La solidarité collective au Niger et au Mali

Le « Borgou » en Zarma au Niger ou « Bouranchi » en Bambara, au Mali, une pratique ancestrale qui matérialise la valeur de la solidarité.

Sur les sables fins du sahel au Niger et dans la prairie où fleurie encore les herbes fines au Mali, vivent Fatouma Ahmadou et Moriba Diarra. Fatouma, une mère veuve depuis presqu’un an avec quatre enfants, vit dans le village de Kollo, une zone zarma au Niger. Moriba Kanté, ancien forgeron à la retraite depuis son accident, habite dans le village de Torodo au Mali, dans la zone Bambara.

Ces deux familles aux vues de leur situations respectives se préparent au pire. Pour Fatouma les travaux champêtres doivent se faire avant l’hiver pour constituer le grenier familial et pouvoir vendre un peu de la récolte du mil et de l’oignon pour subvenir aux dépenses de sa petite famille. Toutefois elle n’a ni la main d’œuvre ni les moyens financiers pour effectuer ces travaux. Moriba lui vit avec sa femme et ses six enfants dans deux cases qui tombent en ruine depuis quelques années. Il n’a pas aussi les moyens financiers et la force physique de réhabiliter ses deux cases.

Ces deux familles au Niger et au Mali séparées par les frontières, vivant dans des aires culturelles différentes partagent une même valeur sociale qui est la solidarité. Les habitants des deux villages de Fatouma et Moriba ont commencé à échafauder, de part et d’autre, un moyen d’aider les deux familles dans le besoin. Ils ont une pratique ancestrale nommée le « Borgou » en Zarma ou ”Bouranchi” en Bambara. Cette pratique puise son essence de la vivacité du groupe de valeurs de la solidarité, l’entraide, la générosité et l’hospitalité.

Le « Borgou » ou « Bouranchi » est un savoir-faire et savoir être ancestral qui continue encore dans certaines localités au Niger et au Mali.

Le principe est que les membres du même village ou des villages voisins apportent leur appui à une famille ou à un habitant (veufs ou indigents) qui n’a pas les moyens matériels et ou physiques d’effectuer, par exemple, les travaux champêtres, de forage manuel de puits ou de construction/réhabilitation de maison.

D’abord les bénéficiaires sont connus par tous, l’intention est prise par la communauté sous le leadership du chef de village et des autorités traditionnelles, les bénéficiaires sont informés en deniers ressort et l’aide est faite sans attendre en retour une compensation ou payement de quelque ordre qu’il soit.

L’appui est donné en une journée ou s’il le faut en plusieurs jours, au cours d’une assemblée populaire très souvent rythmée de chants, de son de tam-tam ou autres instruments de musiques locaux en toute allégresse comme pour communiquer la positivité et le sentiment de dévotion pour la cause commune.

La houe, un outil agricole

Ceux qui viennent aider amènent de la nourriture, la boisson, leur force physique et surtout l’esprit de solidarité pour perpétrer cette valeur sociétale.

Selon Mr Ibrahima Ndiaye, sociologue Malien : « le Bouranchi » est une forme de solidarité qui est un fondement de la société Bambara ».

La pratique de la solidarité et de l’entraide est une occasion de raffermir les liens sociaux, de forger ou renforcer les alliances, d’échanger sur les conflits et les problèmes ou projets communs et de trouver ensemble des solutions et consensus aux défis ou difficultés communes et individuels. C’est un engagement collectif autour d’une cause commune.

Mr Boube Bali, historien nigérien nous livre ceci: « Au Niger la valeur sociétale de la solidarité va au-delà des concepts et aspirations. Elles se concrétisent par des actions concrètes ».

Cette pratique dont a bénéficié Fatouma et Moriba ne fait aucune distinction entre les ethnies et les classes sociales. La pratique a surtout pour objectif d’aider ces personnes dans le besoin à vivre dignement parmi les autres. Elle permet aussi d’alléger les enfants des travaux trop lourds pour eux.

Quatre opportunités à tirer de ce récit

  1. L’engagement des parties prenantes pour des solutions qui reflètent mieux leurs valeurs sociales et favorisent leur appropriation.
  2. Mettre l’accent sur l’équité et la justice sociale pour guider les efforts de changement social.
  3. Renforcer les liens sociaux par des pratiques qui magnifient les valeurs sociales.
  4. Ancrer le changement social dans les valeurs culturelles locales au lieu d’amener des valeurs exogènes.

Et vous, avez vous d’autres suggestions d’opportunités? Partagez vos idees avec nous.

Notre reconnaissance va au professeur Boubé Bali, historien, l’Université Abdou Moumouni de Niamey, Ibrahima Ndiaye historien Malien des civilisations et multiculturalisme. Oumar Amani Directeur de LASDL (Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le developpement local) au Niger, Bakoroba Diabate et Djali Mady Sissoko tous deux griots du Mali, Seydou Drissa Traore Président Association Joko ni Maaya du Mali.

Cette publication est de l’UNICEF, Bureau Régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre fait partie d’une large série nommée: Le Recueil Culturel Africain pour le Changement Social en Afrique l’Ouest et du Centre.

Si vous avez des suggestions ou des idées pour cette série, n’hésitez pas à nous contacter. Ecrivez à Hawa Samake: hsamake@unicef.org

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