Repenser le voyage à l’aune du Covid : 9 pistes à explorer en 2021 🗺

Le voyage n’a jamais été autant bouleversé. Cloué au sol, confiné à domicile, le voyageur de l’année 2020 se confronte à une limitation inédite de la mobilité. Quels sont les nouveaux imaginaires du voyage ? Comment réinventer le dépaysement ? Comment concilier les enjeux environnementaux avec la richesse des rencontres de l’autre et de l’ailleurs ? Tour d’horizon.

Léa_Brosseau
Possible Future
7 min readFeb 23, 2021

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Cet article est un extrait d’une note de prospective que vous pouvez retrouver en intégralité ici.

✈️ 1/ La bulle-spatio-temporelle du voyage se redéfinit

La violence du confinement a produit un besoin d’élargir ses espaces mentaux et physiques sans partir de chez soi. L’espace de la maison s’affirme à la fois comme un refuge et un espace contraint pour les confinés urbains.

Refuge tout d’abord, car le confinement a souligné le besoin d’une « pause » sociale : en mai, à l’annonce du déconfinement, 29% des Français répondaient positivement à l’affirmation « rester le plus possible chez moi sans voir personne me plaît » dont une plus grande part des plus jeunes (38% des 18–24 ans).

Face à l’hyper sollicitation permanente, la « joie de manquer » (une occasion de sociabilité) popularisé par le hashtag #jomo a remplacé « la peur de manquer » plus connu sous le hashtag #fomo, s’incarnant dans un espace, celui du foyer. Cette volonté de se tenir loin des autres, si elle prend une coloration hygiéniste aujourd’hui, n’était pourtant pas nouvelle, du point de vue du tourisme.

La multiplication des « retraites » dans le secteur du tourisme est bien synonyme de la nécessité de se « retirer » du monde, non pas uniquement dans son foyer, mais aussi autour d’expériences apaisantes. Loin de l’imaginaire de la mobilité lointaine, le voyage réinvestit ainsi l’échelle de la proximité, de la maison au quartier.

Quelques pistes…

  • Inventer de nouveaux espaces pour se ressourcer.
    Bloom, premier lieu anti-stress et studio de méditation ouvre à Paris, propose bain sonore, MBSR, relaxation… Parmi de nombreuses activités, l’halothérapie, le fait de respirer des oligos-éléments et passer 45 min dans la « grotte de sel », qui aurait les mêmes vertus que 3 jours passés en bord de mer.
  • Investir l’échelle de l’hyperproximité.
    Les microaventures Chilowé sont des expériences et activités d’extérieurs, sans quitter la France. Conçu comme un guide de voyages, le site propose 134 micro-aventures à réserver directement, en Ile-de-France. Récemment, la marque a pris un virage en proposant un festival dédié à la nature et la micro-aventure avec des intervenants de renom sur le sujet.
  • Le voyage pour s’extraire du monde.
    L’offre principale de pensée sauvage s’aligne sur celles des « retraites detox ». L’expérience sur-mesure, présentée sous forme de cure, est composée de séances d’éveil corporel, de randonnées, de soins, de méditation, d’ateliers de cuisine. La valeur ajoutée d’une telle expérience se situe sur les expertises mobilisées (naturopathie, médecine chinoise, ostéopathie, mais aussi guides de moyenne montagne, professeurs de yoga, cuisiniers).

👨‍🌾 2/ L’avènement de la fin du tourisme de masse

Le statut de touriste s’est peu à peu vu rejeté par les classes moyennes supérieures occidentales, dont les imaginaires du voyage sont définis par la nostalgie, le pittoresque, la rareté. À l’heure de la troisième révolution du tourisme — celles des plateformes — ce rejet est un argument commercial, puisque les acteurs comme Airbnb commercialisent ce qui relève en réalité du non-marchand : le local, l’intimité, les paysages, le quotidien, le partage, la rencontre. Autant de valeurs définissant un autre portait du touriste ; comme en témoigne le regain de la figure du voyageur.e, de l’explorateur.e ou encore de l’aventurier.e. Refuser d’être touriste, c’est donc tout d’abord refuser l’industrie du tourisme.

Mais cette nouvelle distinction sociale ne concerne qu’une partie de la population mondiale : en Chine, par exemple, être touriste est un signe de distinction et de richesse. De même, les acquis sociaux des congés payés continuent de nourrir les imaginaires du voyage pour une grande majorité des classes populaires occidentales. Néanmoins, l’hybridation des modes de vie pourrait lisser ces distinctions liées à la classe sociale, alors que la porosité entre vie quotidienne et vacances s’accentue de plus en plus.

Conséquence d’une association de plus en plus forte du tourisme à la recherche de récréativité dans nos vies quotidiennes, l’après-tourisme fait référence au nouveau contexte diffus par lequel nous transformons notre quotidien en référence au tourisme, menant à une « touristification de la vie quotidienne », d’après le géographe Philippe Bourdeau.

