Explorer les chemins vers l’agilité: Comparaison entre la gestion de portefeuille classique et le Lean Portfolio Management (LPM)
Pour favoriser l’agilité à l’échelle, SAFe recommande la mise en place d’une gestion de portefeuille Lean, appelée LPM (Lean Portfolio Management). Les frameworks d’agilité, tels que Scrum pour les équipes individuelles ou SAFe pour les ensembles d’équipes, permettent de s’organiser pour accepter le changement et ainsi réaliser des produits en adéquation avec les demandes des utilisateurs, les opportunités techniques (telles que l’IA générative) et les évolutions du marché, de la réglementation, de la sécurité… Néanmoins, dans les entreprises, même si les équipes sont agiles, la gestion des investissements peut freiner leur réactivité en leur imposant des engagements annuels sur le périmètre, le budget et les objectifs, difficiles à renégocier en cours d’année en raison des impacts sur l’ensemble de l’entreprise. Le LPM s’inscrit dans une démarche stratégique visant à garantir la prise en compte des changements requis et à assurer que l’exécution soit en adéquation avec la stratégie de l’entreprise.
Dans cet article, nous examinerons les différences fondamentales entre la gestion de portefeuille classique et une gestion Lean du portefeuille avec le framework (SAFe), notamment en termes d’approche, de flexibilité, de priorisation et d’organisation. Découvrez comment elles se distinguent :
Gestion de portefeuille classique
1. Approche projet :
L’approche projet est une méthode de gestion visant à organiser et coordonner les ressources (humaines, matérielles et financières) pour atteindre un objectif spécifique dans un laps de temps défini. Cette approche nécessite la définition d’objectifs clairs, la planification des tâches, l’allocation des ressources et le suivi des progrès.
Dans la gestion de portefeuille classique, le financement des investissements suit généralement un processus de budget annuel par projet. Les employés sont affectés séquentiellement aux projets et se concentrent uniquement sur leur part du travail, la coordination de l’ensemble relevant de la responsabilité du chef de projet. Plus l’entreprise est grande, ou plus le produit final est complexe, plus le plan élaboré est complexe, rendant les adaptations plus difficiles et coûteuses. Cela ne facilite pas les réorientations et la saisie d’opportunités en cours d’année.
Lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu, des discussions sur la priorisation et la recherche de responsables peuvent ralentir, voire stopper les équipes, jusqu’à ce que les décisions soient prises.
2. Planification à long terme : Flexibilité restreinte dans les décisions de financement et d’investissement
Dans la gestion de portefeuille classique, les décisions de financement et d’investissement sont souvent fondées sur des plans à long terme, des budgets et des projections financières préétablies. Elle vise à anticiper et à préparer l’avenir d’une entreprise en tenant compte des tendances, des opportunités et des défis futurs. Cette approche peut limiter la flexibilité pour réallouer des fonds en cours d’année lors de changements de circonstances selon la gouvernance établi du portefeuille.
3. Priorisation fondée sur des critères diversifiés : des investissements aux enjeux multiples
La priorisation des projets est une approche qui consiste à évaluer et à classer tous les projets du portefeuille en fonction de divers facteurs afin de déterminer leur importance relative et la manière dont ils doivent être traités. Cette méthode cherche à s’assurer que les ressources sont allouées de manière optimale et que les projets les plus importants sont traités en premier.
Parmi les critères couramment utilisés pour la priorisation, on peut citer :
La valeur pour l’entreprise : Les projets qui apportent une valeur significative à l’entreprise, que ce soit en termes de revenus, de rentabilité ou d’atteinte des objectifs stratégiques, sont généralement prioritaires.
Le coût : Les projets qui nécessitent des investissements importants en termes de ressources financières, humaines ou matérielles peuvent être priorisés en fonction de leur coût et de leur rentabilité potentielle.
Les délais : Les projets ayant des échéances rapprochées ou des contraintes de temps strictes peuvent nécessiter une attention immédiate et être placés en tête de liste.
Les risques : Les projets présentant des risques élevés, qu’il s’agisse de risques techniques, financiers ou liés au marché, peuvent être priorisés pour garantir leur gestion adéquate et minimiser les impacts négatifs.
Les ressources disponibles : Les projets qui peuvent être réalisés avec les ressources existantes ou facilement accessibles sont généralement prioritaires par rapport à ceux qui nécessitent des investissements supplémentaires.
En utilisant ces critères et d’autres facteurs qui pourraient être aussi plus lié à une politique interne, les gestionnaires de projet peuvent établir un ordre de priorité pour les projets et s’assurer que les efforts sont concentrés sur ceux qui apportent le plus de valeur à l’organisation.
Naturellement, cela implique une connaissance approfondie et globale des projets à venir et, par conséquent, un effort considérable de la part des participants pour fournir ces informations, au lieu de se concentrer sur la réalisation des projets.
4. Processus formel : Formalités accrues dans le financement et les investissements
Les processus de financement et d’investissement dans la gestion de portefeuille classique sont généralement plus formels et nécessitent souvent de nombreuses approbations hiérarchiques. L’organisation de réunions peut s’avérer difficile, (et donc peuvent être décalées…) pour rassembler les participants appropriés, possédant le niveau de connaissances adéquat sur les sujets abordés, afin de faciliter la prise de décisions éclairées.
