Pourquoi Dropbox n’a pas à s’inquiéter du repli boursier de Snapchat

PRE-IPO
PRE-IPO
Published in
5 min readJul 13, 2017

L’action Snapchat est tombée sous son cours d’introduction en début de semaine et vient encore de perdre 5 % à Wall Street. Elle s’échangeait à seulement 15,24$ à la clôture du 12 juillet. Morgan Stanley, banque qui s’était occupée de l’introduction en mars, ne recommande plus l’achat. Depuis l’IPO, la capitalisation de Snap a chuté de près de 40 %, soit 12 milliards de dollars. D’aucuns en profiteront pour alimenter le doute vis-à-vis des sociétés technologiques, rappelleront que le nombre d’IPOs était historiquement faible l’année dernière, et tableront sur une nouvelle année de timidité. Dropbox a pourtant toutes les raisons de maintenir son IPO, anticipée d’ici à la fin de l’année 2017.

Evolution du cours Snap
Evolution du cours Snap depuis l’IPO de mars. L’action s’échangeait à 15,24 $ à la fermeture du 12 juillet.

Des marchés différents dans leur nature comme dans leur dynamisme

Snap répond à un besoin éphémère, celui de la construction de soi, de l’appropriation de son image, de la valorisation personnelle. Et, évidemment, celui de la recherche du regard de l’autre. Ainsi, le réseau social est plébiscité par les adolescents et utilisé par les vedettes du cinéma, de la musique ou du sport. Dropbox répond à un besoin moins esthétique certes, mais bien réel et en explosion : celui de conserver ses données dans un endroit fiable. Sous l’influence couplée de la croissance démographique (10 milliards d’habitants en 2050, selon le dernier rapport de l’ONU) et de la digitalisation du monde (connectivité accrue, « internet of everything », progression très rapide de l’internet et du smartphone en Afrique…), la data disponible, que l’on peut collecter et numériser, augmente de manière exponentielle. Or, il faut bien que ces données soient hébergées quelque part. Pour les entreprises, le calcul est vite fait : 80 % d’entre elles hébergent en externe leurs systèmes d’information. Et, face aux cyberattaques qui ont, ces dernières années, paralysé successivement installations nucléaires iraniennes, serveurs web de l’Elysée, système bancaire ukrainien et, très récemment, Mondelez, Saint-Gobain, Maersk, ou encore Reckitt Benckiser, qui a conséquemment annoncé une perte annuelle de 100 millions de livres sterling, on peut supposer que la demande pour un stockage optimisé et sécurisé des données va continuer à augmenter. Dropbox, qui compte déjà 500 millions d’utilisateurs, dont près de 150 000 entreprises payantes, peut se frotter les mains.

Drew Houston, CEO de Dropbox
Drew Houston, CEO de Dropbox

Snapchat : un Twitter bis ?

Au-delà de ces différences fondamentales, Dropbox et Snapchat ont des histoires bien différentes. Snapchat a lancé son concept puis a construit son modèle économique, alors que Dropbox avait son modèle économique en tête dès leur départ. Par conséquent, Snapchat est condamné au « test & learn », comme nous l’évoquions dans cet article. Ce processus itératif n’est pas mauvais en soi, mais il renforce le caractère incertain de son business model. Ce n’est pas pour rassurer les investisseurs. Evidemment, le cours boursier Snap en devient plus volatil, les anticipations des investisseurs se formant sur des données aléatoires et des fluctuations erratiques. Ainsi, quand Snap a annoncé que ses résultats n’étaient pas au rendez-vous, le cours a décroché.

En fait, Snapchat souffre du même mal que Twitter : la monétisation des données. Il faut dire que si son audience est importante, elle est peu qualifiée. Les adolescents et jeunes adultes y sont surreprésentés. Or, ces catégories disposent d’un faible pouvoir d’achat. Les revenus de Snap dépendent outrancièrement de la publicité. Et, comme elle récolte finalement assez peu de données sur ses utilisateurs, elle a du mal à les exploiter. Au contraire d’un Facebook, qui absorbe des éléments démographiques, sociaux, géographiques, politiques, etc. En plus, Snapchat tarifie cher sa publicité, puisqu’elle est instantanément visible par millions d’utilisateurs, donc son marché est restreint. Elle n’a pas pu avoir le génie de Facebook, qui a rendu la production publicitaire modulable et accessible à tout type d’entreprise, d’institution, d’association. Avec 1 €, n’importe qui peut lancer sa campagne de publicité sur Facebook.

En outre, il apparaît qu’une société est forte dès lors qu’elle parvient à faire payer ses clients, conférant ainsi de la valeur à ses produits. Exemple français, le journal Le Monde. Il semble en passe de réaliser sa mue digitale parce qu’il a réussi à créer une conséquente communauté d’abonnés numériques. Ceux-ci sont prêts à payer pour cet accès à l’information, à consentir librement un sacrifice monétaire. Et donc, le journal n’est pas fondamentalement dépendant de la publicité.

Enfin, même si Snap a bâti une notoriété, technologiquement son modèle est assez facilement reproductible. Facebook a récemment introduit sur Messenger et Instagram des fonctions identiques à celles de Snapchat : la possibilité d’enregistrer des « stories » et d’utiliser des filtres. Il ne serait pas étonnant que WeChat, le Whatsapp chinois, s’y mette aussi. A voir ce que cela va donner dans les prochains mois.

Evolution inverse des cours boursiers de Facebook et Snap.
Les cours Facebook et Snapchat suivent une tendance inverse. Facebook, au contraire de Snapchat, avait pourtant souffert dès les premiers instants de son IPO.

Dropbox, sur la voie du profit

De son côté, Dropbox a un modèle économique compréhensible et efficace. La société californienne a d’abord construit une base importante d’utilisateurs, en proposant gratuitement ses services de partage et d’hébergement de fichier à des particuliers. Puis, elle a étendu son offre aux professionnels en proposant une tarification à l’usage. Et, à la différence de Snapchat, Dropbox arrive autant à attirer des petites que des grandes entreprises (Spotify et les hôtels Hyatt font partie de ses clients). Aujourd’hui, Dropbox lance des logiciels en ligne dédiés aux entreprises. Conséquence de ce business model vertueux, l’entreprise a annoncé en toute logique, début 2017, avoir dépassé le milliard de dollars de chiffre d’affaires récurrent. Elle était valorisée à plus de dix milliards de dollars en 2014, lors de son dernier tour de table.

Snapchat a bel et bien perdu une bataille, et semble en passe de perdre la guerre. C’est une erreur de mettre sur le même plan toutes les « tech companies ». Avis positif pour Dropbox.

Originally published at Pre-IPO.

Retrouvez nos opérations sur www.pre-ipo.com

--

--

PRE-IPO
PRE-IPO

Investissez dans des PME innovantes avant leur introduction en bourse !