La puissance de votre point de non-retour

Olivier Fortier
Primos Populi — Français
7 min readAug 14, 2018

« Beaucoup de potentiel! Mais il n’a pas assez souffert encore. »

C’est la conclusion que mon ami Maurice et moi avons parfois tirée après avoir rencontré des gens qui gravitent autour de nous. Vous savez, ces personnes sincères et pleines de volonté, qui ont à coeur la réussite de chacun et montrent une foi indélogeable dans l’entreprise pour laquelle elles travaillent, alors que c’est très visiblement une relation à sens unique. Et je ne dis pas du tout cela de façon péjorative; il s’avère simplement que je parle à des gens qui vivent cela presque tous les jours.

Bien que nous ne souhaitions pas que les gens souffrent inutilement, la souffrance professionnelle est une étape nécessaire lorsqu’on veut atteindre un certain niveau dans notre carrière. J’en sais quelque chose. Je suis passé par la. J’ai souffert, beaucoup. Et puis je me suis dit « Assez! J’ai assez donné. Plus jamais! »

Appelons cela l’appel à l’émancipation de notre carrière. Et cette étape, nous souhaitons que tous l’atteignent un jour.

Le jour où j’ai dépassé mon point de non-retour

Je m’en souviens comme si c’était hier, c’était par un beau mois de juin. Mes équipes et moi avions fait des 75h/semaine pendant plus d’un mois pour un client qui ne les méritait définitivement pas. Et évidemment, j’avais vu venir cette situation des mois à l’avance, j’avais aussi prédit qu’on perdrait beaucoup de gens si cette situation perdurait.

Au final, un tiers de mes collègues directs avaient quitté suite à cette Death March. Le tout arrosé d’une légère crise de je-vous-l’avais-bien-dit, qui n’a en rien calmé mes frustrations.

Et c’est en ce beau jour de juin qu’on a mis la cerise sur le gâteau : j’apprends que le client nous envoie quelqu’un pour gérer notre équipe et « la ramener sur le droit chemin ». Qui plus est, un gars qui aurait pu gérer avec beaucoup de succès un atelier clandestin dans les années 40. Vous voyez le genre de gestionnaire… Et ça, je dois le saluer, mon employeur n’a pas pu l’accepter, et a mis son pied par terre après une semaine ou deux. Mais pour moi, cette nouvelle fut suffisante pour me faire dépasser le panneau qui indique Point de non-retour.

Profitant de la température, j’étais avec Maurice, donc, et on savourait une bière bien méritée, quand j’ai éventuellement extériorisé mon ras-le-bol dans une phrase qui devait ressembler à ceci :

« Mon environnement professionnel n’est pas prêt à faire ce qu’il faut pour amener et garder les gens au cœur du travail. Puisque c’est ma vocation, c’est à moi de le faire, et j’irai le faire ailleurs. »

Je me souviendrai toujours du regard de Maurice, et de ce qu’il m’a demandé à ce moment-là.

– Accepterais-tu d’aller dans une enterprise qui risquerait de te remettre dans ce genre de situation? Ou de revivre ces problèmes??

– Jamais de la vie!

– Félicitations, tu as enfin atteint le point de non-retour.

Il aurait aussi bien pu être le personnage d’Agent Smith dans le film Deadpool.

La différence étant que, dans Deadpool, Agent Smith est un méchant souhaitant faire de Wade Wilson un super-vilain pour dominer le monde. Maurice croyait plutôt en moi pour devenir un super-héros prêt à changer le monde du travail.

Pourquoi est-ce un moment clé dans une carrière?

Il y a plusieurs raisons qui expliquant pourquoi ce moment sera un jalon extrêmement important dans une carrière. Voici ces raisons.

C’est la confirmation que vous avez assez articulé votre vocation

Lorsque vous avez trouvé votre vocation, votre « pourquoi », et que votre environnement de travail se mettra entre vous et votre vocation, vous ne ressentirez pas le moindre doute. Votre réflexe sera : « Ou bien je dois changer mon environnement, ou alors je dois changer d’environnement« .

Notre vocation, c’est généralement quelque chose qui est plus grand que nous, probablement inatteignable, mais qui agit comme phare dans toutes nos décisions. C’est puissant à ce point.

Aucun environnement de travail, toxique ou pas, ne fait le poids si il fait obstruction à votre vocation. Ce n’est pas un choix. C’est un appel. Une mission. Lorsqu’un problème se présente à vous, et que le chemin à prendre, éclairé par le phare de votre vocation, est aussi évident, il n’y a pas de doute : votre voie est claire comme de l’eau de roche.

