#quarante-six

David Lallemand Pesleux
#Presque50
Published in
4 min readMar 29, 2018

Je vais vous raconter une histoire.

Oui encore. Il y a quelques temps, j’étais à Jette pour une fête avec des amis. Je mange des petits os sur la place. C’est qu’ils sont particulièrement bons là-bas et que les serveurs sont charmants. Un chouette resto, vraiment. Le seul défaut (enfin, c’est selon), ce sont les toilettes des hommes qui sont vraiment trop exiguës, avec une porte saloon comme on n’en trouve plus nulle part. Ce soir-là, elles sont déjà occupées quand j’arrive. J’esquisse un mouvement pour entrer, mais je finis par renoncer faute de comprendre comment on pourrait bien tenir à deux dans cet espace (en tout bien tout honneur s’entend), en étant même pas certain de pouvoir ouvrir la porte assez grand pour me faufiler à l’intérieur (c’est bien servi les petits os). Et je dis tout haut au monsieur qui occupe déjà les lieux «je n’ai jamais compris pourquoi ils ont installés deux urinoirs là-dedans». Et le monsieur de me répondre du tac au tac : «c’est pour les pédés». J’embraie : «vous ne croyez pas si bien dire». Et lui de rire. Jusqu’à ce qu’il se retourne… Ok, c’est pas écrit sur mon front, mais à l’époque j’étais blond platine et, à presque cinquante ans, ça laisse planer un doute qui a transformé le sourire du monsieur en accordéon. Plus tard dans la soirée, je le verrai raconter l’histoire sulfureuse de notre rencontre aux toilettes, au mange-debout qu’il occupe à l’extérieur du restaurant, avec force regards entendus et mouvements du menton qui en disent long à celles et ceux qui l’accompagnent. Je ne peux pas m’empêcher de penser que rien n’aurait été pareil si la rencontre s’était produite dans des toilettes «non genrées».

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais non. Le lendemain, les mêmes amis dont je vous parlais plus haut se promènent en pleine journée au bas de la place de la Chapelle à deux pas des Brigittines dans les Marolles à Bruxelles. Ce quartier plutôt défavorisé subit, depuis plusieurs années, les assauts de la gentrification. C’est là, par exemple, que s’est installé un marché bio qui fait défiler tout ce que Bruxelles compte de bobos, branchés, artistes, pétasses et j’en passe, toute la semaine. Nos amis garçons, parfois, ils portent des jupes manifestement moins courtes que les idées de certains badauds ou locaux, on ne le saura jamais. Et parfois aussi, nos amis garçons, ils se tiennent la main. Eh bien, vous me croirez ou pas, mais on leur a balancé des canettes. En plein jour. En pleine capitale de l’Europe. On, «pronom impoli» disait mon institutrice en 4ième primaire. Ce qui me chagrine le plus ce n’est pas la bêtise (contre laquelle on ne peut pas grand-chose), c’est le manque d’éducation. Et comment certains irresponsables politiques surfent sur ces événements-là, comme sur d’autres où seront impliqués tantôt des « migrants », tantôt des « roms », des femmes ou toute autre catégorie d’individus infra-humanisés pour la cause, dans le but de garder la main mise sur un monde de défiance et de haine alors qu’il est possible de construire tout l’inverse.

J’en prends pour preuve, une nouvelle fois, ces lycéens de Parkland, en Floride, dont le légitime combat pour une régulation sur les armes (qui font un nombre de victimes innocentes incalculable chaque année aux Etats Unis) semble marqué du sceau du bon sens et qui sont, pourtant, devenus les cibles favorites de l’alt-right et des élus du Congrès vendus au lobby des armes à feu. Il se trouve, en 2018, dans ce qu’on appelle pompeusement la « plus grande démocratie du monde », des adultes tombés suffisamment bas pour se moquer d’adolescent.e.s dont les ami.e.s ont été abattus froidement, sous leurs yeux, et inventer des mensonges odieux pour les discréditer sur les médias sociaux et l’Internet.

Ce que je veux dire par là c’est qu’il n’existe aucun combat, aussi juste soit-il, qui ne soit l’objet de tentatives, plus ou moins fortes, de calomnie ou de diffamation. C’est l’une des raisons pour lesquelles le combat pour l’égalité est et restera sans fin. D’autant qu’on ne trouve pas d’unanimité dans le camp des victimes potentielles qui peuvent elles-mêmes se transformer en bourreaux. Les dernières élections présidentielles en France ont montré un soutien important de la communauté gay au Front National de Marine Lepen, comme il existait un groupe LGBTQI+ qui levait des fonds (…) pour l’élection de Donald Trump aux Etats Unis. Le second aura eu plus de chance que la première en termes de résultats électoraux. Et on voit aujourd’hui le drame que cela représente en terme de recul des droits et de limitations des libertés pour les homosexuels, les transgenres et les autres minorités. Malheureusement, les pédés sont aussi cons que les autres quand il s’agit de succomber aux sirènes du populisme. Même s’ils sont super beaux et qu’ils décorent bien leur maison, pour faire (une fois encore) dans le cliché à deux balles. Heureusement, pas nos amis qui mettent des jupes.

--

--

David Lallemand Pesleux
#Presque50

Spécialiste en généralités. Journaliste à mes heures. Au service des droits de l’enfant. J’avais un mois en mai ‘68.