Red Dingue De : Fernando Torres

Yohan Mizzi
RedDingueDe…

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S’il est coutume de dire que malgré les joueurs et les entraîneurs qui passent, seul le club reste, le Liverpool Football Club est sûrement l’un de ces géants qui fait figure de paradoxe, à la fois dans le monde du football d’hier comme celui d’aujourd’hui. Entre gloire passée et retrouvée, joueurs majeurs ou déserteurs, mais aussi des événements aussi tragiques qu’inoubliables, le Liverpool FC est un mythe cultivant cette culture historique grâce à ses légendes. Pourtant, il y a de ceux qui ne marquent pas uniquement les esprits, mais plutôt les cœurs. Le genre de personnages que jamais un supporter des Reds n’oubliera. Voici « Red Dingue de… »

19 aout 2007, il est 17h16 lorsque Steven Gerrard lance en profondeur le nouveau gamin de la ville : un certain Fernando Torres. Un contrôle et une accélération plus tard, Anfield rugit. Liverpool vient d’entamer, sans le savoir, l’une de ses plus belles histoires d’amour…

Liverpool 1–1 Chelsea (GIF réalisé via LFCTV)

2007/2008 : Des débuts fracassants

Finaliste malheureux en Ligue des Champions face au grand et revanchard Milan AC (1–2), Liverpool réalise le plus gros transfert de son histoire en sortant 36 millions d’€ pour s’offrir les services du jeune goleador (23 ans) de l’Atletico Madrid lors du mercato estival de 2007. La Premier League, devenue orpheline de Thierry Henry, voit l’arrivée d’“El Niño” comme une opportunité de retrouver un attaquant de classe mondiale pour concurrencer l’actuelle star du championnat : Cristiano Ronaldo.

Liverpool 3–0 Newcastle (GIF réalisé via LFCTV)

Si le départ de Luis Garcia vers Madrid aurait pu faire douter les supporters, Torres met tout le monde d’accord dès son premier but. Marquer avec une telle facilité face au grand Chelsea, actuel vice champion d’Angleterre, annonce la couleur. Cette saison-là, Torres n’en finit plus d’enfiler les buts. Trente-trois unités lors de sa première saison dans le championnat considéré comme l’un des plus durs du monde, rien de mieux comme intégration. Comme si ce n’était pas suffisant comme statistique, Fernando Torres est le seul joueur de l’histoire à avoir inscrit trois triplés lors de sa première saison en Premier League. Au-delà des statistiques, c’est la facilité qu’il a d’éliminer et de marquer, que ce soit des deux pieds ou de la tête, qui impressionne.

Fulham 0–2 Liverpool (GIF réalisé via LFCTV)

Des débuts très fort individuellement, le tout ponctué par une demi-finale de Ligue des Champions (défaite face à Chelsea 1–1 / 2–3 ap) et une honorable 4e place en championnat avec seulement quatre défaites au compteur. Une première saison de classe mondiale, pour le plus grand bonheur des fans des Reds.

Euro 2008 : Au sommet de l’Europe

Lors de l’été 2008, Torres s’envole pour l’Autriche et la Suisse afin de disputer l’Euro avec son pays. Nouvelle tête d’affiche du football espagnol, le numéro neuf de Liverpool excelle. Associé aux côtés de David Villa, Fernando fait parler son talent et montre au monde entier ses qualités de numéro neuf moderne. Opposé à la Mannschaft en finale, El Niño écrit la première ligne de sa légende pour la Roja. Lancé par Xavi, Torres fait parler son explosivité, sa vitesse, et prend totalement de vitesse Phillip Lahm pour aller piquer le ballon au-dessus de Lehmann et offrir le deuxième titre européen de l’histoire de l’Espagne.

Espagne 1–0 Allemagne (GIF réalisé via UEFATV)

Liverpool le sait. Le club tient dans ses rangs un joyau. Tout est réuni pour réaliser de grandes choses. L’effectif est bourré de talent, mais aussi prometteur après une première saison réussie pour El Niño. Les fans sont conquis par leur numéro neuf aux mèches blondes et espèrent beaucoup de la saison qui va suivre.

2008/2009 : Saison de l’espoir et prémices d’un physique fragile

Explosif, rapide, athlétique, tous les compliments correspondaient à Fernando Torres depuis le début sa carrière. Sous le célèbre maillot rouge, il a su montrer au monde entier les qualités requises pour survoler et moderniser le poste d’avant-centre. Torres va continuer d’émerveiller ses supporters avec de superbes buts, mais ce sont bien ses blessures qui vont marquer sa première moitié de la saison 2008/09.

