Pourquoi nous sommes devenus une entreprise certifiée B Corp

Thomas Papadopoulos
Possible Future
Published in
8 min readFeb 26, 2020

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À la fin de l’année 2019,

a reçu la certification B Corp. Une façon pour nous de démontrer que nous sommes plus que jamais investis dans la création de projets d’innovation durable. Qu’être une entreprise qui fonctionne, en 2020, c’est bien plus que de faire du profit. Comment avons-nous fait évoluer notre ADN ? Pourquoi maintenant ? Et, concrètement, à quoi ça sert ? On vous explique…

Voilà trois ans que nous avons créé Possible Future. Trois ans passés à innover, expérimenter, observer, tâter le terrain, collaborer avec des entreprises de toute taille et de toute sorte, tester des produits et des services innovants, créer de nouvelles structures, monter et scaler des start-up, remettre en question les business-models d’hier pour trouver ceux de demain… Nous avons étudié, exploré, approfondi, avec toujours en tête notre mission initiale, soit ce désir d’agir en accord avec les réalités de notre époque, dans le sens de cette économie positive que nous soutenons depuis le premier jour.

Trois ans plus tard, nous avons fait un point : nous nous sommes rendus compte que nous avions parfois été un peu vite en besogne. Que certains de nos projets, montés avec un enthousiasme débordant, parfois même des étoiles dans les yeux, ne correspondent plus à ce que nous voulions être, ni à la façon dont nous avions initialement imaginé de mener notre activité.

Plus largement, qu’une partie des projets réalisés pour nos clients, bien que portant l’étiquette « innovation », ne remplissaient plus les critères d’exigence que nous nous étions fixés initialement et qui devaient nous permettre de lancer des innovations utiles et durables pour la Société.

Il nous fallait marquer le coup, et signifier à nos partenaires et clients, mais également à tous nos collaborateurs que nous souhaitions porter notre ambition plus loin encore. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de devenir une entreprise certifiée B Corp.

People, planet, profit…

Rose Marcario, la CEO de Patagonia, la marque de vêtements durables et probablement la plus célèbre « B Corp » au monde, explique de façon assez remarquable l’importance de ce qu’elle dit être plus qu’un simple « label » : « Le mouvement B Corp est l’un des plus importants de notre époque, fondé sur le simple fait que les entreprises doivent impacter le monde plus qu’en servant les seuls actionnaires — elles ont une responsabilité tout aussi importante envers la société et la planète. ». Cette description va totalement dans le sens de la vision que nous avons de notre projet d’entreprise.

Force est de dire que ça fait déjà quelques temps que nous avions fait notre examen de conscience. Et avec ce dernier s’est imposée à nous l’idée qu’une entreprise, peu importe son secteur d’activité ou sa taille, ne doit plus être reléguée uniquement à son habilité à faire du profit. Que les enjeux sociaux et environnementaux sont tout aussi importants (soit : « people, planet, profit »). Parce que l’objectif d’une B Corp, c’est justement (comme c’est plutôt bien expliqué ici) : « ne pas chercher à être la meilleure entreprise AU monde mais la meilleure entreprise POUR le monde. ».

People, Planet and Society over Profit

Un process finement défini

Évidemment, nous sommes loin d’être les seuls, ni les premiers, à avoir opté pour cette initiative. Créé en 2006 par l’organisation américaine sans but lucratif B Lab, la certification B Corp a depuis été attribuée à plus de 2500 entreprises à travers le monde. Pour être labellisé, il faut répondre à de nombreuses questions dans 5 domaines précis : la gouvernance, l’environnement, les communautés, les collaborateurs et les clients. Suivant un process assez finement défini, fait d’un questionnaire plutôt exhaustif suivi d’un audit de votre structure, et moyennant une participation financière, le label vous est décerné si vous dépassez 80 points sur 300 (à savoir que la moyenne des 80 000 entreprises dans le monde qui ont déjà passé le test se situe autour de 55 points).

En France, un peu moins d’une centaine ont reçu la certification — on y retrouve des start-ups comme Phénix, qui lutte contre le gaspillage alimentaire, l’assurance en ligne Luko, La Ruche Qui Dit Oui, Veja, Ulule, ou encore la chaîne de restauration Big Mamma. On notera aussi que même des grands groupes s’y intéressent et regardent ça de très près : Danone, par exemple, a annoncé viser la certification B Corp pour 2030 — sa filiale américaine l’a obtenue en 2018.

Alors pourquoi maintenant ?

Nous ne sommes pas les seuls à l’avoir remarqué : l’euphorie dont bénéficiait la technologie il y a encore quelques années, est largement retombée. Et pour cause : il y a eu beaucoup trop de dérapages, de produits sans intérêts. La preuve avec quelques exemples d’innovations (inutiles ?) repérées à la dernière édition du CES de Las Vegas : un ourson pour vous amener le papier toilette ? Un pommeau de douche avec assistant vocal ? Un pare-soleil intelligent ? Eh non, vous ne rêvez pas, il s’agit bel et bien de vrais projets, avec de vraies entreprises derrière. Et du vrai argent. C’est marrant, certes. Mais quand on se dit que, concrètement, des milliers de dollars (et nous sommes gentils — c’est beaucoup plus) sont investis chaque année dans ce genre de produits, on se dit que ce n’est plus possible. Qu’il faut qu’il y ait une prise de conscience plus générale sur l’importance de l’innovation et de ses externalités qui se doivent d’être positives.

