Une République moderne

Vincent Peillon
Propositions pour la France
6 min readJan 5, 2017

Je veux que nos concitoyens se réapproprient la chose publique et reprennent en main leur destin.

Le 1er décembre dernier, le Président de la République a annoncé aux Françaises et aux Français qu’il ne se représenterait pas à l’élection présidentielle. Cet événement sans précédent sous la Cinquième République n’est pourtant que l’expression accentuée d’une crise beaucoup plus profonde, qui dure et s’amplifie depuis des décennies. Jamais aucun Président de la Cinquième République, sauf à s’être vu imposer une cohabitation, n’a pu être réélu.

On peut toujours considérer que cela relève de la seule faute des hommes. Mais ce serait une erreur. Cela relève d’abord de nos institutions qui produisent leur propre poison en excluant de la représentation, de la consultation et de la participation, une partie considérable des Français sous le prétexte du fait majoritaire. Les arguments pour défendre cet état de fait sont qu’il permettrait l’action et qu’il interdirait à une partie jugée « dangereuse » de la population d’être représentée.

Ces arguments sont irrecevables. À exclure et dénier la représentation à une partie du peuple français, on fait grossir sa colère et son rejet de la démocratie et de ceux qui la représentent, on fabrique de la défiance et de l’irresponsabilité. On se rend également incapables de conduire les politiques dont le pays besoin et de rassembler les Français autour d’une ambition et d’une action communes.

Il faut se donner les moyens démocratiques de réussir des réformes qui nous rassemblent. C’est pourquoi je propose des institutions rénovées qui permettront la construction d’un contrat de gouvernement qui respecte le Parlement, les partenaires sociaux et les collectivités locales, et qui réunisse une majorité large autour de priorités clairement établies. Il faut donner à notre République un souffle nouveau. Je veux que nos concitoyens se réapproprient la chose publique et reprennent en main leur destin.

1. JE VEUX LA RÉPUBLIQUE DE TOUS LES CITOYENS

Je propose que l’Assemblée nationale soit élue au scrutin proportionnel dans les grandes régions, ce qui favorisera notamment une présence paritaire de femmes et d’hommes. Le nombre de députés devra être réduit mais leurs moyens de travail en amont et en aval de la procédure législative sensiblement augmentés. Je souhaite instaurer le mandat unique, le non cumul dans le temps (maximum trois mandats) et créer un statut de l’élu permettant une plus grande diversité sociologique de la représentation. Nous réformerons la motion de censure, de telle sorte qu’elle ne puisse être adoptée qu’avec la désignation d’un nouveau Premier ministre.

Le Sénat devra être le représentant de toutes les collectivités locales et de tous les territoires. Il devra être recentré dans ses prérogatives sur cette fonction, ce qui permettra de mieux garantir le respect et l’autonomie des collectivités locales. Le nombre des sénatrices et sénateurs sera diminué.

La Justice est un des piliers de notre démocratie. Gardienne des libertés individuelles des citoyens, l’autorité judiciaire doit être conçue comme un pouvoir constitutionnel à part entière, au sein d’institutions reposant sur le principe effectif de la séparation des pouvoirs. Il est plus que temps de supprimer la Cour de Justice de la République mais surtout de garantir aux magistrats du parquet leur indépendance. Enfin, parce que la République exige la vertu, la probité et l’honnêteté, je demanderai comme condition d’éligibilité à toutes les élections l’absence de condamnation inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire.

Le Conseil constitutionnel sera transformé en véritable Cour constitutionnelle.

Je proposerai aussi d’inscrire dans notre Constitution le droit de vote aux élections locales des étrangers non communautaires résidant en France depuis plusieurs années.

La réforme de nos institutions sera soumise au peuple souverain par la voie d’un référendum. Le peuple français choisira. Ce référendum se tiendra à l’automne 2017.

2. JE VEUX QUE L’ON GOUVERNE AUTREMENT, AVEC ET POUR LES FRANÇAIS

Au moment où certains veulent gouverner par ordonnances et affaiblir encore notre pacte démocratique et social, je souhaite à l’inverse réintroduire du dialogue et de la durée dans la vie politique. Pour répondre aux principaux défis de notre pays, nous avons besoin de susciter de l’adhésion, et cela prend du temps. Le passage en force, les blitzkriegs, les « cent jours », tout cela ne fera que conduire à de nouveaux blocages et à de nouvelles fractures.