Everton 0–2 Liverpool (GIF réalisé via LFCTV)

Après avoir disputé 46 matchs lors de sa première saison, El Niño va connaître un début de deuxième exercice compliqué sur le plan physique. Touché à la cuisse, il ne joue que la moitié des matchs du club jusqu’au nouvel an (13 matchs manqués d’octobre à décembre). Liverpool réussit tout de même une belle campagne en phase de poules de Ligue des Champions (premier de son groupe en étant invaincu) et tient un rythme de champion en Premier League.

Torres de retour, les hommes de Rafael Benitez peuvent rêver plus grand. Le Real Madrid attend les Reds pour des 1/8e de finale de Ligue des Champions qui s’annoncent palpitants, et une place de leader de Premier League dans le viseur, 19 ans après le dernier titre de champion. Tout juste récompensé de sa superbe année avec un podium pour le Ballon d’Or 2008, El Niño revient à la pointe de l’attaque, de quoi ravir les kopites.

Et que dire de son retour… Les Reds continuent leur marche vers le titre tandis que le choc face à Madrid arrive. Formé chez les Colchoneros, le rendez-vous est pris pour le natif de Fuenlabrada. Résultat ? Liverpool surclasse et écrase le Real (1–0 / 4–0) pour filer en quart grâce à un match retour marqué par une master class de notre génie espagnol.

Liverpool 4–0 Real Madrid (GIF réalisé via UEFATV)

Si la Ligue des Champions s’arrête dès les 1/4 de finale contre Chelsea (1–3 / 4–4), la Premier League, elle, est toujours à portée de main pour Liverpool. Torres, aux côtés de Stevie, reste inarrêtable. Doublé face à Chelsea, Arsenal ou encore Blackburn, récital lors de la destruction de Manchester United (1–4) à Old Trafford, El Niño permet à toute une ville de croire à un titre de champion qui lui échappe depuis si longtemps. Liverpool réalise une seconde partie de saison à la hauteur de la première : des victoires face aux gros, un football alléchant et qu’une seule défaite au compteur.

Manchester United 1–4 Liverpool (GIF réalisé via LFCTV)

C’était sans compter sur le rival éternel, Man Utd, qui finira par être sacré champion quatre points devant un grand Liverpool pourtant meilleure attaque et deuxième meilleure défense du championnat. Emmené par un Gerrard légendaire et un Torres létal, Liverpool connaît malheureusement une nouvelle désillusion dans sa quête d’un titre de champion.

2009/2010 : Une campagne en dents de scie

Après une saison à être passé tout prêt des étoiles, Liverpool voit l’un de ses cadres faire ses valises lors du mercato estival de 2009. Xabi Alonso, véritable chef d’orchestre de l’armada rouge depuis 2004, quitte les terres britanniques pour rallier la capitale de son pays natal : Madrid. Grâce aux 34 millions d’euros empochés dans la vente d’Alonso, les Reds réalisent un mercato intéressant avec l’arrivée de Maxi Rodriguez, Glen Johnson et Alberto Aquilani.

Sur le papier, Liverpool a de quoi réaliser une nouvelle grande saison. Pourtant, sur le terrain, c’est une toute autre histoire. Si la paire Gerrard-Torres émerveille le monde entier, Liverpool déçoit. Les résultats mitigés et le manque de régularité coûtent des points au club. Sur le plan personnel, le numéro neuf des Reds éclabousse la Premier League de son talent. Dix buts marqués sur ses dix premiers matchs avec notamment un doublé face à West Ham, un triplé face à Hull City et une superbe performance lors de la victoire à Anfield face à Manchester United.

Liverpool 2–0 Manchester United (GIF réalisé via LFCTV)

Malheureusement pour Liverpool et son numéro neuf, tout ne va pas bien se passer. En plus de continuer à enchaîner les résultats en dents de scie en championnat, c’est en Ligue des Champions que la galère continue pour les hommes de Rafael Benitez, incapables de dominer un groupe largement à leur portée. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, c’est sans Fernando Torres, blessé au genou, que Liverpool doit sauver son début de saison. De la mi-octobre à la mi-décembre, El Niño reste sur la touche, spectateur d’une équipe de Liverpool fade et impuissante. Distancés en Ligue des Champions par la Fiorentina et l’Olympique Lyonnais, les Reds ne parviennent pas non plus à redresser la barre en Premier League et s’attendent à devoir batailler pour la 4e place voire moins.

