Mont saint Michel

Albéric
Quelques lieux et un pas de plus
2 min readApr 23, 2020

France

La croyance populaire veut que les terres du diable soient des terres infertiles où règnent la mort et la désolation. Pourtant, avant que le temps ne soit temps, la baie était son domaine.

Il y vivait, paisible seigneur de l’eau, du ciel et même de la terre. Il y accueillait des vagabonds et parfois des aventuriers. C’est l’un d’entre eux, un certain Michel dit l’archange, qui, par la ruse et la tentation, colonisa cette terre et en expulsa son prince.

Le malin n’est pas toujours celui que l’on croit. Michel construisit d’une nuit, sur le rocher de Tombelaine, un improbable château de glace. Il lui offrit en échange de ses terres. Subjugué, le diable accepta l’offrande et monta dans l’instant au sommet de la tour. L’usurpateur avait gagné ! Les premiers rayons du soleil firent fondre l’illusion et le diable fut rejeté par la marée. Jamais il ne revit sa terre : insoutenable douleur de l’exil.

Où qu’il aille, il la raconte. Il dit sa tristesse de voir son œuvre porter le nom de son voleur. Puis, il raconte le ciel lourd de nuages et leurs rondes allègres, le soleil qui peint sur le sable ou l’eau des chefs-d’œuvre éphémères, le vent qui chante ses mélodies éternelles, sculptent la végétation.

Il fait une pause, soupire et parle de l’eau furieuse et tourbillonnante qui envahit la baie, dévore le sable, invente des îles, de l’eau assagie qui s’efface, offre au sable des reflets, des mirages, offre au ciel un miroir envoûté.

Dans ses yeux se dissimule une lumière grise de tant de couleurs. Ils vagabondent sur ces marches qui inventent un village, franchissent les portes de l’abbaye, courent d’un labyrinthe de salles et d’escaliers à l’autre.

Son regard se pose tout là-haut. Devant ce cloître, dont chaque colonne-double capture un peu de lumière, en fait un joyau, s’avance sur cette terrasse, là où les sens se perdent, là où l’on marche dans le ciel.

Buenos Aires, le 7 septembre 2013

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Albéric
Quelques lieux et un pas de plus

un rien conteur, un rien vagabond, un rien photographe, bref plein de petits riens, pour un tout ?