Le robot conversationnel de Radio-Canada Information : démarche, résultats et prochaines étapes.

Thomas Le Jouan
Radio-Canada Lab
Published in
5 min readNov 17, 2017
Illustration Sophie Leclerc/Radio-Canada

Radio-Canada met sur pied en ce moment des robots conversationnels et expérimente des solutions de conversations automatisées à même les applications de messagerie.

Dans une série de trois articles, l’équipe de la Recherche et développement numérique explique les dessous du robot conversationnel de Radio-Canada Information. Lisez ici l’article qui raconte comment a été programmé le robot, lisez ici l’article sur la personnalité du robot, et lisez ci-dessous l’article sur la stratégie derrière sa mise en place.

Fort d’une expérience précédente qui a pris la forme du robot conversationnel Jean-Droïde Dufort, créé pour l’émission Bienvenue en 2067 sur les ondes de ICI Radio-Canada Première, Radio-Canada a lancé à l’automne 2017 le robot conversationnel de Radio-Canada Info.

Dans sa version initiale, le robot offre deux services, la Une et les recommandations, et peut être trouvé sur Messenger.

Nous présentons ici notre démarche, les premiers résultats et les prochaines étapes de ce projet.

Pourquoi les procédés conversationnels deviennent-t-ils importants?

Les machines nous comprennent de mieux en mieux et le langage humain s’intégrera naturellement dans nos interactions avec Internet, que ce soit par le biais de la voix ou de l’écrit.

S’il est clair que cet Internet conversationnel viendra bousculer les usages et concurrencer certains produits numériques déjà en place sur le marché, il est tout aussi clair que le moment pour se lancer est maintenant.

Les progrès en intelligence artificielle sont constants et prometteurs. Les interfaces et l’expérience utilisateur s’améliorent. Les expertises se raffinent. Le potentiel de cette technologie est immense, et son adoption est progressive.

À Radio-Canada, nous croyons que ces technologies s’inscriront durablement dans le quotidien. Il est donc nécessaire pour nous d’appréhender, de tester et d’analyser dès maintenant ces nouveaux usages et les nouvelles expertises qu’ils requièrent. Les investissements en recherche et développement nous permettent de rester à jour avec les autres grands médias, tels le New York Times ou The Guardian.

Pour les conversations sous forme de texte, les robots conversationnels (chatbots) comme ceux que nous avons développés constituent le terrain d’étude principal. Ces derniers profitent de la croissance continue de l’utilisation d’applications de messagerie (Slack, Messenger, Kik…) et des investissements des grands joueurs de l’industrie technologique dans ce domaine, Facebook étant en tête avec son application Messenger et ses quelque 100 000 robots conversationnels..

Quel but voulons-nous atteindre?

Du point de vue de Radio-Canada, la création d’un robot conversationnel implique l’implantation de nouvelles méthodes. L’objectif est de déterminer les bons processus, tant pour la production et la distribution que la création du contenu. Nous voulons aussi renforcer la relation entre l’utilisateur qui est consommateur d’information et Radio-Canada par des procédés conversationnels.

L’objectif est de trouver le moyen d’optimiser la rétention des utilisateurs (ils restent longtemps) et de créer une boucle d’engagement (ils reviennent souvent) avec le robot.

Comment fonctionne le prototype?

Le robot conversationnel de Radio-Canada Information sait faire deux choses. D’une part, il peut afficher les nouvelles à la une au moment où l’utilisateur le demande (la une); d’autre part, il propose quotidiennement des contenus distinctifs de Radio-Canada (les recommandations).

La une est alimentée par un processus complètement automatisé et est mise à jour en temps réel. Le processus des recommandations, au contraire, implique la sélection de trois contenus par un journaliste, qui soumet ses choix éditoriaux une fois par jour. Ainsi, nous voulions éviter de reproduire l’erreur initialement commise avec Twitter (brancher un fil RSS à un compte Twitter et penser que le travail est fait).

Quant à la personnalité du robot conversationnel, l’idée fondamentale était de faire de lui en quelque sorte un ami qui recommande des contenus que l’utilisateur n’aurait pas forcément vu passer.

Nous avons organisé le travail selon quatre phases importantes :

  • Établir la vision : cette étape définit la raison d’être du robot et son champ d’action.
  • Définir la personnalité du robot : cette étape détermine sa voix, son ton et ses caractéristiques. Pour cette phase, on tient compte autant de la marque que des utilisateurs ciblés.
  • Déterminer les fonctionnalités : cette étape détaille les besoins et les données nécessaires pour remplir la mission.
  • Établir les processus : cette étape est complexe. Elle définit les comportements du robot selon les contextes. C’est cette étape qui détermine les scénarios que nous voulons mettre en place.

Une fois ces étapes validées, le développement a pu commencer. Vous pouvez lire notre article sur le sujet ici.

Au final, comme dans n’importe quelle conversation, nous visons à ce que les deux interlocuteurs se comprennent. Le robot conversationnel doit comprendre les intentions de l’utilisateur et, à l’inverse, ce dernier doit comprendre ce que le robot conversationnel sait faire.

Quels sont les résultats?

Le robot conversationnel a été lancé de manière progressive. Nous avons d’abord permis aux employés de Radio-Canada de l’essayer, puis aux membres du groupe Facebook RC Lab, puis aux abonnés de la page Facebook de Radio-Canada Information habitant à Québec, et ainsi de suite. Cette stratégie de diffusion nous permet d’ajuster le robot au fur et à mesure que nous recevons des commentaires et des suggestions.

Première observation : un taux d’engagement aux alentours de 25 % (pour 100 personnes qui ont consulté le robot, 25 sont revenues les jours suivants). Ce chiffre est élevé et il sera intéressant à analyser quand nous atteindrons davantage le grand public.

Deuxième observation : les trolls se font plaisir! Parce que chaque utilisateur est différent, chaque session est différente. Beaucoup d’utilisateurs testent les limites du robot en lui posant toute sorte de questions pertinentes ou non. Cette masse de données nous a permis d’ajuster la personnalité du robot, qui pouvait prêter à confusion dans certains cas.

Troisième observation : il faut entraîner le robot. Certaines intentions sont mal comprises par celui-ci et il faut constamment ajuster le robot pour qu’il devienne de plus en plus performant. Ce travail demande du temps et des ressources, mais il est essentiel à long terme.

Quelles sont les prochaines étapes?

Le principal défi du robot conversationnel consiste à le garder distinct et pertinent par rapport à nos autres produits numériques que sont le site web et l’application mobile. Notre première phase s’est concentrée sur deux services auxquels l’utilisateur peut s’abonner. Nous avons aussi exploré l’usage des notifications, où le contenu est envoyé à un utilisateur abonné.

La prochaine étape se concentrera sur la recherche. Ainsi, nous répondrons à un utilisateur qui interroge le robot avec une intention claire. Le robot devra être capable de répondre à un utilisateur qui cherche de l’information sur un sujet précis.

Ensuite, la régionalisation des interactions figure également sur la feuille de route, ainsi qu’un projet spécifique sur les élections.

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Thomas Le Jouan
Radio-Canada Lab

Chef, Recherche et Développement Numérique à Radio-Canada. Co-fondateur de l’Accélérateur d’idées de Radio-Canada et du RC Lab.