Les fiches punchiques #4 : l’ETAT

Technique : Haut les stylos, vous êtes en état de communication !

Jean Tuloup
PUNCHIE
4 min readFeb 14, 2019

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A l’occasion du très spécial 56ème anniversaire de la sortie des Tontons flingueurs, on vous a réservé une petite surprise. A lire à voix haute, traînante et sonore.

1. ETAT des lieux

Si on vous a commandité un attentat verbal, pas question de faire la bringue la veille, ni de se mettre en tête de faire un solide gueuleton. Comme dans un bon casse, le secret est dans la préparation. Pas besoin de six mois pour creuser un tunnel de slides. 5 min attablé à un secrétaire, équipé d’un bon vieux crayon à mine grasse 3B sur papier A4 de 180mg au m2 feront l’affaire si tu suis mes conseils :

  • Comme un berger dans les montagnes corses, tes guides dans la nuit du stress sont tes 3 étoiles
  • Ta maxime est désormais : « ne pas subir »

Une fois que le plan de bataille en 2D est croqué, il s’agit de se matérialiser dans le monde réel et de traverser la 3ème dimension.

Comme les géants Jean Gabin, Lino Ventura, Bernard Blier, avant de monter sur le plateau, il te faut une coulisse, un moment, un vrai temps consacré à ta concentration, au “rassemblement” de ton courage, de tes idées et de tout le reste, pour ne pas permettre à la brume de gouverner ta pensée.

Je ne vais pas te mentir, la sensation ressemble un peu au D-Day à Omaha Beach. Embrasse la croix que tu portes autour du cou, ou tout autre signe religieux après tout on est dans un pays laïque. Sangle ton casque et rappelle-toi que les statistiques ne jouent pas en ta faveur :

  • seulement 1 prise de parole sur 10 atteindra la plage,
  • le reste on sait comment ça finit, on les a vus :

Quand on cherche à en dire trop, on a trop de barda et on coule à pic

Et quand la peur nous fige, c’est l’effet d’une bastos, depuis le bunker du 4ème rang, qui vient trouer notre gilet léger de confiance en nous.

2. coup d’ÉTAT

5 minutes avant de passer, prends quelque chose, réveille-toi, tapote-toi les joues, prends des pauses de taï-chi aux toilettes, fais des pompes dans le bureau de ton boss, prends 7 cafés en shooter, appelle ton ex pour déterrer des vieux dossiers, imite le bruit d’une galinette cendrée et fais toi chasser par un chasseur…

… mais bon sang, fais quelque chose, là tu ressembles à un flan.

Allez c’est ton tour. En scène.

3. vent d’ÉTAT

Là, c’est le moment où on entend un sifflement d’harmonica et le bruit des buissons qui roulent sur le sable. T’es dans Rio Bravo. Tout le monde t’attend au tournant, le silence prend corps. T’as intérêt à soigner tes premiers mots. T’as les guiboles qui tremblent, les 3F qui jouent des coudes pour s’arracher la préséance, les mains moites. Et ça y est tu sors ton baratin. Et surtout, surtout, commence DOUCEMENT. Embarque-nous avec de beaux silences à la Clint Eastwood : la tension est ton alliée, c’est l’attention.

4. ÉTAT long

C’est bien joli de faire des effets de jeune sociétaire, mais pour ne pas décevoir l’assistance, il s’agirait de ne pas flancher en cours de route. Alors remets du gaz et joue sur le rythme. En te posant cette simple question : qu’est-ce que tu composes ? Un tango ? Un jazz ? De la pop music ? Ou un fond sonore de brunch guindé ?

Indice : dans la liste, y en a un ou deux où on se fait chier.

Attention, le rythme pour le rythme c’est un mauvais bluff dans une partie de poker clandestine. Avec les conséquences qui s’imposent : un flingage en règle, suivi presqu’immédiatement d’un retour à l’anonymat aigre et tendu comme dans un film noir. Pour éviter cette fâcheuse déconvenue, ne quitte pas les autres des yeux, fais tomber le masque et va chercher derrière le voile des regards pour dénicher un ou deux indices. Comment se sentent-ils ? Celui sur la gauche semble un peu nerveux. A droite ça le gratte. Et au milieu y a un faux-cul qui va pas te louper si tu lui tournes le dos un peu trop longtemps pour regarder une slide. Allume donc bien ton radar, sors le périscope (au sens figuré) et fais bien le tour à 360°.

5.ÉTAT d’âme

Ça y est tu touches au but. Bientôt à court de slides, tu sens le poids du stress qui se retire. Mais attention : pas question de relâcher maintenant. Je te prie de me faire 1 conclusion et pas 12, de me faire un appel à l’action et pas le très célèbre : « Voilà j’ai fini. » crédité traditionnellement aux enfants dans le noble apprentissage de leur propreté.

Evidemment, re-voilà le silence. Respecte-le, sa texture te dira si ton propos a fait mouche ou si tu ferais bien de faire une courte synthèse pour sauver les meubles. Le silence de la fin c’est un face à face, un nez à nez avec ton public où tu peux constater l’état dans lequel tu le laisses. Et là, la boucle est bouclée. Ton objectif était de mettre ton public dans l’état sus nommé : ….. .

Félix et Jean

Si cet article t’as éparpillé la tête façon puzzle, viens nous en parler. On fait de très bonnes excuses en 3D.

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Jean Tuloup
PUNCHIE
Editor for

Cofondateur de Punchie, un collectif d’entraînement à la prise de parole en public et aux interactions du quotidien