C’est la cristallisation de vos valeurs

Lorsque vous atteignez votre point de non-retour, c’est aussi une confirmation que vous connaissez et surtout respectez les valeurs qui vous sont non-négociables. C’est le point tournant où vous décidez de ne plus accepter que l’on piétine ces valeurs.

À partir de ce moment, tout vous semblera plus simple. Si vous avez trouvé votre vocation en plus, les dilemmes ne seront plus des dilemmes. Ils seront simplement des carrefours dans lesquels votre vocation et vos valeurs vous montreront immédiatement le chemin à prendre. Vous n’aurez qu’à suivre les indications, que vous seuls pouvez lire et interpréter.

Vous ne retournerez jamais en arrière

Évidemment, puisque vous avez dépassé le point de non-retour : le nom le dit. Ça peut être une bonne chose, comme ça peut être une malédiction. Il faut savoir tourner cela à notre avantage. Une fois que vous savez que plus personne ne peut se mettre entre vous, vos valeurs et votre vocation, il est évident que vous ne pourrez plus retourner dans des situations où cela arrivait quotidiennement.

Cela signifie que votre seuil de tolérance envers les organisations et les personnes toxiques pour vous et votre vocation s’abaissera drastiquement.

Comme dirait l’autre, vous ne saurez toujours pas ce que vous voulez, mais ce que vous ne voulez pas sera d’une clarté étourdissante pour vous. Cela réduira le nombre de choix potentiels qui se présenteront à vous, mais éliminera pratiquement les pertes de temps avec des situations inacceptables que vous tolériez par le passé.

Pour ma part, passer mon point de non-retour à excessivement limité la quantité d’entreprises dans lesquelles je pourrais m’épanouir. Au point où, m’a-t-on dit, la plupart des entreprises seront probablement beaucoup trop conservatrices par rapport à mes valeurs, et j’aurai peut-être à créer moi-même mon prochain environnement de travail.

Mais je ne vois pas cela comme une malédiction, plutôt comme une opportunité. Pour le reste, c’est l’avenir qui le dira.

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Vous ne serez plus jamais une victime

Vous vous demanderez pendant un moment comment vous avez pu tolérer « cela » aussi longtemps. À partir du moment où vous aurez traversé cette étape, et n’accepterez plus ce qui est inacceptable pour vous, vous serez en position d’acteur, et non de victime.

Cela ne signifie pas que vous serez toujours en contrôle (car personne ne l’est vraiment, soyons honnêtes), mais vous ne verrez plus aucun avantage à demander la permission pour faire votre travail, y aller de l’avant avec une initiative ou prendre une décision qui doit être prise. Votre besoin de servir votre vocation sera plus grand que votre besoin de bien paraître, de ne pas faire de vagues, ou de jouer les jeux politiques de votre organisation.

Il faudra vous y faire. Votre patron, c’est votre vocation maintenant, et non plus votre gestionnaire.

C’est dorénavant vous qui passez les entreprises en entrevue

N’ayons pas peur des mots : la balle est entièrement dans votre camp. Vous éliminerez immédiatement de votre liste toutes les entreprises qui risquent trop de se mettre entre vous et votre vocation.

Et si, par chance, vous vous êtes tellement fait champion de votre cause, et que les gens l’associent à vous, vous n’aurez peut-être même plus besoin de passer à travers ces longs processus d’entrevues, car ce sont les entreprises qui croient en ce que vous croyez qui iront vous chercher en personne.

Donc, de grâce, si vous avez atteint votre point de non-retour, brisez toutes vos chaînes, balayez tout ce qui est dans votre chemin et faites profiter le monde entier de votre passion! Il ne s’en portera que mieux.

Propriétaire de Primos Populi. En tant que gestionnaire, je préconise l’approche “les gens d’abord, et le reste suivra”. Mes sujets de prédilection sont la culture organisationnelle, le droit à l’erreur et l’abaissement du centre de gravité du pouvoir décisionnel. Je cultive l’épanouissement des gens.

http://www.primospopuli.com

Originally published at www.primospopuli.com on August 14, 2018.

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Published in Primos Populi — Français

Latin pour “Les gens d’abord”. Un mouvement visant à ramener les êtres humain au coeur du monde du travail.

Olivier Fortier
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Written by Olivier Fortier

Owner of Primos Populi. I prefer to use a “people first, the rest will follow” kind of approach to everything I do.