Alors exit l’énième service absurde censé rendre notre quotidien plus confortable et nous permettre de bouger encore moins de notre canapé, exit l’énième solution de targeting publicitaire dopée à l’IA. Il faut se concentrer sur des projets qui extraient l’inconscient collectif de ce fantasme d’un futur où tout ira mieux simplement parce que la technologie sera là pour nous donner les pleins pouvoirs. Le futur, nous le créons aujourd’hui, maintenant, et il ne passera sûrement pas par un énième bracelet connecté, mais plutôt par d’innombrables autres bonnes idées qui répondent aux nombreux défis sociaux et environnementaux du monde dans lequel nous vivons.

Du sens avant tout

C’est vrai, nous aussi, nous avons fait des erreurs. Chez Possible Future, nous sommes loin d’être exemplaires. Nous avons passé du temps à conceptualiser et prototyper des « solutions » à des problèmes qui nous semblent aujourd’hui dérisoires. Qui ne correspondent plus à l’époque, ni à nos ambitions actuelles. Des projets qui ne sont d’ailleurs pas allés très loin, peut-être parce que, justement, ils ne répondaient pas à cet objectif désormais inhérent à notre société : celui d’une innovation qui propose du sens avant tout. Une innovation qui n’impose pas ses idées, mais les adapte aux exigences sociétales. Forts de notre nouvelle baseline « Sustainable future — From ideas to launch », nous avions annoncé la couleur : Possible Future voulait, dès le début, se lancer dans des projets d’économie positive. Nous aspirions déjà, en essence, à être une B Corp.

Mais une incantation seule ne fonctionnant pas, il a fallu qu’on trouve notre voie, qu’on s’octroie quelques erreurs (c’est important, comme vous savez), qu’on adapte les bonnes pratiques, et qu’on progresse. Petit à petit. Que ce soit au niveau de la transparence en interne, de la gouvernance, du traitement de nos collaborateurs et de nos fournisseurs, sans oublier évidemment des questions qui touchent directement les problématiques environnementales : tout est passé au crible, afin de parfaire notre fonctionnement et d’être le plus irréprochable possible. Parce qu’en 2020, une entreprise ne peut plus fonctionner comme avant.

La fin du « washing » ?

Il y a quelques années encore, le monde de l’innovation et des start-ups n’avait qu’un seul objectif : l’hyper-croissance. Les yeux lorgnant sur la Silicon Valley, la bave aux lèvres devant les exploits des stars du secteur de la tech et de la valorisation absurde de certaines entreprises (dépassant parfois plusieurs milliards de dollars), tout tournait autour du « scale ». En effet, le fait de scaler était alors le seul mantra louable d’un entrepreneur chevronné, d’une entreprise ayant compris les règles du « game ».

Pourtant, en 2020, cet état d’esprit nous semble bien vieillot. La crise climatique et les innombrables catastrophes environnementales de ces dernières années sont passées par là. Avec cette prise de conscience salvatrice, le monde de l’entreprise a, d’une façon terriblement cynique, retourné sa veste : les start-up d’aujourd’hui se revendiquent toutes de la « tech for good », et les entrepreneurs à impact se multiplient comme l’herbe folle dans les prés. Et, avec eux, on retrouve tout type de « washing » : green-washing, woke-washing, impact-washing… Tout est bon pour expliquer qu’on fait également partie des entreprises qui ne pensent pas qu’au profit. Et pourtant…

Pour nous, la certification B Corp est une façon de couper drastiquement l’herbe aux pieds de ceux qui usent et abusent de ce « washing » de toute sorte. C’est la preuve irrémédiable que les mots n’ont de sens que s’ils sont accompagnés d’actes concrets. Et, comme rien n’est immuable, c’est aussi une façon, pour nous, de montrer la voie — en toute humilité évidemment.

Ce n’est que le début

On pourrait s’arrêter là. Se gargariser de cette certification. Mais ce n’est pas la logique de B Corp. Si nous sommes très fiers d’avoir été certifiés, nous sommes conscients de n’être qu’au début du chemin.

Pour nous comme pour beaucoup d’autres, la certification B Corp représente une sorte de validation de notre engagement, un travail que nos collaborateurs sont extrêmement fiers de mettre en avant (et nous ne sommes pas les seuls). Mais ça ne s’arrête pas là : outre le fait de nous donner accès à toute une communauté d’entreprises, elles aussi certifiées, B Corp nous permet de vous mesurer aux meilleures entreprises du monde en matière d’éthique. C’est une façon de progresser sans s’arrêter.

Et c’est bien parce qu’elle nous fait entrer dans un processus d’amélioration continue (le score à atteindre augmentant tous les 3 ans), que cette certification B Corp nous oblige à aller jusqu’au bout de l’exercice que nous nous étions fixés : faire de Possible Future un laboratoire d’innovation.

Partant du principe que nous ne voulons pas nous réveiller un jour en réalisant que nous sommes devenus un cabinet d’innovation suffisant, qui donne des conseils à ses clients qu’il est incapable de s’appliquer à lui-même. Mieux : qu’une entreprise comme la nôtre devra toujours se placer à l’avant-garde de toutes les pratiques — managériales, organisationnelles, économiques… — si elle veut garder son âme.

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