Les caprices d’Anaïs

de Bernard Coat

Éditions Numeriklivres
Polar, thriller, roman noir

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Entre une plongée en apnée dans les catacombes de Paris, à la découverte d’artistes plus que maudits et de personnages qui jouent les anges exterminateurs, et une mission de sauvetage auprès d’Anaïs, voilà un roman bien noir, où le tragique l’emporte sur la comédie.

Bernard Coat

On a beau être optimiste et idéaliste, ce n’est pas une raison pour nous prendre pour des imbéciles… À son retour d’Afrique, où notre héros, le Robin des bois modernes, Bernard Balzac (initiales B.B.) a manqué se faire trouer la peau dans un pays hostile pour la conquête de son Graal inoffensif, une couleur rouge à nulle autre pareille, il va lui falloir essuyer les frasques de sa gentille et jolie cousine, Anaïs.Entre affres métaphysiques et lyrisme urbain, il aimerait bien qu’on le laisse un peu seul avec sa sérénité. Peine perdue. Cet homme est résolument bon et sait pleurer comme les constructeurs de cathédrales. Entre une plongée en apnée dans les catacombes de Paris, à la découverte d’artistes plus que maudits et de personnages qui jouent les anges exterminateurs, et une mission de sauvetage auprès d’Anaïs, voilà un roman bien noir, où le tragique l’emporte sur la comédie. Les bonnes choses ont une fin, et elles tournent parfois au drame.

Un avant-goût

J’ouvre les yeux, la forte lumière hivernale du matin emplit la pièce des couleurs de mes vitraux. C’est joyeux, légèrement acidulé pour que je me réveille dans des circonstances calculées depuis déjà pas mal d’années sachant qu’à cette époque il fallait se procurer ce genre de plaisir, car l’humanité a tôt fait d’entartrer les heures qui suivent.

J’entends du bruit dans la cuisine aux ustensiles anciens, Anaïs connaît les lieux. Je ne me presse pas, mon ego réclame la chaleur des couleurs qui s’étalent, ce n’est pas de la flemmardise, juste du qualitatif. J’ignore le pourquoi des courbatures, chauds, froids, tremblements qui ont perturbé mon sommeil. Sur pied, mes jambes ne répondent pas à la souplesse à laquelle je suis habitué, je ne m’attarde pas sur ces quelques symptômes probablement dus à la fatigue accumulée depuis mon dernier voyage.

Direction la cuisine. Anaïs est déjà en train de causer au téléphone face à un bol de café et un verre qui semble contenir du thé, mais qui en fait est du whisky. Me voyant, elle prend congé de son interlocuteur et croit bon me devoir des explications :

— Je « rallume la chaudière », quand on a bu un coup, le lendemain il ne faut pas rester à sec sinon tes artères rétrécissent subito et ça te file des maux de tête et autres incommodités. Je préfère m’en passer et avoir le pied marin, dit-elle avec un sourire figé, culpabilisant légèrement.

Je m’assieds face à elle, j’allume l’une des radios d’état pour avoir les actualités et tournant comme au ralenti ma cuillère dans mon bol de café, j’entends les geignardises habituelles des politiques à propos du chômage, de la crise.

— Ça fait vingt ans que j’entends parler des mêmes problèmes, sont pas très efficients nos élus, ironise à bon escient ma cousine.

Je lui souris comme un sot, conséquence inconnue d’une fébrilité qui m’agace et me met mal à l’aise.

— Ça y est ! J’ai invité Alex et les copains pour ce soir. Mon frère est super-content de te revoir, il est déjà parti à la recherche d’un « truc » qui te fera plaisir. Les autres ne sont pas bien méchants, mais je les sentais déjà prêts à bondir comme des bêtes. Si tu le veux bien, cette après-midi, je vais aller faire quelques courses en passant par les jardins de Bercy et la Cour Saint-Émilion pour me rafraîchir les idées, puis on se retrouve tout à l’heure pour une petite fiesta gentille.

Je ressens la fatigue du voyage vers la corne africaine et accepte volontiers de me retrouver seul sachant le plaisir que j’aurai à la revoir sans tarder.

L’on se quitte.

