Les analyses du RBDH
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8 min readJan 30, 2018

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En décembre dernier, Céline Fremault, la Ministre du logement, annonçait dans la presse, l’arrivée imminente d’une nouvelle allocation-loyer généralisée, destinée aux locataires précaires. Objectifs : fusionner les aides existantes, simplifier les procédures et étendre le bénéfice de l’aide. Si l’intention est bonne, le projet, lui, ne nous a pas convaincu. La réforme est superficielle et le budget n’est pas au rendez-vous. Mais jugez plutôt…

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est un peu la devise en matière d’allocations-loyer à Bruxelles. On tourne dans la Capitale avec pas moins de 4 régimes spécifiques qui créent la cacophonie. Chaque dispositif qui s’ajoute au précédent charrie son lot de nouvelles règles, de nouvelles procédures, sans jamais chercher l’homogénéité, d’autant que la multiplication des régimes ne signifie pas multiplication du nombre de bénéficiaires. Les chiffres le montrent ; à l’exception de l’allocation de relogement, l’impact des aides est plutôt limité. C’est que l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous. L’allocation en faveur des candidats locataires à un logement social devait en principe aider 1000 à 2000 ménages. Ils ne sont pourtant aujourd’hui qu’une poignée à en bénéficier. En cause notamment, une procédure administrative complexe et défaillante.

Le projet d’arrêté actuellement sur la table entend fusionner les allocations, à l’exception de celle du Fonds régional de solidarité qui reste, elle, dans le giron de la DIRL (l’inspection régionale du logement). Premier étonnement. Le bon sens aurait justement pu conduire à la rapprocher de l’allocation de relogement qui touche elle aussi un public confronté à l’insalubrité. Le gouvernement en a pourtant décidé autrement.

La réforme en cours ne va pas assez loin. Si le texte en discussion met fin à certaines disparités — montant et calcul de l’allocation, conditions de revenus, loyers de référence -, il maintient par contre, sans tenter de les intégrer dans un dispositif inédit, les publics-cible et les procédures administratives propres à chacune des allocations. Le projet d’arrêté rapatrie ainsi les règles en vigueur dans les autres textes, pour chaque type de bénéficiaires, sans y toucher. Conséquence, un bric-à-brac de démarches encore moins lisibles qu’aujourd’hui. A contre-courant donc de la volonté de simplification administrative.

Autre problème lié, le fait que les candidats à l’allocation ne vont pas tous être ‘‘logés’’ à la même enseigne. Certains devront faire face à des contraintes fortes pour pouvoir être aidés, alors que d’autres pas. Un exemple frappant, c’est celui du contrôle des logements. Les ‘‘anciens’’ de l’allocation de relogement se verront imposer systématiquement une visite de leur logement, avec le risque de voir s’envoler l’allocation si celui-ci n’est pas conforme aux normes du Code. Pour les autres, les locataires communaux et les candidats à un logement social, des contrôles ‘‘pourraient être organisés en fonction des moyens humains disponibles’’[1]. Autant dire jamais, le service régional concerné étant complètement débordé. Une différence de traitement qui nous interpelle vivement dans un système soi-disant unifié. Ce n’est pas la seule, le texte en est truffé : aide limitée dans le temps pour certains, délais d’introduction des demandes plus courts…

C’est la première question à laquelle le Gouvernement aurait dû répondre pour éviter les problèmes évoqués plus haut. L’allocation-loyer ne peut pas jouer tous les rôles. Si la lutte contre l’insalubrité est un combat prioritaire, qui mériterait d’être renforcé, ce n’est pas celui de l’allocation-loyer. Lier l’une à l’autre, équivaut à faire porter le chapeau de la mauvaise qualité des logements aux locataires qui, faute de trouver une location correcte, voient filer l’allocation. La double peine en somme.

L’allocation-loyer porte bien son nom, elle doit aider à payer le loyer, en diminuant la part du budget qui lui est consacré. Une aide financière pour améliorer la solvabilité des locataires les plus pauvres. Un défi qui se suffit à lui-même. C’est ce principe d’ailleurs qui avait guidé, en 2014, la mise en place de l’allocation à destination des candidats à un logement social : soutenir financièrement des locataires qui, faute de logement social, assumaient des loyers trop élevés sur le marché locatif privé.

Le droit à l’allocation ne devrait donc dépendre que d’un seul critère prioritaire : le niveau de revenu du locataire. Une seule porte d’entrée pour tous, impliquant une même et unique procédure. Un seul plafond de revenu, fixé bas, pour soutenir les ménages les plus précaires.

Si la réforme nous parait inconsistante, c’est aussi parce que les moyens financiers qui lui sont consacrés ne suivent pas. L’intervention régionale est fixée à 12 millions d’euros, soit exactement le même budget prévisionnel que celui qui finance les allocations aujourd’hui[2]. Par ailleurs, l’enveloppe budgétaire est fermée et ce au moins jusqu’en 2020. Il n’y aura donc pas de possibilité d’ajuster le budget si les demandes dépassent les projections du Gouvernement.

D’un côté, on fait mine d’élargir les publics cible — les candidats à un logement social devront justifier 6 points de priorité au lieu de 12[3]- mais de l’autre, on ne consent à aucune dépense supplémentaire.

