Hello Tomorrow : des insectes ou des algues ? (Épisode #4 — Food and Agriculture)

Charlotte Lemaitre
Possible Future
Published in
5 min readNov 3, 2017

La population mondiale continue d’augmenter. À horizon 2050, le scénario moyen prévoit que nous ne serons pas loin de 10 milliards sur la planète dont presque 70% dans les villes, selon le rapport de l’ONU sur les perspectives de l’urbanisation.

Selon la Banque Mondiale, le réchauffement climatique pourrait réduire de 25% les rendements de nos récoltes. Paradoxalement, un tiers de la nourriture produite est perdue ou gaspillée tout au long de la chaîne de valeur du champs à la fourchette.

Nourrir la planète dans ce contexte, tel est la mission complexe de l’agriculture aujourd’hui.

Une mission complexe mais pas impossible !

En effet, des projets innovants pour répondre à ces enjeux voient le jour un peu partout dans le monde.

C’est le cas des startups qui participaient au Challenge Hello Tomorrow cette année.

Pitch de Finless Foods

On connaissait la viande artificielle avec notamment la CEO de New Harvest, Isha Datar qui était venue nous raconter l’année dernière comment, grâce à l’agriculture cellulaire, on allait pouvoir continuer à manger des burgers sans tuer des vaches tout en limitant l’impact environnemental. Cette année, c’est au tour du poisson avec Finless Foods. En effet, si la consommation de viande est nocive pour la planète, la pêche fait aussi des ravages. 53% des stocks de poissons de la planète sont pleinement exploités, alors que la consommation de poisson continue d’augmenter. Ici aussi l’idée est de cultiver des cellules de poisson à partir d’un petit échantillon de cellules d’un poisson vivant. Reste à combattre les barrières psychologiques et culturelles à la consommation sans parler de la question de la régulation qui reste en suspens !

La startup Ambrosus quant à elle s’attaque à la qualité et la traçabilité de la nourriture tout au long de la chaîne de valeur et pour ça elle s’appuie sur la blockchain et des capteurs. Pour se donner les moyens de ses ambitions, Ambrosus vient de mener une levée de fonds sous forme d’offre initiale de jetons (ICO). La startup a ainsi levé 100 000 Ethers, soit 28 millions de dollars à date du 23 octobre 2017. À la question du jury sur leur business model, le CEO revendique un système totalement ouvert et transparent . L’objectif est de créer un écosystème qui repose sur la confiance qui permette à chaque consommateur de savoir exactement d’où viennent les produits et ce qu’il y a dedans.

On estime à 52% l’augmentation de la consommation mondiale de protéines animales entre 2007 et 2030. Or l’élevage émet plus de gaz à effet de serre que les transports ! Ainsi, 2 startups du Challenge se lancent dans la production de protéine alternative. L’une, String Bio, start up indienne de Bangalore, a trouvé le moyen de transformer le méthane en protéine. Dans un premier temps, le produit fini doit servir à nourrir le bétail, une manière de contourner la barrière psychologique des consommateurs. L’autre, Spiris, a trouvé le moyen d’augmenter la production de spiruline en limitant les besoins en eau et en augmentant les rendements. La question sur les modes de consommation de la micro algue reste malheureusement en suspens.

La lutte contre le gaspillage alimentaire impossible ? 50% des fruits et légumes sont perdus au niveau global. Les deux tiers de ces pertes sont dus aux contraintes logistiques et aux techniques déficientes et énergivores de consommation. Et si on pouvait créer une seconde peau naturelle pour augmenter la durée de conservation des fruits et légumes sans utiliser d’infrastructure de refroidissement ? C’est le pari que fait Cambridge Crops qui en est aux prémices de cette technologie déjà testé sur les bananes et les fraises. Dans la même veine, la start up californienne Edipeel semble plus avancée, puisqu’elle a déjà testé son procédé sur les avocats et les citrons . Sur leur site on peut lire une citation de Charlie Rose de CB News qui décrit le procédé comme étant “The biggest revolution in food since refrigeration”. De quoi faire rêver les producteurs et les retailers !

On salue la dimension internationale de l’événement avec des startups suisses, indiennes, françaises, sud-coréennes, américaines… Une belle diversité qui fait du bien ! On reste un peu sur notre faim sur le niveau de détail et la clarté des pitchs, on a envie d’en savoir plus sur les véritables avancées de ces projets.

En parallèle des concours de pitchs se déroulaient des sessions en plénière sur la grande scène, avec notamment , Marc Oshima, le co-fondateur d’Aerofarm. Pour lui, l’agriculture urbaine et plus particulièrement l’aéroponie, est une réponse à l’absurdité des flux logistiques de l’industrie agroalimentaire. Plus qu’une seconde peau pour les aliments, il est temps de produire là où les gens se trouvent, c’est à dire en ville ! L’aéroponie est une technique qui permet de produire “hors sol” en maîtrisant tous les paramètres du milieu nutritif nécessaire à la plante (concentration des éléments nutritifs et de leur proportion respective, pH, température…) afin d’obtenir les meilleurs résultats de culture. Une combinaison d’IoT et de machine learning appliquée à l’horticulture qui leur permettent d’être 390 fois plus performants que l’agriculture traditionnelle, et tout ça sans utiliser de pesticides. La startup se développe en particulier aux Etats-Unis où elle compte en finir avec les fameux “Food Deserts”, ces quartiers défavorisés où les habitants ont un accès limité à des fruits et légumes frais. Pour sensibiliser les consommateurs à ces nouvelles pratiques, Aerofarm travaille avec des chefs de renom comme David Chang.

Marc Oshima le co-fondateur d’Aerofarm

Ensuite c’est au tour du fondateur de Grain Sense de venir nous raconter comment évaluer la qualité des grains, sur le lieu de production. En effet, l’entreprise Grain Sense propose aux agriculteurs une machine portable qui évalue la quantité de protéine dans leur grain. Du taux d’humidité à la teneur en gras en passant par la quantité de « carbs » : la machine indique tout ce qu’il est important de connaître pour le producteur et les industriels qui achètent leur grain.

La thématique Food & Agriculture d’Hello Tomorrow s’achève en fin de journée par un panel avec des acteurs aussi variés que Pierre-Philippe Mathieu, de l’agence spatiale européenne, Alexis Angot de Ynsect, qui élève des insectes à l’échelle industrielle pour nourrir les animaux et Marc Oshima, d’Aerofarm que nous avons présenté précédemment. On y découvre notamment le rôle de l’agence spatiale européenne en agriculture grâce à l’imagerie satellite. Il est question, à partir de ces données, de créer des services pour les agriculteurs afin de les aider dans leurs prises de décisions : utilisation de produits de protection des cultures et des machines, périodes optimales de semis et de récolte. Alexis Angot insiste sur le rôle de la régulation et les contraintes que cela peut comporter lorsque l’on veut innover dans ce secteur.

On a hâte d’en savoir plus sur l’avenir de toutes ces initiatives scientifiques et technologiques pour impacter positivement l’avenir de l’agriculture et de la planète . On espère que le message passera auprès de l’industrie agroalimentaire et des agriculteurs conventionnels, même si malheureusement, il y en avait peu sur scène et parmi les participants …

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