Wesley Weigel, il a tout d’un grand

Greg PIAO
Pour Info à Orléans
10 min readOct 18, 2017

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On a croisé la route de Wesley Weigel, humoriste et sosie vocal de Jamel Debbouze grâce à Hugues de la HR Factory. En est sortie une longue interview où l’on aborde avec Wesley ce qu’il est et ce qu’il fait, sans concession ni langue de bois.

Quand on dit Weigel à Orléans, la salle se vide à cause de la réputation de ta famille, un peu, et de la bêtise des gens, beaucoup. Tu as déjà vécu des choses où ton nom était un frein ?

Pourquoi y aurait-il lieu de s’inquiéter ? Y a des gamins qui font des bêtises et qui sont en détresse. Et ? En fait, beaucoup me parlent de mon nom, de ma famille mais quand je leur demande « Pourquoi ? Qu’est ce qu’il a de spécial mon nom ? », ils ne savent pas me répondre. Est-ce qu’ils ont eu un soucis spécial avec un Weigel, un jour dans leur vie ? Ou est-ce que c’est par rapport à des choses qu’on a pu leur dire ? Oui, c’est plus par rapport à ce qui a pu se passer, il y a des années, que pour ce que les gens vivent réellement. Y a pas de lieu de s’inquiéter. Alors est-ce la bêtise des gens ? Oui et non, car la réputation elle est infondée mais y a pas de fumée sans feu. Mais jamais on ne me cite de nom, des faits. On me dit oui mais j’ai un pote qui connait un gars….

Le fameux pote qui connait le pote qui connait le pote…

La chèvre de Monsieur Seguin qui crie au loup mais qui ne l’a jamais vu (rires)

Quand on est gitan et petit comme toi, où trouve-t-on les ressources pour devenir ce que tu es ?

Tu as la réponse dans ta question. Parce que le fait d’être gitan, c’est ce qui m’a donné la force de surmonter ça. Le fait d’être gitan et surtout un Weigel, ça m’a donné une force énorme. Et au-delà du handicap et au-delà de la maladie si on peut appeler ça comme ça, moi je m’en suis toujours fait une force. Mon frère, il a le même souci que moi. J’ai pris exemple sur lui mais un exemple qui fait contraste parce que lui il l’a mal vécu. Il a plus vécu dans un esprit famille-famille-famille, alors que moi j’ai toujours été plus dans un esprit quartier, connerie avec des gens, et jamais j’ai pensé ça comme un handicap. Au contraire.

Jamel est handicapé et toi tu as une forme de handicap. Est-ce que c’est quelque chose qui vous a rapproché quand tu l’imites…

Il faut savoir que de base, je l’imite pas spécialement parce que je suis un sosie vocal. Et dans le terme, faut bien entendre ce que ça veut dire. C’est-à-dire qu’on se ressemble tellement que les gens prennent ça pour de l’imitation. J’ai découvert Jamel j’avais 7 ans. Je regardais ces sketchs à la télé et là j’ai eu une révélation. Je me suis dit « c’est comme lui que je veux être ». Un mec qui sort de la cité, qui a des soucis par-dessus la tête et qui va en faire une vraie force. Il va réussir à faire rire les gens et je trouve ça exceptionnel. De faire rire les gens avec son malheur c’est une vraie force.

C’est quelqu’un que je cite en exemple souvent de par mon métier. Parce que y a des jeunes qui ne s’autorisent pas certaines choses parce que dans leur milieu ça ne peut se faire. Quand tu vois l’histoire de Jamel qui passe tous les jours au dessus d’un cours de théâtre et lui il se moque des comédiens et le prof lui dit « vas-y descends si t’es si fort que ça » . Il aurait pu lui faire un bras d’honneur, l’envoyer se faire f…..

Et même on peut aller plus loin, parce que en premier lieu, il lui a craché dessus, parce que lui il s’est senti agressé. Quand on lui a dit « à la place de te moquer des gens vient faire comme eux, viens même faire mieux qu’eux », il a craché parce qu’il a cru qu’on se foutait de lui et au final on ne s’est pas foutu de lui, on lui a vraiment proposé de le faire. Et quand il s’est rendu compte que c’était une réelle proposition, il l’a fait et ça a marché. Et ça a tellement bien marché qu’il a kiffé. Et c’est là qu’il a pris perpète comme il le dit si bien. Il s’est pris au jeu mais vraiment.

Mais toi, comment ça t’es venu, comment tu te dis je vais être le sosie vocal de Jamel ? C’est quelque chose qui était venu comme ça, ou c’est quelque chose que les gens t’ont fait remarquer ?