Hybridation des lieux et des modes de vie, ce phénomène a tendance a brouiller ce qui relève du tourisme ou non, et à confondre touriste et local. Ainsi, grâce à des changements sociaux comme l’émergence du télétravail, des lieux non-touristiques affichent des attributs du tourisme, tout comme la reconversion de lieux touristiques en fonction résidentielle se généralise. De nouvelles pratiques s’observent, comme voyager plus longtemps et plus lentement, brouillant toujours plus les frontières entre évasion et quotidien, escapade et voyage.

Quelques pistes…

  • Favoriser l’habiter plus que le visiter.
    Pour la première fois, après avoir lancé en 2011 Airbnb experiences, la plateforme sponsorise une expérience permettant à 4 personnes de s’installer pour 3 mois dans le village de Grottole en Italie. En partenariat avec l’association wonder grottole, les participants deviennent citoyens temporaires mais actifs dans la vie communale du village, vivant l’expérience authentique de la vie rurale italienne et revitalisant ce village délaissé.
  • Proposer un voyage sur le temps long, axé sur l’apprentissage.
    Dans le département de la Mayenne, les slowlydays rassemblent des acteurs locaux valorisant les valeurs de la région, avec plusieurs objectifs-clés : renouer avec le faire soi-même, savourer des instants de création, prendre du temps pour soi en s’initiant à des nouvelles techniques, inséré dans le tissu social local de professionnels de la région.
  • Démultiplier les escapades pour s’imprégner d’ambiances lointaines depuis chez soi.
    Istanbul lui manquait, il a donc décidé de recréer ce qui pouvait combler ce sentiment de nostalgie : se balader en taxi dans la ville. Drive and listen propose de reproduire l’expérience du taxi en couplant enregistrement de taxis du monde entier et stations de radio locales. Expérience nostalgique et psychologique d’immersion dans une ville et son ambiance, Drive and listen se vit presque comme une thérapie pour les nostalgiques de leurs endroits favoris.

🚲 3/ Passer du tourisme du voir au tourisme du faire

Le tourisme de masse avait dessiné en creux deux figures distinctes : le « touriste », porté par les circuits organisés et les packages tout compris, et la figure du « backpacker », débrouillard et avide de connaître le monde par lui-même. À mesure que l’après-tourisme et l’hybridation des modes de vie brouillent la ligne déjà fine entre vacances et vie quotidienne, lieux de résidence et lieux touristiques, cette distinction s’efface au profit d’un nouveau profil du touriste, nourri par de nouvelles pratiques héritées du confinement.

Le confinement a poussé à se concentrer sur l’essentiel mais aussi sur des moyens de se ressaisir du réel : activités de jardinage, apprentissage à faire son pain, méditation, autant d’activité axées sur le développement personnel et l’apprentissage. Dans cette période génératrice de perte de repères et d’un sentiment d’inutilité, de plus en plus de personnes souhaitent “faire quelque chose pour changer son quotidien”, une envie qui se matérialise autant du point de vue professionnel (concrétisation de projets extraprofessionnels, envie de reconversion, nouvelles responsabilités) que personnel (volonté d’apprendre de nouvelles activités, valorisation de qualités comme la sérendipité …). Ces tendances imprègnent les conceptions du voyage : on souhaite voyager plus lentement, apprendre des lieux que l’on visite, dans un besoin plus global de voyager en pleine conscience.

Quelques pistes…

  • Revaloriser le trajet.
    Belmond propose une expérience luxe du voyage : les destinations, partout dans le monde, sont aussi extraordinaires que l’expérience du voyage en lui-même. Les trains parcourent Venise à Moscou dans une ambiance art déco où tout est conçu dans le détail. La marque a rejoint LVMH en 2019, affirmant sa position d’outsider dans le marché du luxe des voyages en train.
  • Choisir son aventure.
    L’application Randonautica, a gagné, au sortir du confinement en mai, 330K utilisateurs en quelques mois. Cette application de randonnée propose une expérience sous la forme de quête existentielle et de découverte de lieux insolites : les randonautes se localisent et sont invités à poser une « intention » dans leur périple, avant de découvrir leur itinéraire. Très suivi sur tiktok, l’application compte 314 millions de vues pour le hashtag #randonauting.
  • Rencontrer des porteurs de patrimoine.
    Le tourisme de savoir-faire, ou tourisme industriel, prend de la place dans le tourisme français. Salines de Guérande, parfumerie Fragonard, porcelaine de Limoges … Autant d’expériences valorisées par la campagne « rêves de visite » lancée par Entreprise et Découverte. Profitant de l’effet du confinement, cette initiative incite les Français à « (re)découvrir une Autre France, celle de l’artisanat, de l’industrie » et du made in France.
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