89 — Le désert du thar

Albéric
Quelques lieux et un pas de plus
2 min readNov 10, 2014

Le vent se lève. Le sable frappe le visage. La nuit s’allonge. Des gouttes tombent, lourdes et saugrenues. Montant sur une petite dune, il écarte les bras, laisse le désert, qu’alourdit l’eau, entrer en lui. Il écoute sa voix autoritaire, se laisse porter par elle.

D’abord, c’est à Jailsamer qu’elle l’emporte. Le soleil à son zénith écrase les hommes. La ville se confond avec le désert dont elle a non seulement volé les usages, mais aussi les couleurs. Bien que rien ne semble y respirer, l’oreille attentive se laisse captiver par un murmure. Il ouvre sur une pièce sombre où, dans la fraîcheur des murs, s’échappent les vapeurs d’un thé. C’est peut-être une maison, où des voix rompent la sieste ou une échoppe pas tout à fait fermer au cas où : Si un badaud passait…

Dans ses ruelles ombrageuses, quelques animaux se reposent. Une chèvre, un âne ou un chien ouvre un œil épuisé à chaque passage. À quelques décamètres, des enfants défient le soleil, sous la protection d’une fontaine. Ils chahutent, courent, crient, mais pas au-delà de la portée des ombres. Il se laisse entraîner, grimpe sur les remparts : infini jaune, ocre.

L’ocre le renvoie dans le train. Il est assis sur les marches, portes ouvertes. Dans cette uniformité lumineuse, des femmes, surtout des femmes, s’échinent à rendre la terre fertile. Un policier passe, l’éjecte de son observatoire, ferme la porte. Une gare s’annonce, identique à toute autre. Ici, L’hindi et l’ourdou s’affrontent, se complètent.

Maintenant, il dérive vers une oasis, tâche verte, poumon du Thar. Il s’y repose, s’endort même, attendant que la chaleur et le mal de mer, œuvre de la marche chaloupée du chameau, s’estompent.

Il revient, descend, s’assoit, admire une plante que l’insignifiante pluie a pourtant fait resplendir. Il s’allonge. Une à une, les étoiles déchirent l’orage. La nuit sera longue à devenir demain. Peut-il en être autrement face à ces beautés innombrables ?

Buenos Aires le 15 octobre 2014

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Albéric
Quelques lieux et un pas de plus

un rien conteur, un rien vagabond, un rien photographe, bref plein de petits riens, pour un tout ?