Gestion Lean du portefeuille avec SAFe
1. Approche produit : Un processus de budget axé sur la chaîne de valeur pour une meilleure efficacité
L’approche produit est un processus de budget basé sur une organisation d’entreprise structurée autour de la chaîne de valeur, offrant une alternative plus flexible et efficiente à la gestion de portefeuille classique. Contrairement à l’approche projet, qui se concentre sur des projets avec des objectifs spécifiques et des durées déterminées, le Lean Portfolio Management (LPM) alloue des investissements à des organisations orientées en chaîne de valeur (train, solution train), responsables de la réalisation des produits du début à la fin, dans le cadre d’objectifs stratégiques définis par le LPM .
Dans ce modèle, les équipes sont organisées autour de solutions, de produits spécifiques, et travaillent en étroite collaboration pour garantir une meilleure compréhension des besoins des clients et une plus grande efficacité dans la livraison des produits.
Cette approche axée sur la chaîne de valeur facilite une planification plus souple et une plus grande réactivité aux changements du marché ou aux opportunités émergentes grâce à cette délégation de décisions. Les priorisations de la chaine de valeur peuvent être ajustées en cours d’année, en restant dans le cadre de la stratégie du LPM, en fonction des priorités changeantes et des retours d’information des clients, permettant une meilleure adaptation aux conditions du marché et une optimisation des ressources.
En somme, l’approche produit avec le Lean Portfolio Management (LPM) offre une alternative plus flexible et orientée vers la création de valeur, en mettant l’accent sur l’efficacité, l’adaptabilité et la satisfaction du client.
En résumé, on investit dans des chaînes de valeur qui déterminent ce qui doit être accompli dans le cadre de la stratégie d’entreprise, plutôt que d’affecter les employés à des projets (délai, budget, périmètre) basés sur une stratégie préétablie, cette dernière nécessitant un investissement important en termes de temps de la part de ses employés.
2. Une approche incrémentale et itérative :
Dans une gestion de portefeuille Lean, le financement des investissements adopte une approche itérative et incrémentale, permettant de s’adapter aux changements issus du contexte (concurrence, nouveautés scientifiques à prendre en compte rapidement, changement de règlementation, …). Les budgets sont alloués de manière continue aux organisations structurées en chaînes de valeur, qui produisent indépendamment les unes des autres, tout en respectant les limites définies par le LPM (par exemple, le framework SAFe définit ces limites via 4 garde-fous: la gestion des investissements par Horizon, l’allocation de capacité pour optimiser la valeur et l’intégriter de la solution, la définition d’un seuil d’approbation d’investissement sur les initiatives par le LPM et un engagement continu des Business Owners).
Le financement dans le cadre du SAFe est basé sur des cycles de planification fréquents, tels que le Planning Interval (PI) Planning, qui permettent d’ajuster les investissements en fonction des besoins changeants. Cette approche offre une plus grande réactivité face aux changements.
3 Priorisation des investissements centrée sur la valeur :
Dans le cadre de SAFe, la priorisation des investissements se focalise sur la création de valeur pour le client. Les initiatives (les besoins macroscopiques) sont évaluées selon leur capacité à contribuer aux objectifs stratégiques et à générer un retour sur investissement élevé. Cette évaluation est effectuée en tenant compte de la chaîne de valeur elle-même et des contraintes définies par le LPM (Lean Portfolio Management). La chaine de valeur décomposera ces initiatives, et priorisera ses besoins décomposés pour atteindre les résultats demandés.
4 Financement flexible et adaptatif :
SAFe prône un modèle de financement à la demande, permettant aux chaines de valeurs de solliciter des financements en fonction de l’évolution de leurs besoins et de l’accomplissement de leurs objectifs. Ce modèle favorise une allocation des ressources plus agile et réactive aux changements du marché ou des priorités.
5 Transparence et suivi en temps réel :
Grâce à SAFe, les parties prenantes bénéficient d’une visibilité en temps réel sur l’état du portefeuille, facilitant ainsi la prise de décisions éclairées et l’ajustement des investissements en fonction des besoins actuels. Cette transparence permet une meilleure collaboration entre les équipes et un suivi plus précis des progrès réalisés. (La transparence est assurée grâce au suivi de la valeur créée au regard de la valeur attendue plutôt qu’à la surveillance des activités des collaborateurs.)
6 Gestion proactive des risques et de la qualité :
SAFe intègre des pratiques agiles, telles que les revues de sprint et de PI, les évaluations de qualité en continu, ainsi que l’inspection et l’adaptation pour gérer les investissements de manière proactive. Ces méthodes permettent d’identifier rapidement les problèmes potentiels, d’ajuster les plans en conséquence et de garantir une qualité élevée tout au long du processus de développement.
En conclusion, la gestion Lean du portefeuille avec SAFe se différencie de la gestion de portefeuille classique en proposant une approche plus souple, centrée sur la création de valeur, réactive face aux changements, transparente et proactive concernant la gestion des risques et de la qualité. L’objectif est de permettre aux organisations d’aligner davantage leurs investissements avec leurs objectifs stratégiques et de s’adapter plus rapidement aux évolutions du marché. Toutefois, cela n’est réalisable que si l’entreprise s’organise en chaînes de valeur et met en place une décentralisation des décisions.