Innover pour mieux manger : ces startups qui redonnent confiance en l’alimentation

L’innovation #FoodTech au service d’une alimentation saine pour l’humain et durable pour l’environnement

Faten Saleh
Possible Future
7 min readFeb 23, 2018

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8 FRANÇAIS SUR 10 estiment que les produits alimentaires qu’ils consomment sont « moins sains » que ceux du temps de leurs parents.

Les scandales alimentaires de ces dernières années ont secoué l’industrie et les consommateurs. De la vache folle à la grippe aviaire, en passant par le saumon à la dioxine et les crevettes à la gélatine, les consommateurs ont peu à peu porté un regard nouveau sur la qualité des produits.

La qualité alimentaire est désormais associée avec la sûreté alimentaire : les consommateurs exigent de savoir ce qu’ils mangent et de connaître l’intégralité du processus de transformation. Cela ouvre des opportunités gigantesques pour l’innovation dans le secteur de l’alimentation : comment redonner de la confiance aux consommateurs, mais aussi aux distributeurs et aux producteurs ?

Le local comme garantie de confiance dans l’origine des produits

Le sourcing local constitue un des arguments les plus puissants mis en avant par les distributeurs, traditionnels ou nouveaux entrants pour garantir l’origine des produits. Importer un produit de l’autre côté de la planète est non seulement mal perçu pour des raisons environnementales, mais aussi pour l’impression d’opacité sur la fabrication qui résulte de la distance.

Il y a d’abord le besoin d’établir un lien de confiance entre tous les acteurs de la chaîne de valeur. Whatsgood, un marché de producteurs en ligne, y répond en mettant en relation des grossistes avec des distributeurs locaux et régionaux. Directement destinés aux consommateurs, des réseaux de circuit court comme les AMAP et la Ruche qui dit oui ! instaurent ce même lien de proximité. Avoir confiance dans les produits que nous mangeons, c’est d’abord savoir d’ ils viennent et qui les produit.

Pour proposer des produits encore plus « locaux », Metro a pris l’initiative, à Berlin, de produire dans ses magasins : grâce à la société InFarm, ils ont installé des serres directement à l’intérieur de certaines surfaces de vente. Ce rapprochement entre le lieu de production et le lieu de l’achat permet non seulement de réduire drastiquement l’impact écologique lié au transport mais fournit également une garantie absolue pour le consommateur en termes de traçabilité et d’origine du produit. Ce qui n’est aujourd’hui encore qu’une preuve de concept est en train de devenir une tendance de fond, avec l’essor de l’agriculture urbaine (urban farming).

Les “Kraütergarten” installés dans un supermarché Metro à Berlin par InFarm.

La confiance naît également de l’histoire qui est racontée autour du produit. C’est par exemple le parti pris d’Ah La Vache, un groupement de producteurs indépendants qui livrent directement de la viande de qualité à des clients urbains. La désintermédiation permet d’une part de mieux rémunérer les producteurs tout en proposant un tarif identique aux grandes surfaces pour les consommateurs, et d’autre part d’instaurer un lien de confiance fort. Il s’agit là d’un exemple de modèle économique judicieux et efficace pour toutes les parties.

“Savoir ce qu’on mange” : la nouvelle exigence de transparence des consommateurs

La confiance passe aussi par la transparence et par une information complète sur ce que nous consommons. On retiendra l’initiative de la marque de yaourt bio Les Deux Vaches, qui, à travers son site savoircequonmange.com, communique sur la qualité et la fraîcheur de leurs ingrédients (leur lait bio par exemple) et sur la provenance des produits.

Améliorer la transparence peut également contribuer à rendre plus pratiques des régimes alimentaires contraignants. Partant du constat que 20% de la population doit obligatoirement vérifier la composition des produits pour des raisons médicales ou théologiques, Kwalito permet, à partir de ses préférences alimentaires, de déterminer si un aliment est consommable par le client. En scannant le code-barre d’un produit, l’utilisateur obtient les informations qui lui sont le plus nécessaire.

Pour les personnes souhaitant contrôler finement leur alimentation en termes de nutriments, la startup SCio a développé un capteur moléculaire de poche. Celui-ci permet alors de déterminer et suivre précisément les apports nutritionnels en calories, lipides, protéines et glucides. D’un prix encore élevé (250$ environ), ce type d’équipement pourrait devenir une norme, afin de contrôler et de vérifier la qualité des ingrédients directement chez soi.