Je vais m’appuyer contre une fenêtre, la populace fonce à toute allure vers « l’usine à gaz », le spleen me prend, je préfère me diriger vers un vieux canapé et clore les yeux, ces choses-là sont trop consternantes à voir. Je prends un hypnotique. Une chose qui dépasse une simple anxiété tracasse mon plexus solaire, mon système nerveux en général, quoiqu’il paraît que je suis plutôt du genre : « je m’en fous et le reste aussi… ».

Je me remémore mes quelques combines avec des flics ripous, ils me donnaient des photos dégueulasses que je revendais à des magazines qui payaient « cash » et l’on se partageait les bénéfices des atrocités, mondanités et banalités qui s’arrachent dans les kiosques. J’avais mes entrées, j’écrivais pour quelques rédactions des articles de tous types : art, histoire, et quand la faim me tiraillait vraiment, j’étais capable de leur faire la rubrique des chiens écrasés. Je rentrais « chez moi » avec mes derniers billets en poche pour me mettre au travail, il m’arrivait également de travailler comme nègre pour une bande de tordus. Quelques discours ou bouquins pour faire avaler des couleuvres à la populace qui n’a pas besoin de se forcer pour avoir l’air pitoyable de la bêtise. Mon rendement était faible et je fréquentais la pauvreté depuis pas mal de temps, il m’arrivait de ne pas manger et je connaissais bien le froid dans mon appartement-masure qui appartenait à un bougnat qui soûlait la gueule de ses clients pour remplir son tiroir-caisse. Je ne veux pas parler de chagrin, car mon esprit devinait un printemps qui viendrait me libérer, mon âme était en hiver, c’est tout. Il m’est difficile de vous décrire cette période de ma vie, je voulais vivre de peinture et sérénité ; je n’extériorisais rien, je ne vendais pas, je ne fréquentais pas les mondanités, les teneurs de galeries « tartes à la crème » devant qui il faut baisser son froc ou sortir les biftons. J’écrivais aussi des histoires sur moi ou des fictions que je gardais dans un coin de mon appartement ou dans la cave, bien planquées. Je croyais que ces années avaient gelé mon imagination sans espoir de retour. J’ai contourné l’ordure.

L’espoir, le désir, la volonté, le talent… je m’endors du sommeil du presque juste.

Je me réveille à quatorze heures, me fais du café à faire réapparaître un zombi et me décide pour une promenade en amoureux solitaire sur les quais. Je me souviens avoir laissé des clés à Anaïs.

Il me faut un bon moment pour retrouver ma quiétude. Je déambule, essayant d’attraper de la joie de vivre sur le visage des passantes. Je me sens voleur de sourires, dérobeur d’œillades, de regards diaprés coquins ou prudents. Marchant vite, je me trouve quai de La Râpée face à la morgue où quelques nécrophages errent la nuit, je ne me sens pas comme il faut… je prends mon petit couteau à cran d’arrêt fétiche et le serre fort dans mon cœur caché dans ma poche, les passants sont moins nombreux, pas trop de bistrots par ici quand le soir colore le ciel de peur, quand les lampadaires font apparaître dans l’air un voile brumeux, dansant, traité au soufre et à toutes les immondices que je respire avec mon assentiment total, hypocrite le jour, mais d’accord jusqu’au bout de la nuit. Parisien, je revendique plus que de raison cet air, cet état d’esprit vicié jusqu’aux tripes. La mélodie de mon téléphone portable entonne avec originalité What’s going on de Marvin Gaye, la belle me prévient que tout le beau monde est sur le pont, je rapplique après ma tournée salvatrice. Je me fais de super balades à Paris qui parfois durent toute la nuit, j’attends et j’espère avant que ma vie s’en aille. Il faut apprendre à voler l’air. Voler, choper le léger, l’aérien, devenir cleptomane du presque rien qui nous fait vivre. Il ne faut pas être trop respectueux avec la vie, mais lui voler la douceur et tout ce qu’elle semble nous refuser.

Je mate le ciel qui se gonfle de colère et de larmes citadines, j’accélère.

Tous droits réservés. Bernard Coat et Numeriklivres, 2014 — 107 pages-écrans

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