C’est pourquoi je fixerai quelques priorités, clairement validées par le peuple français dans l’élection présidentielle, et je demanderai au Gouvernement de construire, autour d’un contrat de gouvernement, la majorité la plus large possible pour les mettre en œuvre.

Je lui demanderai de mettre un terme à l’inflation législative et réglementaire et de s’attacher à hiérarchiser les priorités, à veiller à l’application et à l’évaluation des textes adoptés.

Pour chaque texte voté, je souhaite que des Comités citoyens pour l’application de la loi soient constitués qui associent, autour des parlementaires, des citoyens volontaires tirés au sort. Ces Comités devront disposer des moyens nécessaires pour organiser des déplacements et des auditions, ainsi que pour mobiliser des chercheurs, des experts, et les instances d’évaluation compétentes.

Plutôt que de rajouter de la complexité et de nourrir la défiance à l’égard de la loi et de l’action publique, considérée comme illisible et devenue étouffante et impuissante, je demanderai au Gouvernement de s’attacher à lever les obstacles qui aujourd’hui empêchent l’exercice effectif des droits et compliquent la vie de nos concitoyens. Je demanderai au Conseil économique, social et environnemental d’organiser des conférences citoyennes secteur par secteur et de remettre au Gouvernement et au Parlement des préconisations pour lever ces obstacles à l’exercice des droits et des solidarités. Seule une action résolue et continue de cette nature permettra de réduire la défiance.

3. JE DÉFENDS UNE RÉPUBLIQUE FRATERNELLE ET FIÈRE DE SES VALEURS

Notre République est composée d’apports différents et de cultures différentes. La France est le fruit de l’histoire de toutes celles et de tous ceux qui l’ont peuplée avant nous, et qui la peuplent aujourd’hui. La France républicaine, dans le respect et la richesse de ses héritages et de sa diversité, se réunit et se reconnaît dans un idéal, celui exprimé par notre devise : Liberté, égalité, Fraternité. Ces valeurs doivent être connues, enseignées, transmises et elles doivent être traduites en actes et respectées à tous les niveaux de la société.

La laïcité garantit la liberté de conscience, celle de croire ou de ne pas croire, et l’égalité de tous par deux principes : celui de la séparation des Églises et de l’État ; celui de la neutralité de l’État.

Elle est donc une valeur d’émancipation pour chacune et chacun, et non un instrument de domination à l’égard de certaines catégories de la population. La laïcité ne peut être à géométrie variable. La neutralité vaut pour tous, et ne doit pas s’exercer seulement contre certains.

Pour autant, un État laïque n’est pas un État faible. La loi de 1905 fut une grande loi de liberté et de pacification ; elle ne saurait être remise en question et doit être protégée comme notre bien commun. L’État doit lutter fermement contre tous ceux qui veulent imposer des normes religieuses dans la sphère publique et contrevenir aux valeurs qui nous sont communes, en particulier l’égalité femmes-hommes, la liberté de conscience ou la liberté d’expression.

Contre toutes les radicalisations et contre tous les mépris, les asservissements et les intolérances, je placerai l’accès à la culture, aux œuvres et aux pratiques artistiques, ainsi qu’aux artistes eux-mêmes, au cœur de notre vie commune. Parce que la culture permet l’enrichissement de soi et l’ouverture aux autres, parce qu’elle nourrit la sensibilité de chacun et la fraternité de tous, je ferai en sorte que les pratiques artistiques et culturelles, le tissu des associations qui les soutiennent, les engagements des collectivités locales puissent être confortés, soutenus et amplifiés, dans l’école et hors de l’école.

Je rappellerai enfin sans cesse que la conception républicaine de la Nation est celle qui repose sur l’assentiment de chacun à un socle de valeurs, de devoirs et de droits égaux pour tous, et que le véritable patriotisme est celui qui concilie attachement à la Nation et internationalisme. Notre France, patrie des droits de l’Homme, est la nation qui a porté partout dans le monde l’idée magnifique de « l’universalité du genre humain » et le refus de toutes les oppressions et de toutes les servitudes. Être patriote, c’est être à la hauteur de cette France-là, en recueillir l’héritage et en assurer la relève.

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Vincent Peillon
Propositions pour la France

Candidat à l'élection présidentielle. Député européen, ministre de l'Éducation nationale de 2012 à 2014. #Peillon2017