Illustrations : Andrea Caliò

Débat de la primaire : ce que les twittos ont (vraiment) dit sur chaque candidat

Le premier débat des candidats à la primaire de la Belle Alliance populaire a été l’occasion d’étudier le contenu des discussions qui ont animé près de 30.000 internautes sur Twitter. Alors que les éditorialistes sont divisés sur le nom des vainqueurs de ce premier débat, qu’en est-il des twittos?

Alberic Guigou
Reputation Squad
Published in
6 min readJan 16, 2017

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Tandis que Benoît Hamon est jugé “clair” et “convaincant”, la volonté d’Arnaud Montebourg d’être le président du courage est reprise telle quelle par de nombreux internautes. Il existe un consensus sur la posture posée et la concentration de Vincent Peillon qui se distingue des autres candidats par sa prise de hauteur. Pour Manuel Valls, ce sont avant tout ses propositions sur la sécurité ou bien ses actions en tant que Premier ministre qui provoquent des discussions. Un premier classement se dessine.

Les tweets des sympathisants vs. le reste de la communauté des twittos

Si Manuel Valls est associé aux thématiques de la protection, de la République, ou encore de la sécurité par ses soutiens, l’ensemble des internautes le mentionnant évoque plutôt l’article 49.3 de la Constitution, les gauches irréconciliables, ou encore une forme de trahison de la gauche par la loi Travail.

Les partisans de Vincent Peillon ont été nombreux à rappeler le soutien d’Anne Hidalgo, et à reprendre sa déclaration sur la “hauteur” nécessaire dont doit faire preuve la gauche. Les thématiques comme le CICE, l’éducation, l’Europe ou le revenu universel génèrent également de nombreux commentaires. Les discussions globales se cristallisent pour leur part autour “l’incompréhension” que suscite, pour Vincent Peillon, le quinquennat de François Hollande chez les Français ; elles soulignent aussi sa stature ainsi que sa position sur les liens entre François Fillon et Vladimir Poutine.

Les soutiens d’Arnaud Montebourg reprennent ses déclarations sur les banques et l’austérité, ou encore la règle “absurde” que représente la limite du déficit public à 3% du PIB imposée par l’Union européenne. L’ensemble des internautes souligne son patriotisme, sa constance et son expérience, ainsi que sa pensée pour les ouvriers du site industriel de Florange.

Là où les discussions globales évoquent Benoît Hamon sous l’angle de ses propositions relatives à la garantie jeunes, au revenu universel, à l’écologie ou encore à son projet de légalisation du cannabis, ses soutiens relèvent quant à eux les thématiques de l’école, de la sécurité et des emplois. Ils le jugent convaincant et clair, et associent le mot “président” au nom de leur candidat.

Lorsque Jean-Luc Bennahmias dénonce la sous-représentation et le retard en temps de parole accumulé par “les petits candidats”, avait-il connaissance des volumes de conversations sur Twitter? Car sur le web aussi, les “petits candidats” Sylvia Pinel, François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias sont évoqués de manière beaucoup moins récurrente que leurs adversaires, ce qui nous a empêchés d’offrir le même éclairage sur leurs discussions.

Les citations qui impriment

Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont su imposer leurs mots et slogans pendant le débat, en générant ainsi le plus d’engagement des internautes.

De son côté, Benoît Hamon parvient à susciter le plus grand nombre de réactions autour de sa critique d’un attachement irrationnel à la croissance, qui serait partagé par l’essentiel de la classe politique : “On continue à dire cap sur la croissance alors que les inégalités augmentent et que le chômage ne baisse pas”. C’est toutefois la seule citation qui permettra à l’ancien ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire de se hisser parmi les candidats les plus repris par les twittos.

Vient ensuite Arnaud Montebourg qui performe tout particulièrement en début d’émission, où deux citations directement extraites de sa profession de foi figurent parmi les verbatims les plus partagés : “Je veux être le Président de la volonté et du courage” et “Je demande votre confiance pour unir les gauches”. Soulignons que les introductions et les conclusions des candidats correspondent à des moments particulièrement préparés et stratégiques, pensés par les conseillers en communication pour valoriser le positionnement et la personnalité de leur protégé. Une belle réussite pour l’ancien ministre de l’économie, donc.

Qui a généré le plus de conversations?

Si on cherche à comparer le succès des candidats sur Twitter au vu du nombre de mentions de leur nom associé à l’émission, un classement clair se dessine. Manuel Valls, avec un nombre élevé de followers que lui a conféré sa position de Premier ministre (547K followers), remporte la bataille des conversations avec près de 23.439 mentions. Il est suivi par Benoît Hamon avec 17.311 tweets (259K followers), et Arnaud Montebourg avec 16.818 messages (352K followers). Absent de Twitter depuis deux ans (60K followers seulement), Vincent Peillon les talonne avec 13.132 tweets. Les candidats Jean-Luc Bennahmias, Sylvia Pinel et François de Rugy ferment la marche avec respectivement 7.864, 7.588 et 3.569 mentions. Le Parti Socialiste impose donc sans conteste sa domination sur les “petits” candidats de la primaire.

La quantité ne détermine toutefois pas le contenu des échanges, les discussions autour de Manuel Valls en sont une illustration : alors que ses soutiens adoptent naturellement une tonalité positive, les discussions générales voient des souvenirs douloureux pour l’opinion publique resurgir. “49–3”, “trahison”, “Loi Travail”… Autant de messages dont la tonalité sera a fortiori négative. Plus qu’une adhésion, le nombre de mentions relevées correspond avant tout à l’intérêt — positif comme négatif — suscité par la personnalité ou les propositions des candidats.

Méthodologie

En nous basant sur un échantillon aléatoire de près de 55.000 tweets, nous avons tout d’abord étudié la manière dont chacun des candidats est perçu et décrit par les utilisateurs de Twitter. Nous avons ici opéré une distinction importante entre les soutiens affichés — avec des hashtags associés comme #AvecValls ou encore #Montebourg2017 — et le reste de la communauté s’exprimant sur le débat, qui mentionne simplement le nom des candidats ou leur compte officiel.

Entre alors en scène l’analyse sémantique. Notre objectif : déterminer les mots surreprésentés pour qualifier l’un ou l’autre des candidats, en calculant le rapport des cotes des tweets sélectionnés. Ainsi se cristallisent les thématiques abordées par les soutiens, et leurs points d’accord ou d’achoppement avec le reste de la communauté des internautes.

L’analyse a été réalisée sur Python, avec Pandas et Gensim. Après la récupération des 55k tweets (à 11h, le 13/01/2016) via l’API Twitter, les tweets sont classés, lemmatisés et découpés mot par mot. Les hashtags et mentions sont récupérés par une regex, et enregistrés dans une base de données. Le rapport des cotes a été calculé pour chaque mot entre les deux datasets suivants : l’ensemble des tweets contenant le hashtag officiel d’un candidat, contre l’ensemble des tweets mentionnant ce candidat sans ce hashtag. Les noms des candidats variant d’une orthographe à une autre, l’algorithme Word2Vec a été intégré afin de récupérer l’ensemble des dénominations de chaque candidat dans le dataset. Les citations ont été récupérées avec une regex ciblant les textes contenant deux quotes et une mention de candidat. Les citations ignorent délibérément les citations relayées par les comptes officiels des candidats.

Retrouvez l’article sur le JDD.fr.

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Alberic Guigou
Reputation Squad

Co-founder of Reputation Squad, online communications strategies.