5 façons d’améliorer votre communication d’influence grâce à Alexandria Ocasio-Cortez

Cette semaine, c’était ma première participation à South by Southwest (SXSW), sorte de festival géant qui réunit aussi bien le monde de la tech que celui de la musique, du cinéma, du stand-up ou encore du jeux vidéo à Austin, ville-îlot ultra-hipster et démocrate au coeur du Texas bourrin de nos fantasmes. L’idée, outre boire trop de margaritas et faire de la trottinette électrique, était d’essayer de sentir le futur. Quelles tendances se dégagent dans l’univers de la communication, de la tech, de la politique, des médias.

Jérémie Noël
Reputation Squad
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5 min readMar 15, 2019

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Difficile de ne pas se noyer dans le programme. Chaque heure, on a le choix entre plus de 20 conférences différentes. On choisit un peu au hasard, en regardant les titres. Et le résultat est assez décevant. Que ce soit les médias, le monde de la tech ou de la communication, ils ont beau travailler pour Facebook, Google, le Washington Post, The Intercept, NBC ou R/GA, tous ânonnent un peu les mêmes choses. Beaucoup de constats, peu de solutions. Les sujets reviennent en boucle et on les connaît : intelligence artificielle, vie privée, fake news, recherche de sens et d’empathie…

Et puis vint Alexandria…

Ici, tout le monde l’appelle AOC (pour Alexandria Ocasio-Cortez). Jeune représentante démocrate d’origine porto-ricaine élue dans le 14e district de l’Etat de New York à même pas 30 ans. La nouvelle coqueluche de la gauche américaine tendance Bernie Sanders.

Interrogée par une journaliste toute entière acquise à sa cause et face à une assistance manifestement sous le charme, Alexandria n’était pourtant pas nécessairement dans les conditions idéales pour déployer sa force de conviction.

Comme dans tout bon show, l’intensité est allée crescendo. Sa voix haut perchée surprend au début, sa silhouette un peu frêle aussi. Et puis elle s’affirme, sa voix se fait plus puissante. Tantôt angélique tantôt carnassier, son sourire évoque bien son intention de changer les choses à tout prix. Elle est brillante, sans aucun doute, utopiste.

Dans cette conversation qui tournait majoritairement autour d’une Amérique raciste et dysfonctionnelle, et qui interrogeait surtout les valeurs et la morale, plusieurs éléments donnaient à réfléchir sur la manière de communiquer, d’influencer l’opinion, sur la posture à adopter en tant qu’institution. Bien plus que tous les faux gourous entendus jusqu’ici.

1. La mort du cynisme ou l’ère de l’engagement

C’est son premier combat.

« Depuis quand le cynisme est-il devenu cool ? » demande-t-elle atterrée.

Ce qui est cool, c’est de s’engager, pas de s’en foutre. En cela, elle est une parfaite porte-parole d’une jeune génération qui cherche du sens dans tout : la politique, les loisirs, la consommation, la vie professionnelle. Le sens, ils l’imposent également aux institutions. Entreprises, Etats, associations, dirigeants… Il faut se poser, toujours, la question de ce qu’on apporte à la société.

La mort du cynisme, ce n’est cependant pas la mort de l’ironie qui reste une arme de communication indispensable pour créer du lien, rappeler l’évidence.

2. La bonne foi comme étendard

Elle est directement corrélée au point précédent. Impossible de faire semblant. On est en tout cas beaucoup plus fort, impactant, crédible, influent quand la communication est seconde aux actes.

3. La revendication de son identité

Le biais, c’est la grande idée qui émerge de SXSW. Il a souvent été présenté comme une menace essentielle à mesure que nos vies sont plus régies par des algorithmes d’intelligence artificielle. Le biais, ce sont les logiciels des voitures autonomes qui ne détectent pas les personnes dont la peau est noire, les assistants vocaux qui ne comprennent pas les accents, les modèles d’assurances bancaires qui ont été conçus pour favoriser une classe très précise de la société. Ces biais ne sont pas nécessairement conçus de façon volontaire mais deviennent souvent très vite la cause d’inégalités aberrantes.

Tout en condamnant ce genre de biais, AOC revendique aussi son propre biais, son identité comme origine de ses idées, de ses valeurs, de ses actes. Et elle nous montre qu’il est absurde de chercher la neutralité aujourd’hui. Le biais, surtout en tant qu’organisation, est inévitable et il faut le revendiquer. Ne pas chercher à cacher sa nature, ses motivations, ses enjeux pour communiquer efficacement. Accepter d’être de parti pris.

4. Le temps de la conviction

En politique, comme en communication, une question essentielle est celle de l’opinion. Comment convaincre, comment influencer ?

Ici, c’est plutôt Elizabeth Warren, candidate démocrate à l’élection présidentielle de 2020, qui donne un éclairage intéressant. On ne convainc quasiment jamais sur de grandes idées, on convainc par l’intime. Elle prend l’exemple de son frère, républicain pur jus indifférent à l’égalité homme / femme qui, soudain, quand sa fille est en âge de travailler, trouve insupportable qu’elle n’ait pas le même salaire qu’un homme faisant la même chose. Il s’intéresse, c’est déjà ça. Il s’engagera peut-être.

L’implication principale, c’est qu’il faut connaître sa ou ses cibles, de façon précise et presque individuelle. Les faire parler, les écouter pour comprendre ce qui leur tient à coeur, pourquoi ils pensent ce qu’ils pensent et élaborer comment leur parler. Remettre au coeur de sa communication la conversation, non pour convaincre mais pour comprendre.

“Je ne convaincs jamais personne dans le feu de la conversation” dit d’ailleurs AOC. La conversation sert à questionner, s’intéresser, pousser l’interlocuteur à interroger ses convictions. Il faut ensuite lui laisser le temps de changer d’avis, c’est un processus plus long.

5. L’importance de la base

AOC et Elizabeth Warren, comme Obama en son temps, mettent l’accent sur l’importance de la base. En très simplifié, il s’agit de réunir l’engagement individuel d’une multitude de petits donateurs, une armée de gens qui seuls n’ont que très peu d’influence mais qui, ensemble, permettent de mailler sa sphère d’influence de façon très précise.

En communication, cela résonne avec l’avènement des micro ou nano-influenceurs. A part pour quelques très grandes marques, les gros influenceurs sont hors de portée et dans beaucoup de secteurs, ils n’existent tout simplement pas. L’influence passe donc par la mobilisation d’une multitude de profils plus confidentiels.

Difficile de savoir si Alexandria est une utopiste à la mode ou si elle réussira vraiment à faire bouger les lignes dans son pays mais elle, au moins, cherche des solutions. Sa posture donne quelques idées sur les façons de redonner confiance dans les institutions et les personnes publiques.

C’est amusant, tout de même, de se dire que sans la démesure ridicule, raciste et affairiste de Donald Trump, une figure aussi opposée à ce qu’il représente n’aurait sans doute pas connu une popularité si soudaine.

Illustration de Charlotte Duriez (https://www.instagram.com/charliesfreckles/)

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Jérémie Noël
Reputation Squad

Directeur général / Managing Director @reputationsquad - Communication, crises, web, photos et voyages.