De deux choses l’une, soit on n’aide pas plus de personnes qu’avant, soit un peu quand même, mais en rognant sur l’allocation de certains bénéficiaires.

Le projet prévoit une allocation de base de 110€/mois pour une personne isolée, nettement moins que l’allocation de relogement (162,5€)[4]. Par contre, les augmentations liées à la présence d’enfants dans le ménage vont être mieux prises en compte : 50€/enfant[5], contre 16€ actuellement. Comme les moyens n’évoluent pas, cela signifie que pour soutenir les grandes familles, qui en ont besoin évidemment, le Gouvernement va pénaliser, en réduisant leur allocation, les ménages isolés et notamment parmi eux, les sans-abri[6]. Ce n’est pas acceptable.

Dans le logement social, secteur très fortement subsidié, la Région finance en plus, l’allocation de solidarité qui vient combler le déficit[7] entre le loyer payé par le locataire, calculé en fonction de ses revenus, et le loyer de base, qui correspond au coût réel du logement pour la SISP. Une forme d’allocation-loyer mais cette fois directement versée au bailleur social. En 2018, cette intervention est fixée à 28,6 millions d’euros. D’année en année, elle ne cesse d’augmenter. Le budget de la nouvelle allocation-loyer, ce n’est même pas la moitié.

Si le Gouvernement entend vraiment aider les ménages pauvres du secteur privé, il faut alors revoir le financement à la hausse. Mais le souhaite-t-il vraiment, alors qu’il n’a pas fait le pas décisif pour réguler les loyers ? Car fatalement, en l’absence d’encadrement, une allocation vraiment généralisée, c’est-à-dire ouverte à un large public, risque fort de faire grimper les loyers…

L’allocation en projet est liée à la toute nouvelle grille des loyers sortie début janvier 2018. Tous les logements concernés par l’allocation devront rentrer dans les fourchettes de prix définies dans la grille. Si les loyers de référence ne sont pas obligatoires pour les bailleurs, ils le sont par contre pour les locataires qui introduiront une demande d’allocation. Il y a donc tout intérêt à ce que la grille reflète les valeurs du marché, particulièrement dans le segment modeste du parc locatif où sont logés les locataires à bas revenus. Or, on manque de recul aujourd’hui pour le confirmer puisque la grille vient à peine d’être rendue publique et n’a donc pas encore été mise à l’épreuve. Cela nous parait donc plutôt singulier et bien intrépide de faire reposer l’allocation sur cet outil naissant.

Autre zone d’incertitude, l’administration régionale chargée d’absorber la réforme. Elle devra se débrouiller sans garantie de renfort, alors qu’elle peine pourtant à exécuter ses missions. Le service régional en charge des allocations accuse d’importants retards qui, malgré les promesses, ne semblent pas vouloir se résorber. Il faut environ un an pour obtenir une allocation de relogement, alors que l’aide est censée encourager le déménagement ! — Il y a bien quelque chose qui cloche. Le service aurait donc mérité toutes les attentions. L’attitude du Gouvernement semble démontrer à nouveau qu’il n’a pas foi dans cette allocation.

Nous plaidons pour une rationalisation des aides existantes et pour leur extension, mais pas sous cette forme-là. Il y a mieux à faire. Il n’est pas encore trop tard pour faire un pas de côté. On regrettera, pour conclure, que le Gouvernement ait choisi de travailler sur un arrêté plutôt que sur une ordonnance, comme il l’avait pourtant annoncé dans son accord de majorité. Il opte pour le huis clos ministériel, alors qu’un dossier comme celui-là aurait mérité un débat public au Parlement.

Cette publication est éditée à l’aide de subsides de la Région de Bruxelles-Capitale, Insertion par le logement et avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

[1]Extrait de l’exposé des motifs qui accompagne le projet d’arrêté instituant une allocation généralisée en matière de logement.

[2]En 2016 et 2017, les budgets initiaux s’élevaient à 10 millions d’euros pour l’allocation de relogement et à environ 2 millions pour l’allocation ‘‘logement social’’.

[3]Six points de priorité correspondent en moyenne — en ne tenant compte que de l’ancienneté — à 4 ans d’attente sur la liste du logement social, contre 7 ans pour les 12 points de priorité.

[4]Cette allocation nous sert de point de comparaison, puisqu’elle représente l’écrasante majorité des bénéficiaires d’une aide au loyer.

L’allocation de relogement n’est pas forfaitaire mais est calculée sur base des revenus des locataires. La formule est la suivante : loyer plafonné — 1/3 des revenus = allocation loyer plafonnée. Tous les bénéficiaires n’ont donc pas droit à l’intervention maximale de 162,5€. Cependant, d’après les statistiques de l’administration, en 2015, les revenus moyens des bénéficiaires de l’allocation de relogement se situaient autour de 1000€. Le loyer moyen des studios loués s’élevait à 473€ et celui des 1 chambre à 564€. Si on applique la formule, on arrive à une allocation mensuelle moyenne comprise entre 143€ et le maximum, 162,5€.

[5]Soulignons toutefois que les majorations sont plafonnées à trois enfants à charge, soit une allocation maximale de 260€.

[6]Les personnes sans-abri bénéficient toutes de l’intervention maximale.

[7]75% des déficits sociaux enregistrés par les SISP.

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Le RBDH est un regroupement de 50 associations qui défendent l’accès à un logement décent et abordable.

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