Les mille et une facettes de l’intime

Éditions Numeriklivres
Le blog de Numeriklivres
7 min readJun 12, 2015

Les Éditions Numeriklivres accueillent au sein de son équipe éditoriale Anne Bert qui dirigera la nouvelle collection « L’INTIME ». Il ne s’agit pas d’une énième collection de littérature érotique, même si bien sûr le sexe n’y sera pas complètement absent, mais bien d’un voyage littéraire pour explorer les mille et une facettes de l’intimité. Anne Bert nous explique dans l’entrevue qui suit, son parcours d’auteur et donne des précisions sur cette nouvelle collection.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours d’auteur, de vos activités littéraires, de votre bibliographie et de vos sujets de prédilection ?

Il y a une cohérence dans mon cheminement d’écriture, je n’écris pas au coup par coup. Mon domaine de prédilection est celui de l’intime, du souterrain, des tripes, du non dit, des langages du corps, du désir, des forces de vie en proie aux tourmentes et aux fêlures. C’est mon carburant d’écriture.

J’ai commencé à publier mes textes à 2009, c’est Franck Spengler des éditions Blanche qui m’a mis le pied à l’étrier avec un recueil de textes courts sur le désir érotique, L’eau à la bouche, qui a ensuite fait sa vie aux éditions Pocket.

J’ai poursuivi avec un roman, Perle, de même registre, un érotisme naturaliste, cru mais amoureux et joyeux publié cette fois par Denis Bourgeois, aux éditions Hors Collection.

Enfin j’ai orienté mon écriture différemment, je me sclérosais dans ce registre éditorial purement érotique et du reste ce mot aujourd’hui ne dit plus rien d’autre que le sexe coïtal et ça ne m’inspire pas vraiment.

Mon domaine de prédilection est celui de l’intime, du souterrain, des tripes, du non dit, des langages du corps, du désir, des forces de vie en proie aux tourmentes et aux fêlures.

Dans cette transition, un homme politique m’a contactée pour me demander de mettre en écrit sa vie off, L’emprise de femmes (Éd. Tabou) est donc un récit où la fiction n’a qu’une infime part, celle du personnage de l’écrivaine, c’était un travail de commande en somme et presque de nègre puisque beaucoup de pages sont issues de documents réels, mais l’expérience m’a passionnée parce qu’on touchait à l’extrêmement intime et au secret. C’est enfin avec mon recueil S’inventer un autre jour publié en 2011 (Éd. Tabou) que je bifurque, j’aborde là le désir amoureux dans des situations de solitude, de précarité et de différence. Il y a également Épilogue selon Marguerite qui parle de la précarité de la vieillesse et du suicide assisté (Éd. Exaequo, 2014).

Et puis, vous venez d’éditer chez Numeriklivres mon roman Que sais-je du rouge à son cou ? Un texte qui questionne la possession de l’autre et remet en cause la façon dont nous vivons nos liens amoureux. C’est un de mes textes les plus intimes dirais-je.

Voilà pour mon travail d’écriture. Quant à mes autres activités, elles concernent la lecture cette fois, les auteurs et les textes me passionnent, je lis et je chronique soit sur le Salon Littéraire, soit sur mon blog Impermanence. J’interviens également par exemple en juillet dans l’île d’Oléron pour parler de la place de la littérature érotique en médiathèque, ou je participe à des conférences aux thèmes divers comme l’image du corps et le désir dans la maladie qui abîme l’intime… Il m’arrive aussi de faire des lectures publiques.

Vous lisez à la fois sur support numérique et sur support papier. Pensez-vous qu’on lise différemment en fonction du support ? Que vous inspire l’émergence depuis quelques années, de maisons d’édition nativement numériques ?

Je renâcle à me mettre dans l’air du temps, la course à l’immédiateté par exemple me fait horreur et je suis aux antipodes de la geek mais le support numérique m’intéresse vivement. Je lis encore beaucoup plus sur papier que sur tablette, mais je lis régulièrement du numérique ne serait-ce que pour découvrir une autre génération d’auteurs. Et c’est bien pratique dans le train, en itinérance pour une question de poids, bien sûr aussi la question du coût de la lecture numérique n’est pas négligeable encore que je trouve que la course à la gratuité et au low-cost mette en danger la littérature. Mais c’est un autre débat.

On ne lit pas différemment un même texte sur papier ou sur tablette. Un bon texte sur papier restera un bon texte sur tablette. Idem pour un mauvais. Prétendre le contraire relève de la mauvaise foi. Après c’est plutôt une émotion de lecture, d’épiderme, de contact à la matière qui peut paraître indissociable de celle des mots. Si on me questionne sur mon sens du toucher, oui, je préfère effleurer du papier que du verre ou du plastique. Pareil pour mon sens de ;l’odorat, je préfère sniffer du papier que du plastique. Mais où est le rapport au texte, au sens des mots, au style d’écriture ?

Pour la littérature, il y a tout à gagner que les éditeurs classiques et nativement numériques comme vous dites et c’est joli.. cohabitent en bonne intelligence.

On ne lit pas différemment un même texte sur papier ou sur tablette. Un bon texte sur papier restera un bon texte sur tablette.