Non, comme je te dis, le mec c’est quelqu’un que je regarde depuis que j’ai sept ans. En fait je tombe dessus par hasard, grâce à un cousin qui me fait visionner une cassette vidéo de Jamel. Et quand je vois ce mec à la télé, j’ai une vraie révélation. Le mec c’est un banlieusard, un mec qui n’a pas eu d’éducation. On pourrait dire que c’est quelqu’un qui n’a pas eu d’éducation comme tout bon français qui se respecte, qui n’a pas étudié, et lui il en joue de ça. Et le comble c’est qu’il arrive maintenant à faire rire ce qui ont fait des études et c’est ça qui est fort.
Et moi je me suis dit, comme j’étais dans une école spécialisée parce que les écoles « normales », ne voulaient pas de moi parce que j’avais soi-disant un problème que je voulais être comme lui. Ce qui est fou, c’est que moi je ne trouvais pas que j’avais un problème. On me mettait avec des gens, des enfants, qui étaient en fauteuil roulant mais moi je ne comprenais pas j’arrivais à marcher, j’arrivais à faire les choses comme les autres et je ne comprenais pas pourquoi j’étais là. Et c’est là que j’ai trouvé une similitude entre Jamel et moi. C’est un mec qu’on a toujours mis de côté et qui a dit à la terre entière : « Je vous emmerde ! J’en ai rien à foutre de ce que vous pensez de moi et je vais vous montrer que je suis capable de faire mieux que n’importe qui ». Et moi c’est cette exemple là que j’ai pris.

Ton histoire en fait, c’est une leçon de vie.

Oui c’est ça, tu as raison, c’est une leçon de vie.

Mais en fait, comment il est en vrai Jamel ? Et toi quand tu l’as rencontré, comment tu t’es senti, puisque tu dis que depuis que tu as sept ans c’est une sorte d’idole, d’icone pour toi.

Le truc, c’est qu’avec Jamel, déjà quand on s’est rencontré on s’était déjà un peu parlé sur Twitter, et j’avais une idée de qui ça pouvait être, de comment il était. Lui, il me voit sur Internet, et il me fait venir, du jour au lendemain, en un claquement de doigts. Il me dit « c’est très fort de m’imiter sur les réseaux sociaux mais est-ce que tu te sentirais de venir me rencontrer à Paris », et moi c’est mon idole alors je n’ai pas hésité je suis allé tout de suite. Et quand je le rencontre, il y a de l’appréhension mais aussi de la fierté de le rencontrer, parce que moi, Wesley Weigel, j’ai fait rire Jamel ! J’ai fait rire mon idole, tu vois c’est comme si un footballeur qui est fan de Ronaldo lui met un petit pont ! Il a cru autant à moi que moi je crois en moi. Et quand il me dit « Tu me fais penser à moi plus jeune » c’est extraordinaire ! Même sa femme, Mélissa, dans une émission sur France 5, avec Pierre Lescure, dis qu’en me voyant elle pense au Jamel de l’époque. Je pense que c’est ça aussi qui fait qu’il m’a appelé.

Mais tu n’as pas peur de t’enfermer dans quelque chose qu’il ferait que tu n’es que le sosie vocal de Jamel ?

Oui et non, parce que ça m’a construit depuis que j’ai sept piges et quoi qu’il arrive je serai toujours assimilé à l’image de Jamel Debbouze. Mais entre-temps, j’ai fait de la scène où je raconte mon histoire avec lui mais aussi mon histoire à moi. Je peux raconter mon côté gitan, mon côté Weigel, je raconte ma vraie histoire,. Sur scène je ne fais pas de Jamel, je fais du Wesley Weigel.

Y’a pas longtemps tu disais que tu venais de passer un casting. Pour toi c’est un rêve ? Un aboutissement ?

C’est un kif tout simplement. Parce que je ne reste pas enfermé dans l’image de Jamel, mais je veux suivre son parcours,. Lui pour moi c’est le top. Tout ce qu’il a fait, j’ai envie de le faire. J’ai envie de croire que c’est possible de faire aussi bien que lui.

Et du coup, qui écrit tes textes ?

J’écrivais jusqu’à maintenant tous mes textes tout seul, mais là je suis en train de démarcher quelques auteurs parce que tu peux avoir ton propre sketch,ton propre scénario, c’est bien d’avoir un avis extérieur, de savoir ce que les gens pensent de toi. Parce que toi forcément tu as une idée précise de comment tu te vois, mais ce n’est pas forcément celle que les gens ont de toi, donc c’est important de demander aux gens de comment il me trouve. J’ai donc pris des contacts avec des gens du Comedy Club essentiellement.

Et à part Jamel et les gens du comédie club, est-ce que tu as d’autres modèles en en humour ?

