Devialet : la démocratisation du luxe ?

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6 min readDec 1, 2017
Espace Devialet au sein de l’Opéra Garnier

Après avoir ouvert une boutique au sein de l’Opéra Garnier, Devialet concluait à l’été 2017 un partenariat avec le groupe britannique Sky. L’opérateur télécom va proposer l’intégration de la technologie Devialet dans ses box à ses 12 millions d’abonnés en Grande Bretagne, selon un prix variable en fonction du niveau d’engagement de chacun de ses clients — entre 249 et 799 livres Sterling.

Devialet est la société française qui prétend offrir “le meilleur son au monde”. Son produit phare, l’enceinte Phantom, commercialisée 1 490 € pour la version de base, avait été acclamé par la presse à son lancement. Née en 2010, la société est le fruit de la collaboration entre Quentin Sannié, directeur, Pierre-Emmanuel Calme, président et directeur technologique, et Emmanuel Nardin, directeur design et produit.

Selon le cabinet d’études GFK, le marché des enceintes « multiroom », estimé à plus d’un milliard d’euros en 2014, connaît un fort essor et, sur ce marché, les enceintes connectées ont représenté près de 70% des ventes. Autant dire combien l’enjeu de positionner sur ce marché un acteur français de référence est grand. Bernard Arnault, à travers sa holding, ainsi que les bailleurs attitrés des startups françaises, Jacques-Antoine Granjon, Xavier Niels et Marc Simoncini, ne s’y sont pas trompés en prenant des parts dans la société. Et les industriels ne sont pas en reste, puisque Renault et Foxconn (le sous-traitant d’Apple) sont également entrés au capital.

La force de Devialet repose sur trois éléments : un mythe fondateur, un modèle économique extensible et une stratégie commerciale proportionnée.

Expérimentation conduite au sein du “flagship” de Londres

Une société caractérisée par une identité de marque très forte

La société se veut héritière de la philosophie des Lumières. Ainsi, le nom Devialet dérive de celui l’ingénieur des Ponts et Chaussées Guillaume Vialet, compagnon de Diderot. La société est fondée sur le principe que le progrès peut rendre l’homme meilleur. Et, à cet égard, la volonté d’apporter une innovation technologique de très haute qualité auprès d’un large public est la traduction directe de l’inspiration originelle des Lumières. Son partenariat avec l’Opéra de Paris reflète tout à fait cette ambition.

Indéniablement, avoir une telle culture d’entreprise est déterminant dans la réussite à long terme de leur projet. Elle permet de solidifier les équipes et, en cas de turbulence, de pouvoir se rattacher à un mythe fondateur, à des racines faisant sens. Les grandes sociétés, celles qui traversent les âges, sont aussi celles qui se sont fait connaître pour leur culture d’entreprise et qui arrivent à la maintenir : Google pour la créativité à laquelle elle encourage ses salariés, Philips par ses forts liens inter-générationnels, Peugeot et Michelin par leur implication communautaire… A l’inverse, Uber, qui va peut-être accepter une levée de fonds pour une valorisation inférieure à celle de 2015, subit de nombreuses critiques pour sa mauvaise culture d’entreprise : scandales à répétition, procès en propriété intellectuelle, accusations de harcèlement sexuel, et récemment accusation d’institutionnalisation de la fraude.

A l’opposé d’Uber, l’identité très forte de Devialet lui permet d’avoir un marketing différenciant, et d’ancrer, dans l’esprit des usagers, que cela soit vrai ou non, que ses produits sont réellement les meilleurs du monde. L’évangélisation ayant été faite, la société est prête à en cueillir les fruits.

Modèle économique et stratégie commerciale

La société réalisait déjà plus de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 et plus de 50 millions en 2016. Elle vise le marché du « mass premium ». L’idée est de commencer sur un marché de niche, d’y maintenir quelques produits, et puis de déplacer une partie de l’offre vers un haut-de-gamme plus accessible (une enceinte est actuellement vendue à 1490€, contre 3000€ pour la plus chère).

Pour démocratiser un produit de luxe, une réelle excellence opérationnelle est nécessaire. Pour ce faire, Devialet a décidé de confier l’assemblage final de ses produits à Bosch, qui produit sur le site de Caen. Et le partenariat avec Foxconn n’est pas non plus anodin.

De même, dans son expansion commerciale, Devialet a donc décidé de procéder par paliers, afin que sa profitabilité ne soit pas trop écrasée par les coûts commerciaux et par les charges salariales.

Dans un premier temps, Devialet est passé par la vente directe à travers ses propres boutiques, les « flagships », et un réseau très sélectif de distributeurs. Les premières boutiques ont ainsi été ouvertes à Paris, à Hong-Kong, à Londres. Ce positionnement lui a permis de procéder à une rétention de l’offre, et donc de créer autour du produit de l’attente, de la rareté, alimentant ainsi la réputation flatteuse de ses produits. De plus, s’appuyer sur des distributeurs déjà expérimentés lui permettait de limiter de lourds investissements immobiliers et de bénéficier de leur savoir-faire opérationnel.

Puis, en 2015, Devialet a franchi un cap important en commercialisant ses produits via les Apple Stores. Cela témoigne d’une certaine proximité entre les deux entreprises, que ce soit dans l’esthétique, le marketing ou la stratégie.

A l’avenir, la société souhaite renforcer sa présence en ligne, notamment sur Amazon, et développer ses “chambres immersives”, imaginées pour faire vivre une expérience musicale “unique”.

Finalement, c’est le lancement de l’enceinte Phantom qui a permis le décollage des ventes, et ce produit représente encore la majorité des revenus de l’entreprise. Mais des premiers accords de licence, conclus en 2016, devraient permettre la diversification des sources de revenus. Et, en effet, c’est l’intégration de la technologie Devialet à d’autres produits qui doit garantir l’extensivité du modèle économique : télévisions, voitures, ensemble des objets connectés… Ses concurrents y étant déjà positionnés, notamment Bose et Bang & Olufsen, on comprend tout l’enjeu de l’entrée de Renault au capital de la société.

Une introduction en bourse envisagée, des défis restant à relever

La gamme de Bang & Olufsen, assez proche de celle de Devialet

Bien qu’elle bénéficie d’un réel dynamisme et d’une forte bienveillance de ses actionnaires, Devialet se positionne sur un marché assez compétitif. Bose, non coté en bourse, est un mastodonte. Ses ventes auraient dépassé plus de 2 milliards d’euros. De son côté, Bang & Olufsen perd de l’argent mais est reconnue pour la qualité de ses solutions. Et de multiples autres acteurs coexistent, comme Naim Audio et MacIntosh.

Certes, Devialet a pu créer des barrières à l’entrée en déposant plus d’une centaine de brevets et en se construisant un avantage technologique. Mais la société n’est pas à l’abri de l’émergence de nouveaux acteurs, notamment sur les marchés de niche. Des acteurs visant un public exclusivement audiophile. Et c’est justement comme ceci que Devialet s’est développée, en échappant à la concurrence des mastodontes, et en élargissant progressivement son spectre.

Pour atteindre une taille à la hauteur de ses ambitions, l’internationalisation de la société va se poursuivre, tout comme la diversification, et l’intensification commerciale. Cela nécessitera des fonds supplémentaires et, la rentabilité étant déjà atteinte, on peut être confiant sur la capacité de Devialet à aller les chercher lors d’une prochaine introduction en bourse.

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