Les livres numériques ont un avantage incommensurable : ils existent dans la durée. Moi ça me crève le cœur de voir des livres qui renferment de bons textes ne vivoter que 2 mois pour finir direct au pilon. La vie du livre numérique ne subit pas cette absurdité. Mais surtout, les éditeurs numériques pour peu qu’ils soient de vrais éditeurs et non des commerçants, peuvent prendre des risques en publiant des nouvelles formes d’écriture, des nouveaux auteurs qui ne sont pas bankables, des livres qui n’intéresseront qu’une minorité de lecteurs parce que les coûts de distribution et de diffusion n’oblitèrent pas la rentabilité comme celle des éditeurs papier. Ce devrait être des découvreurs.

Maintenant il reste à ces éditeurs numériques de faire un réel travail d’éditeur, d’accompagner leurs auteurs dans leur projet d’écriture et d’être exigeants dans le choix des textes publiés. Seuls ceux-ci pourront revendiquer et asseoir leur légitimité, aidés bien sûr des divers médias qui accepteront enfin de parler de leur travail.

L’érotisme est un genre omniprésent dans bien des catalogues des éditeurs traditionnels et numériques (dont Numeriklivres avec la collection Sextasy), notamment depuis le succès de 50 nuances de Grey. Vous avez également publié des titres à saveur érotique. Pensez-vous que trop de littérature érotique pourrait tuer la littérature érotique ?

50 Nuances de Grey n’a à mon sens rien apporté du tout à la littérature érotique sinon du mal, mais beaucoup de bien à ses lectrices qui ont découvert qu’elles pouvaient s’amuser avec leurs désirs et leur corps. Si ça les a décoincées tant mieux, si elles prennent du plaisir à lire la série des 50 Nuances tant mieux. Pareillement 50 Nuances a apporté beaucoup à son éditeur. Donc rien de bien à l’érotisme littéraire mais une contagion dont on n’a pas trouvé le remède pour l’enrayer, énormément de femmes (surtout des femmes) ont voulu prendre leur plume et s’essayer au genre, pléthore d’éditeurs ont ouvert des collections érotiques, les mass-médias ont enfin relayé le genre érotique mais surtout pour faire du ramdam, pour parler sexe et faire de l’érotisme un produit marchand et une injonction. Le sexe en devient lassant, c’est un comble. L’érotisme a donc tout perdu dans l’affaire, parce que la chose érotique est ambiguë et pleine de contradictions, elle exige un jeu d’ombres et de lumières, de l’exhib et du secret, de la transgression et du respect bref vous l’avez compris, un subtil dosage. L’érotisme est un oxymore en quelque sorte, qui déteste les têtes de gondoles.

La collection « L’intime » que vous dirigez désormais pour les Éditions Numeriklivres n’est pas une collection de littérature érotique de plus dans l’écosystème de l’édition nativement numérique et pourtant le sexe, c’est quelque chose de très intime. Dites-nous en quoi cette collection sera différente ? Est-ce que le sexe y aura sa place et si oui de quelle façon ? Qu’est-ce que l’intime, en fin de compte, pour vous et qu’attendez-vous des écrits des auteurs qui seront publiés dans cette collection ?

L’érotisme intéresse l’intime bien sûr, et peut s’inscrire dans la collection que je vais diriger, évidemment ! Le sexe y a sa place au même titre que le désir, la mort, la joie, la douleur, les fêlures, la violence des pulsions, le langage du corps, les cris, les non-dits etc. Toutes ces choses qui nous habitent, nous construisent et nous déconstruisent. Les textes de cette collection peuvent aussi être tous érotiques d’ailleurs sans même une scène de sexe, tant l’érotisme est à mille lieues de l’enfilage systématique des orifices. Qu’est-ce que l’intime, me demandez-vous. C’est indéfinissable parce qu’à priori c’est indicible… Je vous propose cette tentative de réponse : c’est l’expérience intérieure. Ce qui ne se transmet pas. C’est donc une écriture forcément, complexe, singulière, sans cliché ni formatage. Et si j’évoque l’expérience intérieure, écrire l’intime n’est pas se confesser ni se regarder le nombril, pas du tout, l’imaginaire y a toute sa place même si on se nourrit forcément aussi de soi.

J’espère réunir dans cette collection des voix bien trempées qui chacune esquissera à sa manière la géographie de l’intime.

J’attends des auteurs dont je vais choisir les textes , qu’ils écrivent avec leurs tripes des livres qui parlent de ce qui habite les femmes, les hommes, les enfants, les vieillards. Simplement ça. Ça peut être beau, monstrueux, insolent, incorrect, joyeux, grave, drôle, glaçant, brûlant…

Et pour ce qui est du lecteur, je ne souhaite pas que les auteurs de la collection les confortent dans ce qu’ils sont, qu’ils jouent la facilité, je voudrais qu’ils les bousculent, les interrogent, les poussent dans leurs retranchements, leur offre une expérience intérieure non pas en miroir mais en sésame pour accéder à la conscience de la leur. Mais ils peuvent aussi les apaiser et leur donner de la joie avec des textes qui clouent tellement c’est beau et sobre.

J’espère donc réunir dans cette collection des voix bien trempées qui chacune esquissera à sa manière la géographie de l’intime.

APPEL À TEXTES

Vous pouvez faire parvenir vos manuscrits pour la collection « L’INTIME » dès aujourd’hui. Veuillez cliquez ICI pour connaître la procédure pour envoyer vos textes. Merci de préciser dans votre correspondance « pour la collection L’intime ».

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