33 — Cerro Rico

Albéric
Quelques lieux et un pas de plus
2 min readSep 24, 2014
Cerro Rico — Potosi — Bolivie

Le chant du vent enchante la plaine, son immensité. Il regarde arriver les hommes, il s’amuse de la fuite de la vigogne, s’étonne de les voir se sédentariser et apprivoiser le lama.

Quand vous approchez de Potosi, c’est le cône idéal du Cerro Rico, accompagné de la terre vierge et le bleu parfait du ciel, qui vous émeut.

Les ordres de l’Inca doivent atteindre tout l’empire, les pas et les charges frappent les routes naissantes, régulière syncopée.

Puis, votre regard découvre les balafres qui couvrent sa peau, plus percée que celle d’un survivant de l’héroïne, plus déchirée que celle d’un invalide de guerre.

L’empire crie dans sa chute. Le fer et le feu l’achèvent. Sur leur monture de métal, des hommes carapaces, les mains pleines de sang et de trahison, cliquettent. Leurs yeux sont emplis de l’illusion de l’or ; c’est l’argent qui leur viendra.

Pourtant, chaque minute passée dans son ombre ne fait qu’augmenter la séduction. Vous ne pouvez résister à ce désir : marcher, arpenter ses flancs.

Les pioches martèlent les veines de la terre, les corps y tombent sourdement, le métal en fusion siffle, les pièces battues hurlent, les chariots, chargés d’argent ou de bras, grincent, les voiles claquent contre le vent, les canons déchirent coques et hommes. À la fin, dans les ports ou les palais, les fêtes explosent.

C’est le moment qu’elle choisit pour vous entraîner dans ses entrailles. Vous croisez des hommes-taupes, vous ignorez de quelle époque ils débarquent. Vous vous réfugiez dans l’antre « del Tio », qui, par un hommage d’alcool et de coca, vous protège des cauchemars de cette montagne torturée.

Alors que sur l’Altiplano les trains inventent de nouveaux rythmes, au cœur de la montagne, la colère gronde. Ils se libèrent. Mais il est trop tard. Elle est vide. Seules les implorations des fantômes, que peine à calmer le Tio, chantent leurs complaintes, accompagnées des percussions de quelques explosions, incertains espoirs.

Buenos Aires 16 octobre 2013

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Albéric
Quelques lieux et un pas de plus

un rien conteur, un rien vagabond, un rien photographe, bref plein de petits riens, pour un tout ?