J’aime beaucoup Elie Semoun par exemple, que j’ai rencontré au Marrakech du rire, mais je n’ai pas de modèle type. Tu vois par exemple en foot il y en a pour qui le footballeur ultime c’est Ronaldo est bien pour moi Jamel c’est le Ronaldo du rire. Même si lui il préférait dire que c’est Zinedine Zidane. Et du coup quand tu idolâtres Ronaldo, tu ne vois pas les autres footballeurs et ben pour moi, avec Jamel, c’est la même chose. Il y a des gens qui sont drôles évidemment mais c’est lui le meilleur.

Et tu te sentirais capable de faire tous les types d’humour ? De l’humour noir à la Gaspard Proust, incisif à la Fabrice Eboué, ou ultra populaire comme Bigard ?

Non, Bigard ça reste quand même des propos crus. Tu vois moi, y’a beaucoup de gamins qui me suivent, et je ne pense pas que les parents, les mères de familles, disent à leurs enfants « regarde Bigard pendant une heure ». Moi ce qui me fait kiffer, c’est de rencontrer des gamins, qui me demandent des photos. Ça me fait plaisir. Et on peut pas me retirer ça, et donc je ne peux pas me permettre de faire le type d’humour de Bigard, d’autant qu’à la base je n’aime pas ce type d’humour, ça ne me fait pas rire. Je me souviens qu’un jour un présentateur avait dit : « quand tu montres tes fesses c’est que tu n’as plus rien à montrer ». Après oui, j’ai d’autres genres d’humour que j’aime, comme Franck Dubosc par exemple. J’aime beaucoup aussi, Dieudonné parce que c’est un humour assez spécial, limite insultant, et si on l’accuse souvent d’antisémitisme, moi je ne pense pas. Je veux voir le côté humoristique.

Le fait d’avoir des jeunes qui te suivent, de devenir un exemple, c’est quelque chose d’important pour toi ? Est-ce que c’est une revanche sur ceux qui ont dit que tu ne ferais jamais rien de ta vie ? Est-ce que c’est un kif particulier de te dire que t’as des jeunes qui te suivent ?

En fait, je n’ai jamais laissé personne me dire que je n’étais personne. Je n’ai jamais laissé le droit aux gens de me juger alors qu’ils ne me connaissaient pas réellement. Le fait que je sois gitan et Weigel, j’ai une certaine fierté, et je ne laisse personne me dicter ma vie, et me dire que l’impossible n’existe pas. Il n’y a que les feignants qui n’existent pas. Quand on est courageux tout est possible. Tu sais Jacques Brel il disait « Le talent ça n’existe pas, il n’y a que le travail qui paye » et je pense que c’est vrai, quand tu te donnes les moyens d’arriver, tu y arrive.

C’est que tu n’as aucun talent en fait ?

Oui, c’est ça, je n’ai aucun talent. Mais je travaille beaucoup.

Et quels sont les mauvais côtés de ta vie d’artiste ?

Et bien tu sais moi, j’ai toujours mis de l’importance à être avec mes amis et ma famille. Et effectivement là, c’est dur, de ne pas pouvoir les voir comme j’aimerais les voir. Mais en même temps, si je les vois de moins en moins c’est que je travaille beaucoup et que c’est pour la bonne cause. Donc, il y a les deux revers de la médaille. Dans mon travail, il y a des dégâts collatéraux mais je suis obligé d’en passer par là.

Quand tu parles justement de ton métier est-ce que c’est l’idée de base que tu en avais ou est-ce que tu es surpris par le monde dans lequel tu es maintenant ?

Pour être franc avec toi, je me voilais carrément la face, pour moi il suffisait de monter sur scène et de faire rire les gens. Mais quand tu montes sur scène tu te rends compte que faire rire les gens ce n’est pas aussi simple que ça. L’humour ça se travaille. Je reçois énormément de messages de jeunes qui me disent qu’ils font de l’humour. Ils veulent que je les emmène aux Comedy Club. Je leur réponds que je pourrais le faire mais qu’ils s’apercevraient vite que c’est très compliqué. Alors je leur dis de travailler beaucoup, de m’envoyer des vidéos et une fois qu’ils ont travaillé que peut être là, ils auront une chance.
Quand je suis monté sur scène la première fois aux Comedy Club, on peut dire que j’ai eu la chance du débutant. J’étais au côté d’Issa Doumbia, d’Alban Ivanov et de Jamel, et c’est eux qui m’ont porté mais moi j’étais en flippe totale.

Tu veux me dire quelque chose pour conclure ?

Merci à tous de me suivre et je veux montrer que nous à Orléans on n’est pas rien. Ce n’est pas rien Orléans.

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Greg PIAO
Pour Info à Orléans

Passionné de tout et de rien. Insatiable bavard. Orléanais de naissance, elle a bien changé ma ville. PIAO depuis presque toujours