Venise
Italie
Je pourrais vous parler de la place saint-Marc quand le soleil l’enveloppe d’or. De son campanile qui s’effondra. De cette colonne qui coula dans le grand canal dont le crocodile géant hante les eaux les jours de tempêtes.
Je pourrais vous raconter ces familles espérant le dernier regard de celui qui empruntait le pont des soupirs.
Je pourrais vous faire découvrir les rues parmi lesquelles Marco Polo se reposait de ses voyages.
Je pourrais vous décrire l’arrogance de ce lion qui s’appropria le livre et l’ouvrit pour ses vassaux ou le ferma pour ceux qu’il vainquit.
Je pourrais vous conter le diable, ses contrats, sa défaite. Les âmes de cette ville orgueilleuse et autoritaire sont pour lui le plus doux des breuvages :
il y eut cet architecte qui construisit le Rialto de sa main. Il essaya de le tromper et y perdit sa femme et son enfant.
il y eut ce musicien à qui il offrit la gloire et qui, pour sauver son âme, la dissimula dans la plus sublime des musiques qu’il écrivit sur la surface d’un canal. On dit que, quand la ville dort, cette mélodie s’offre aux somnambules. On dit que le malin essaye toujours de l’attraper.
Je pourrais vous montrer cette multitude de phares-lampadaires qui balisent la lagune, illuminent l’eau quand le soleil s’échappe vers les Amériques. Ils accrochent même parfois leur lumière aux nuages pour qu’ils la portent jusqu’au zénith.
Je pourrais aussi vous surprendre avec les églises ou d’autres ponts, avec les bateaux ou les réservoirs, avec les places ou les îles, avec l’eau et encore l’eau de cette ville éparpillée.
Je pourrais vous dire tout cela, et même le lido, quand la ville devient mer, pourtant je n’en ferai rien. Vous en savez bien plus. Au pire, au mieux devrais-je dire, vous le découvrirez quand les portes de la gare, car il faut y arriver en train, s’ouvriront pour vous faire ce cadeau : Venise.
Buenos Aires, le 18 août 2013