Financer les jeunes pousses françaises : l’exemple vient d’Outre-Manche

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5 min readDec 15, 2017
Deliveroo est une licorne britannique

Malgré une créativité indéniable (forte reconnaissance du label French Tech), une grande qualité des équipes et des levées de fonds records, la France ne compte que trois licornes (jeunes sociétés valorisées à plus d’un milliard de dollars) quand le Royaume-Uni en possède 18. D’après l’économiste Walt W. Rostow, l’existence de marchés financiers développés est l’un des préalables au décollage économique d’une nation, ce moment où des investissements massifs dans l’industrie permettent une inflexion majeure du rythme de croissance. Cela nous fournit donc l’occasion de nous intéresser au modèle britannique du financement.

Le Royaume-Uni, berceau de la Révolution industrielle

La machine à vapeur a été inventée par l’Ecossais James Watt

La Grande-Bretagne a été la première nation à connaître la Révolution industrielle, que l’économiste Rostow situe à la fin du XVIIIe siècle. Industries du coton, métallurgie, machine à vapeur, commerce… ont porté l’avènement britannique, de sorte que la croissance économique y est vite devenue supérieure à la croissance démographique et que le niveau de vie s’est élevé.

La constitution de marchés financiers équilibrés et pertinents a permis de financer cette Révolution industrielle. De fait, les marchés financiers permettent en règle générale la juste allocation des ressources, puisqu’ils connectent acteurs à besoin et à capacité de financement. Ils sont nécessaires aux porteurs de projet, afin d’accélérer la recherche, l’industrialisation, la commercialisation. Bien sûr, le goût du risque s’est affirmé plus tôt en Angleterre par rapport à chez nous. “Le noble anglais se fit participant plutôt que parasite”, autrement dit il a engagé ses capitaux dans des projets industriels, tandis que l’aristocrate français exprimait une nette préférence pour le foncier. Quant à l’épargnant moyen, il avait été échaudé par l’échec du système de Law (émission de papier-monnaie plutôt que d’espèces métalliques, premières grandes émissions boursières).

En France, cette question du financement et de la riscophobie n’est toujours pas tranchée. Ainsi, le nouvel Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) vise à distinguer capital productif et improductif, et à favoriser la prise de risque et l’investissement dans l’économie “réelle”. De plus, malgré quelques personnalités très présentes sur le sol hexagonal (Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon, Marc Simoncini…), la France compte beaucoup moins de business angels que son voisin d’outre-Manche : leurs investissements ne représentent que 1,7 pour mille du PIB français contre 4,4 pour mille du PIB britannique.

La stabilité juridique et politique comme pivot

Le développement des marchés financiers est lui-même conditionné par la primauté du droit et la stabilité politique. En Angleterre, Magna Carta (1214) et Habeas Corpus (1679) protègent le citoyen des impérities du gouvernement. Ces actes juridiques fondateurs, presque mythiques, ont, d’un point de vue financier, contribué à rassurer l’épargnant sur la protection de sa propriété, la sécurité de ses capitaux, qui ne risquaient pas d’être saisis impunément par la puissance publique. Par ailleurs, au XIXe siècle, après les guerres napoléoniennes, l’accent a été mis sur la lutte contre l’inflation et la consolidation budgétaire, afin de préserver le pouvoir d’achat de la livre-sterling. Cette dernière est donc devenue une monnaie recherchée, et la place financière londonienne synonyme de confiance et d’attractivité. Elle l’est toujours aujourd’hui. Ainsi, malgré des annonces emphatiques, seuls 7 % des emplois de la City vont être délocalisés sur le continent européen suite au Brexit.

Par ailleurs, le statut juridique des sociétés par actions a été sécurisé très tôt grâce à la suppression du Bubble Act en 1825.

Londres

Une incitation fiscale nécessaire

Evidemment, il serait malvenu d’écrire un article sur le financement de l’entrepreneuriat sans aborder la question de la fiscalité. En France, un actionnaire paie une taxe de 62 % sur toute plus-value réalisée en moins de 2 ans, et assume ensuite un taux dégressif jusqu’à 8 années de détention. Pour les entrepreneurs, ce taux est de 39,5 % entre 2 et 4 années de détention, de 23,75 % au-delà de 8 années. Au Royaume-Uni, les plus-values de cession sont défiscalisées en-deçà de 10 000 livres, et sont taxées au maximum à 20 % si elles sont supérieures à 35 000 livres. Autrement dit, le taux maximal des plus-values anglaises est inférieur au taux minimal de taxation des plus-values réalisées en France…

Il est donc urgent d’arriver à une fiscalité plus incitative pour favoriser le décollage de nos sociétés. La défiscalisation peut être une option pour drainer l’épargne des particuliers, ce à quoi s’attellent les différentes plateformes de crowdequity. Actuellement, le dispositif IR-PME permet de réduire son IR de 18 % du montant investi, avec un plafond de 9 000 € par personne seule. Il devrait passer à 25 % l’année prochaine. En comparaison, au Royaume-Uni, le passage du taux de réduction d’impôt de 20 à 30 %, avec un plafond d’un million de livres investies, avait permis de quadrupler les montants investis. Aussi, les plateformes britanniques de crowdequity sont bien plus avancées que les nôtres : la seule Crowdcube, avec 360 millions de livres collectés, soit près de 400 millions d’euros, dépasse tous ses concurrents français réunis.

Aperçu du portail SEIS

Au-delà de la fiscalité, un autre levier utilisé par nos voisins pourrait nous inspirer. Il y a cinq ans déjà, le gouvernement britannique mettait en place le SEIS — Seed Enterprise Investment Scheme. Cet annuaire en ligne répertorie les jeunes entreprises éligibles à la défiscalisation, facilitant l’accès au financement pour les start-ups et servant de tiers de confiance pour les investisseurs particuliers, puisque les critères de sélection des sociétés à l’annuaire sont relevés. En France, pourquoi ne pas voir la Banque publique d’investissement, fonds souverain le plus actif en nombre d’investissements, se charger de cette initiative, et ainsi favoriser la démocratisation de l’investissement en non-coté et la digitalisation des usages financiers ?

Retrouvez nos jeunes pousses en financement sur PRE-IPO.com.

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