Plaisirs Minuscules — Une Crêpe

Regina Lankenau
Regina Lankenau | Blog
2 min readAug 22, 2018

--

C’était le dernier endroit où j’imaginais avoir ce que je cherchais. Gris, humide et éclairé par une seule lampe bleue bourdonnante, l’entrée du tunnel du métro passerait inaperçue si ce n’était pas pour la longue file de personnes qui suivaient l’un des établissements à l’intérieur. L’odeur des vieilles cigarettes et des journaux dansait un tango tendu avec la douce odeur du péché mignon emblématique de la France. Une petite flaque de pâte est déposée sur la poêle chaude, une peinture grésillante blanche tourbillonne pour remplir la toile circulaire noire. Comme les épaules bronzées et patinées de ma grand-mère, la couche de pâte se transforme en une peau fine parsemée de taches brunes. Prête à être barbouillé de saveur, à se métamorphoser. Elle peut devenir d’une jeune et innocente combinaison de Nutella à la banane, d’un jambon-emmental plus mature et pratique, ou peut-être, pour la palette plus raffinée, d’un classique simple apprécié à une époque où les complications sont malencontreuses: le citron avec du sucre. Pour moi, j’ai choisi ce premier.

Comme les mouchoirs de poche que mon grand-père pliait avec soin pour la poche de poitrine de son costume, la friandise triangulaire menaçait de renverser son intérieur malgré la distance prudemment mesurée de mes mains autour de sa taille. Il faut mordre rapidement ou risquer de tout perdre. Les vagues de chocolat riche suintaient de chaque pore, recouvrant mes lèvres, ma langue et mes dents comme si un enfant de sept ans venait de découvrir la peinture brune. Puis, tout comme le somptueux cacao devient presque écrasant, un sous-marin jaune de banane perce à la surface. Il a le goût des matins d’été après la pluie, quand vos pieds nus sont froids et saupoudrés de rosée mais que vos épaules et votre nez baignent dans la lumière du soleil tachetée. Mordre dans ces peluches était les étreintes sans fin de ma grand-mère, son menton reposant sur le sommet de ma tête, fredonnant une mélodie sans accord que je ne peux pas sortir de ma tête.

--

--

Regina Lankenau
Regina Lankenau | Blog

It’s the principle of the thing | Assistant Op-Ed Editor, Houston Chronicle | Princeton ‘21