De retour pour le Boxing Day, Torres retrouve sa place lors d’une période charnière pour l’équipe qui est loin de tenir toutes ses promesses. Liverpool est reversé en Europa League tandis que le top 4 s’éloigne de plus en plus en championnat. Au milieu de ce marasme, Torres joue six matchs et inscrit deux buts avant de regagner l’infirmerie pour un mois.

Rafael Benitez le sait ; ses hommes sont distancés en championnat. Xabi Alonso est parti et Fernando Torres est lâché par ses genoux. Comment sauver sa saison ? Arracher une place en Ligue des Champions et/ou aller chercher un titre en Europa League après 3 ans sans trophée.

Manchester United 2–1 Liverpool (GIF via LFCTV)

À l’image de sa saison Liverpool va continuer d’enchaîner les résultats irréguliers avec comme seule satisfaction les coups d’éclats de son avant-centre. Oui, Liverpool retrouve Fernando Torres. En championnat, il retrouve toute sa splendeur et régale ses supporters avec de superbes buts malgré la stagnation du club à la septième place de Premier League.

Liverpool 3–0 Sunderland (GIF réalisé via LFCTV)

C’est en Europa League que les Reds vont faire frissonner leurs supporters dans cette saison compliquée. Qualifiée en 1/4 de finale après s’être débarrassée du LOSC (0–1 / 3–0) grâce notamment à un doublé de Torres, la bande de Steven Gerrard croise la route de Benfica. Une fois encore, c’est Torres qui va mettre Liverpool à l’abri en inscrivant un nouveau doublé qui valide le ticket pour les 1/2 finales face à son club formateur : l’Atletico.

Tout était écrit ; Liverpool pouvait sauver sa saison en remportant l’Europa League, portée par sa superstar espagnole qui retrouvait son club de toujours. Malheureusement, le sort s’acharne sur ce dernier et son genou met fin à sa saison. À deux mois de la Coupe du Monde, l’Espagne retient son souffle. Les supporters de Liverpool aussi commencent à se méfier de cette situation. Les premières rumeurs quant à une volonté de Torres de quitter le club pour viser plus haut commencent à sortir. Pour ne rien arranger, sa relation avec Rafael Benitez n’est plus bonne et cela se ressent sur le terrain.

Des tribunes, notre attaquant voit Liverpool tomber face à Madrid après une double confrontation pleine de suspens, terminée en prolongation (0–1 / 2–1 ap). Liverpool quitte donc l’aventure européenne et dit adieu à la Ligue des Champions, après une septième place décevante en championnat.

Coupe du Monde 2010 : Sur le toit du monde sans briller

Juin 2010, l’Espagne participe à la Coupe du Monde en Afrique du Sud et le moins que l’on puisse dire, c’est que pour Fernando Torres l’épopée sud-africaine est paradoxale. Sacré champion du monde avec la Roja, l’espagnol a vécu une traversée du désert en Afrique du Sud. Inquiet sur son état de forme suite à la blessure qui l’a forcé à mettre un terme à saison début avril, El Niño termine la compétition sans avoir marqué le moindre but. Un mondial difficile pour lui qu’il termine blessé, évacué sur civière au coup de sifflet final lors de la victoire de son pays en finale face aux Pays-Bas (1–0 ap).

2010/2011 : La Rupture

Six ans après son arrivée au club, Rafael Benitez quitte le club d’un commun accord après une saison plus que décevante. Roy Hodgson, lui, prend sa succession après 3 ans à la tête de Fulham et une finale d’Europa League perdue face au bourreau de Liverpool l’an passé : l’Atletico de Madrid.

Du côté des joueurs, le mercato estival marque le départ de Javier Mascherano pour Barcelone dans des conditions conflictuelles avec le club. Liverpool perd encore l’un de ses joueurs majeurs sans vraiment se renforcer.

Pour Fernando Torres, la saison part sur de bonnes bases. Un changement de coach qui pourrait lui apporter une nouvelle approche et surtout une blessure guérie qui lui permet d’être opérationnel dès la première journée.

Liverpool 1–0 West Bromwich Albion (GIF réalisé via LFCTV)

Pour Liverpool, le terrain va apporter une réponse rapide quant aux peu d’ambitions cette saison. L’équipe a perdu de sa superbe, le nouveau coach n’apporte pas de nouveau souffle à ses joueurs et seuls Steven Gerrard et Fernando Torres vont apporter quelques sourires aux fans. Au bout de trois mois de compétitions, les Reds se classent treizièmes du championnat et dominent sans briller un groupe relativement faible en Europa League.

