Le design persuasif : quels outils pour l’UX designer ?

Edna MALKA
prismamedia-design
6 min readJun 17, 2020

--

Le design persuasif est fondé sur des théories en psychologie sociale et marketing.

C’est une méthode des systèmes interactifs qui a pour but de mettre en oeuvre, au sein d’une interface, des éléments qui incitent les utilisateurs à changer leurs attitudes ou leurs comportements. (Fogg, 2003)

Autrement dit, le design persuasif est une démarche de conception qui vise à modifier les comportements des utilisateurs.

De multiples recherches ont été menées, et ont permis à l’UX designer de s’appuyer sur de nombreux principes et outils pour parvenir à orienter les utilisateurs. Lors de cet article, nous en présentons quelque uns.

Les déclencheurs psychologiques (Lanoue, 2015)

Il existe des éléments déclencheurs connus en psychologie cognitive qui peuvent être utilisés par les UX designers pour pousser l’utilisateur à adopter un comportement :

  • la preuve sociale, c’est à dire le fait de chercher des repères auprès d’autres individus est un élément déclencheur. En design, cela peut se traduire par des témoignages, des notes ou des commentaires.
Exemple : sur Blablacar, il est possible de consulter les avis sur les conducteurs. Ceci est un moyen de rassurer l’utilisateur et le pousser à réserver un trajet.
  • la rareté : « Nous voulons maintenant ce que nous ne pourrons peut-être pas avoir dans le futur ». (Robert Cialdini, 1984).
Exemple : Si vous recherchez une chambre d’hôtel sur Booking.com , vous pourriez voir “-35% aujourd’hui seulement” ou “ plus qu’un seul hébergement disponible”. La plateforme utilise le principe de la rareté, pour pousser l’utilisateur à réserver une chambre d’hôtel en lui faisant ressentir la peur de rater l’offre.
  • Encadrement : Lorsqu’ils doivent prendre une décision, les individus procèdent à différentes comparaison et cherchent à éviter les extrêmes.
Exemple : Sur Babbel, c’est l’offre du milieu qui est présélectionnée. Les utilisateurs auront davantage tendance à souscrire à cette offre plutôt qu’aux autres.
  • Saillance : L’attention des individus est centrée sur leur priorité du moment. Il s’agit donc d’identifier ces moments, afin de répondre aux attentes qui y sont associées et ainsi mieux influencer le comportement des utilisateurs.
Exemple : Au moment où un utilisateur achète un produit sur Amazon, le site lui suggère d’autres produits susceptibles de l’intéresser pour le pousser à poursuivre ses achats.
  • Contraste : Les personnes retiennent mieux et prêtent plus attention aux choses qui se démarquent des autres.
Exemple : Sur Darty, le bouton rouge paraît plus visible car il est contrasté avec le fond blanc et le bouton gris.

Outils de persuasion (2003)

Pour concevoir une interface persuasive, l’UX designer peut également s’appuyer sur les outils de persuasion mis en lumière par Fogg (2003) :

  • réduction : Il sera plus persuasif de transformer les comportements complexes en tâches simples pour aider l’utilisateur à adopter un comportement.
Par exemple : Sur Uber, l’utilisateur peut en un clic, réserver un chauffeur. Il n’a pas besoin de renseigner à nouveau ses informations de paiement. Ceci est pratique et peut pousser les utilisateurs à utiliser l’application plus souvent.
  • effet tunnel : Orienter l’utilisateur tout au long d’un processus facilite la persuasion.
Par exemple : Sur Airbnb, l’utilisateur qui réserve un logement est capable de savoir combien d’étape il lui reste avant de terminer sa réservation.
  • adaptation : Les informations seront plus persuasives si elles s’adaptent, aux intérêts, à la personnalité, au contexte d’usage ou à d’autres facteurs pertinents pour l’utilisateur.
Exemple : Les campagnes de retargeting, soumettent une publicité à un utilisateur qui a déjà porté un intérêt sur un produit. Ici, sur Télé-Loisirs, on voit la publicité de Airbnb car on a visité le site précédemment.
  • suggestion : Un système sera plus persuasif s’il fournit un message ou une suggestion au moment opportun.
Exemple : Pour transmettre un message de sécurité à ses utilisateurs (ne pas écrire sur son smartphone en conduisant), Waze bloque la saisie du texte si l’utilisateur semble conduire.
  • autosurveillance : Utiliser la technologie pour supprimer la tâche fastidieuse de mesure de sa performance ou de son statut aide les individus à poursuivre un objectif comportemental.
Exemple : Linxo aide ses utilisateurs à respecter leur budget grâce notamment au suivi de leur dépenses via une catégorisation du budget et un budget prévisionnel .
  • surveillance : Utiliser la technologie pour observer le comportement des autres augmente la probabilité d’atteindre le résultat attendu.
Exemple : L’application Nike Run club permet aux utilisateurs de suivre le parcours de courses à pied de ses amis et pousse ainsi les utilisateurs à se lancer des défis et atteindre leurs objectifs.
  • conditionnement : Les systèmes informatiques peuvent utiliser le renforcement positif pour modeler des comportements complexes ou transformer des comportements existants en habitudes.
Exemple : Hôtel.com offre un programme de fidélité à ses utilisateurs : 10 nuits achetées = 1 nuit offerte. Ceci poussent les utilisateurs à passer par cette plateforme plutôt qu’une autre pour profiter de ces avantages. Grâce à ce programme, les utilisateurs peuvent prendre l’habitude de réserver tous leurs séjours sur Hôtel.com.

