelles écoles pour s’adapter aux changements du 21ème siècle et aux nouveaux besoins d’emplois.

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Gaborit Aloïs
ORIENTATION(S)

Co-fondateur de Pixis.co, je suis passionné par l'innovation sociale et technologique au service des enjeux du 21ème siècle.