Le 7 novembre 2010, Liverpool accueille Chelsea, leader de Premier League, à Anfield. Pour les bookmakers, il est évident que Chelsea est le favori face à une équipe malade. Pourtant, ce soir-là, c’est comme un symbole que le numéro neuf des Reds terrorise les Blues de Carlo Ancelotti. Intenable, Torres inscrit un doublé face à l’un de ses adversaires préférés, pour les avoir souvent martyrisés. Dans une saison déjà insatisfaisante, El Niño incarne lors de ce match la seule lueur d’espoir de Liverpool. Comme si le destin était écrit entre ce dernier et Chelsea. Le club londonien, contre qui il avait marqué son premier but avec les Reds, et face à qui il réalise, sans le savoir, son dernier chef d’œuvre sous le célèbre maillot rouge du Liverpool FC.

Liverpool 2–0 Chelsea (GIF réalisé via LFCTV)

La belle victoire sur Chelsea ne change rien, les hommes de Roy Hodgson ne remontent pas la pente au classement et squattent la neuvième place du championnat. La saison suit son cours et Liverpool s’est fait une raison, l’équipe n’a plus les armes pour viser l’Europe. Le 22 janvier 2011, au milieu du départ de Roy Hodgson et des rumeurs de transferts qui commencent à sortir concernant la volonté ou non de Torres de quitter le club, Liverpool se déplace à Wolverhampton. Dans un match à sens unique, El Niño inscrit un doublé. Dernier buteur du match, Fernando Torres marque son quatre-vingt unième et dernier but avec Liverpool.

Wolverhampton 0–3 Liverpool (GIF réalisé via LFCTV)

Le 29 janvier 2011, ce ne sont plus des rumeurs, désormais, mais une information officielle : par un communiqué, Liverpool explique avoir reçu une demande écrite de la part de Fernando Torres dans le but d’être transféré. «Elle a été rejetée», précise le communiqué du club, ajoutant que «Fernando a un signé un contrat longue durée et Liverpool attend de lui qu’il respecte l’engagement pris avec le club et ses supporters.»

Deux jours plus tard, la nouvelle tombe et fait l’effet d’une bombe. Fernando Torres quitte Liverpool contre la somme de 59 millions d’€. Oui, le chouchou de la ville tourne le dos à ceux qui l’ont choyé, aimé, idolâtré, pour rejoindre Londres et le club rival qu’est Chelsea. L’histoire étant bien faite, le premier match de Torres sous le maillot bleu a lieu contre… Liverpool.

Le 6 février 2011, les Reds se déplacent à Stamford Bridge dans l’espoir de continuer leur remontée au classement (7e). Dirigés par Kenny Dalglish, les hommes de Steven Gerrard débarquent dans la capitale, mais la course à l’Europe paraît secondaire. L’objectif du match n’est pas de viser l’Europe, mais bien d’en sortir avec les honneurs. Torres parti, Liverpool doit gagner.

Chelsea 0–1 Liverpool (GIF réalisé via Youtube)

Le monde du football attendait ce moment. Torres en bleu serrant la main de Gerrard en rouge. Souvent en réussite face à Chelsea, les Reds sortent victorieux de ce choc et peuvent retrouver Anfield la tête haute. Orphelin de son buteur espagnol, Liverpool termine la saison à la sixième place de la Premier League. Les fans ont leur nouveau chouchou : Luis Suarez, leur nouveau numéro sept, débarqué début février sur les bords de la Mersey.

2015 : Le pardon

À l’occasion du match de charité aux airs de jubilé organisé par Steven Gerrard le 29 mars 2015, Anfield s’apprête à vivre un moment qu’aucun fan des Reds n’espérait.

Fernando Torres & Luis Suarez lors du match de charité de Steven Gerrard (GIF réalisé via LFCTV)

Après des années de rancœur, le Kop retrouve son ex-chouchou espagnol le temps d’une mi-temps. Accompagné de Luis Suarez, Fernando Torres retrouve la pelouse sur laquelle il a connu la meilleure période individuelle de sa carrière. Anfield ovationne ses deux anciens attaquants, pour le plus grand soulagement du Niño et du Pistolero. Les chants résonnent à nouveau à la gloire de Torres à Liverpool, qui l’eut cru… Quatre ans après avoir brisé le cœur de millions de fans, l’histoire d’amour aura au moins le mérite de s’être, finalement, bien terminée.

Personne n’oubliera ce qu’a réalisé Fernando Torres sous le maillot du Liverpool Football Club. Sa période ‘cheveux longs-mèches blondes + maillots manches longues’ restera un classique dans l’histoire du football. Seul regret, ne l’avoir jamais vu soulever un trophée avec les Reds. Mais Fernando Torres restera à jamais le “Liverpool number nine”.

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