Des innovations B2B pour aider l’industrie agroalimentaire à améliorer la qualité des produits

Le besoin de transparence des consommateurs nécessite une transformation du mode de fonctionnement des producteurs et des distributeurs. Là encore, des startups développent des services pour aider les professionnels à vérifier et contrôler ce qu’ils achètent et ce qu’ils vendent. Pour aider les agriculteurs à évaluer la qualité de leurs grains sur le lieu de production, l’entreprise Grain Sense propose une machine portable qui évalue la quantité de protéine dans leur grain. Du taux d’humidité à la teneur en gras en passant par la quantité de glucides : la machine indique tout ce qu’il est important de connaître pour le producteur et les industriels qui achètent son grain.

Pour certifier en temps réel la conformité alimentaire des fournisseurs par rapport au cahier des charges des marques, Connecting Food utilise la blockchain et le cloud. Cette startup française peut intervenir lors des audits des fournisseurs pour comparer les données (fournies et réelles) en temps réel. Aujourd’hui, seulement environ 10% des produits mis sur le marché sont vérifiés et certifiés. D’où la volonté de Connecting Food de vérifier les promesses inscrites sur les emballages pour répondre aux problèmes de qualité qui touchent à la fois le consommateur et le capital de marque (du fournisseur ou du retailer).

Enfin, ImpactVision propose un produit qui facilite la sélection de produit de qualité dans les centres de distribution, en amont des points de vente. Grâce à une caméra infra rouge, on peut évaluer facilement la maturité, la tendresse des fruits. Il suffit de déposer les fruits sur un tapis roulant : cela évite d’avoir à manipuler les fruits à la main (et donc de les abimer), de planter des sondes dans la viande… Disposer de ce produit en amont de la distribution peut donc permettre de sourcer des produits plus qualitatifs ou plus adaptés aux besoins des distributeurs.

Impact Vision identifie des informations sur un produit grâce à une caméra infrarouge.

Vers une expérience augmentée du retail : mieux informer les consommateurs en changeant l’expérience en magasin

La transformation de l’information alimentaire prend également place directement dans les magasins, pour offrir une expérience d’achat plus transparente. Les magasins Coop ont ainsi développé en Italie un supermarché innovant, en partenariat avec le MIT. Le magasin propose aux clients une nouvelle expérience d’achat de leurs produits : ceux-ci ne sont plus rangés en rayon frais/sec, mais selon leur matière première. Ainsi, les tomates fraîches se retrouvent à côté de celles en conserves, tandis que le raisin est à côté du rayon des vins. Cette organisation bouleverse les habitudes de consommation et invite à repenser notre conception des aliments. Par ailleurs, au dessus de chaque rayon, on retrouve des miroirs qui jouent également le rôle d’écran afin d’en apprendre plus sur le produit que l’on saisit : valeurs nutritionnelles, potentiels allergènes, information sur le transport du produit.

Le “supermarché du futur” a été créé à Milan, en partenariat avec le MIT.

Pour mieux montrer au client ce qu’il mange et le faire interagir directement avec le produit présenté en magasin, les équipes de l’initiative « Open Agriculture » du MIT Media Lab et le Food + Future coLab monté avec la chaîne américaine Target ont collaboré avec des experts de spectroscopie, Ocean Optics, pour construire une plateforme qui pourrait « voir » à l’intérieur de la nourriture pour tout évaluer : du niveau de nutriments aux contaminants. Cette approche aurait pour objectif de supprimer les étiquettes qui ne donnent qu’une vision à un instant T d’un produit, pour proposer la composition dynamique du produit : date de production, nombre de calories, composition en nutriments, en totale transparence, notamment pour le frais (fruits et légumes).

La lisibilité des étiquettes peut également être améliorée pour qu’elles constituent une vraie garantie de confiance. Good & Gather, par exemple, a développé pour les supermarchés Target de grandes étiquettes à taille fixe, listant les composants d’un produit. La liste remplit toujours l’étiquette, de sorte que plus un produit est complexe (par les ajouts d’ingrédients, ou par sa transformation), plus le texte sera inscrit petit. Cela permet de comprendre très rapidement la simplicité ou complexité de la composition d’un aliment.

Des étiquettes simples chez Target qui montrent l’intégralité des ingrédients d’un produit.

Toutes ces innovations se mettent au service d’un enjeu majeur pour l’industrie agroalimentaire, résultant des exigences nouvelles des consommateurs : la confiance alimentaire. De nombreuses startups de la FoodTech relèvent le défi en rapprochant la production de l’achat par la désintermédiation et le local, en améliorant la traçabilité et l’information des produits ou encore ou changeant l’expérience d’achat en magasin. Ces innovations pousseront l’ensemble de l’industrie agroalimentaire à se réinventer pour faire face à ces nouveaux modèles plus efficaces, plus seins et plus durables.

Issu d’une note d’exploration écrite collectivement par les membres du French Bureau (www.frenchbureau.com)

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