Le modèle comportemental de Fogg (2009)

Mais pour faire adopter un comportement à l’utilisateur, il ne suffit pas d’appliquer ces théories. D’après Fogg (2009), pour qu’un utilisateur adopte un comportement, ces trois éléments doivent être réunis :

  • la motivation : raison pour laquelle l’utilisateur s’engage dans une tâche ;
  • la capacité : possibilité de l’utilisateur à réaliser une tâche ;
  • le déclencheur : éléments qui poussent l’utilisateur à faire une action. Ils peuvent être internes (nos pensées) ou externes (emails, notifications …).

Par exemple, un utilisateur n’a plus rien dans son frigo (la motivation), il a l’habitude de se rendre sur un site de course en ligne (la capacité), il reçoit un rappel pour faire ses courses (l’élément déclencheur).

Plus la motivation et la capacité seront fortes plus le déclencheur sera efficace.

Modèle comportemental de Fogg

Grâce à ses recherches, l’UX designer peut analyser les freins et les motivations des utilisateurs. En associant ses résultats de recherches aux théories psychologiques, il peut renforcer la motivation et la capacité des utilisateurs pour que les déclencheurs soient plus efficaces.

Ainsi, en utilisant les techniques du design persuasif, l’UX designer peut exploiter la pensée et les motivations inconscientes des utilisateurs pour concevoir des plateformes plus performantes.

Si pour ces raisons, le design persuasif est souvent associé à la manipulation et au dark pattern (piéger l’utilisateur pour le détourner de son objectif premier et le pousser à adopter un comportement qu’il n’avait pas prévu), de nombreuses questions se posent sur son caractère éthique. Le design persuasif propose des outils pour aider les concepteurs à améliorer des objectifs. Il appartient à chacun de l’utiliser de manière déontologique.

Notons que ces techniques peuvent aussi bien être utilisées dans le domaine commercial que pour les problèmes sociétaux (réchauffement climatique, obésité, sécurité routière…). Le design persuasif peut être utilisé pour modifier les habitudes et les comportements des utilisateurs au bénéfice du plus grand nombre.

Cet article a permis de mettre en lumière certaines techniques permettant à l’UX designer d’orienter le comportement et les habitudes des utilisateurs.

Le challenge reste maintenant à adapter ces principes à la complexité et à la particularité de chaque individus.

RÉFÉRENCES :
Livre :
Carine Lallemand et Guillaume Gronier, Méthode de design UX, Eyrolles, 2016

Articles :
- Anthony Foulonneau, Gaëlle Calvary, Eric Villain. « Etat de l’art en conception de systèmes persuasifs. »[En ligne] https://jips.episciences.org/1296/pdf (1 octobre 2015)
- Miklos Philips. « Persuasive design : using advanced psychology effectively » [En ligne] https://uxdesign.cc/persuasive-design-advanced-psychology-9f5bdc7d48db (5 janvier 2019)
- Hugo Vermot. « Le design de la persuasion ». [En ligne] https://newflux.fr/2017/09/08/design-de-persuasion/
- Matt Marsaglia « What’s lost at launch : persuasive design ». [En ligne] https://medium.com/swlh/whats-lost-at-launch-persuasive-design-cb41925cf56c (7 octobre 2019)
- Miklos Philips « The Ultimate UX Hook — Anticipatory, Persuasive, and Emotional Design in UX ». [En ligne] https://uxplanet.org/the-ultimate-ux-hook-anticipatory-persuasive-and-emotional-design-in-ux-53b65ac778d
- Raphaël Yharrassarry « Persuasive Design : pourquoi et comment ?». [En ligne] https://letrainde13h37.fr/31/persuasive-design-pourquoi-comment/ (11 décembre 2012)
- Lexane « Introduction au Design basé sur le comportement». [En ligne] https://medium.com/france/introduction-au-design-bas%C3%A9-sur-le-comportement-f1825eaf6297 (17 mars 2015)
- «Comment déclencher des comportements dans une application ?». [En ligne] https://www.elgamificator.com/comment-declencher-des-comportements-dans-une-application (22 janvier 2018)

--

--