Grégoire Ducret, CIO de la Croix-Rouge : « Oeuvrer dans le digital au service de l’intérêt général »

Elyes Khouaja
Reputation Squad
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4 min readFeb 22, 2018
Illustration : Fanny Algeyer

Conseiller politique, entrepreneur digital, délégué général de l’ACSEL — l’Association pour le commerce et les services en ligne — puis consultant en stratégie numérique pour des ONG. A lire le CV de Grégoire Ducret, on devine une fibre politique et digitale mais surtout un engagement social. Trois objets que l’homme intègre aujourd’hui dans sa fonction de Chief Innovation Officer de la Croix-Rouge française. Il incarne de ce fait le “changement” voulu par l’organisation. Mais justement, comment fait-on du social avec du digital ?

Quelles sont vos missions au sein de la Croix-Rouge en tant que directeur de la mission “Stratégie Innovation & Digital” ?

Grégoire Ducret : J’intervenais en janvier 2017 à la Croix-Rouge en tant que consultant avec pour mission de proposer une stratégie pour l’innovation et le digital. Cette mission a duré six mois durant lesquels nous nous sommes interrogés sur la représentation et le sens de l’innovation et du digital au sein de la Croix-Rouge, sur ce qu’il y avait d’existant à cet effet, mais aussi sur la manière dont une organisation qui a plus de 150 ans d’existence peut amorcer une conduite du changement tout en restant fidèle à sa culture et ses valeurs.

La proposition stratégique a conduit à la création, au mois de septembre, d’une direction de la stratégie et de l’innovation au sein de la Croix-Rouge dont j’occupe le poste et qui a aujourd’hui pour mission de conduire cette transformation de l’ensemble de l’organisation.

“Les organisations à but non lucratif ont le devoir de se mobiliser et de saisir la dynamique de l’innovation.”

Quelles sont les trois priorités de votre stratégie ?

Grégoire Ducret : Face à l’augmentation rapide des besoins sociaux et la raréfaction de l’argent public, les organisations à but non lucratif ont le devoir de se mobiliser et de saisir la dynamique de l’innovation pour rendre leurs actions plus puissantes et efficaces. C’est ce que nous essayons de faire à la Croix-Rouge française.

Notre stratégie se bâtit sur trois axes forts : une organisation plus agile, des moyens mieux adaptés à la compréhension de nos publics et de leurs besoins sociaux, et enfin, des modèles d’action repensés pour renforcer notre utilité sociale et notre impact.

Vous prévoyez le lancement d’un accélérateur d’innovation sociale à la Croix-Rouge française. Quels seront ses grands contours ?

Grégoire Ducret : Nous travaillons en effet à la création d’un accélérateur d’innovation sociale pour le début de l’année prochaine. Il sera un vrai laboratoire pour structurer et expérimenter les projets à impact social, tant pour nos salariés et bénévoles, que pour les startups qui interviennent sur nos secteurs.

“Le virage digital a été pris assez tôt par la Croix-Rouge française, en comparaison avec d’autres acteurs.”

En tant qu’entrepreneur digital, comment jugez-vous l’existence numérique de la Croix-Rouge jusqu’à votre arrivée ? Et quel bilan en dressez-vous aujourd’hui ?

Grégoire Ducret : Le virage digital a été pris assez tôt par la Croix-Rouge française, en comparaison avec d’autres acteurs. Dès les années 2000, l’organisation propose un site internet avant-gardiste et évolue sur du mix media pour sortir du présentiel et investir d’autres canaux.
Aujourd’hui, la Croix-Rouge compte 500 000 fans sur Facebook et 350 000 followers sur Twitter. Nous sommes arrivés un peu tard sur Instagram mais nous sommes déjà à 14 000 fans. Tout cela nous place dans le haut du panier des associations généralistes et humanitaires, et nous continuons de développer notre stratégie d’engagement.

Pour son mandat 2017–2021, l’association veut “renforcer sa stratégie d’influence”. Par quoi cela passe-t-il ?

Grégoire Ducret : Nous sommes à la fois sur une stratégie de communication et sur une stratégie d’influence. La mission de l’organisation est de sensibiliser aux besoins sociaux qui existent dans notre société et aux moyens d’y répondre en tant que professionnels médicaux et sociaux, aussi bien par le salariat que par le bénévolat. Nous avons aussi une stratégie éditoriale, avec la publication d’au moins un contenu par jour avec une tendance, depuis deux ans, à créer de plus en plus de formats vidéo. Nous avons, par ailleurs, des taux d’engagements plutôt bons sur tous nos canaux malgré une fibre sociale qui n’est pas forcément sexy.

Aujourd’hui, nous essayons d’aller encore plus loin notamment dans l’accompagnement individuel. La stratégie user centric — se concentrer sur l’individu pour lui apporter le meilleur accompagnement — est déjà dans notre ADN. Nous essayons de retranscrire cela dans dans notre stratégie digitale.

“On dépense beaucoup d’énergie et de moyens pour l’accompagnement du secteur marchand, mais les organisations à but non lucratif sont laissées pour compte.”

Avant de rejoindre la Croix Rouge, vous avez créé RINGO, ou Rock Innovation in NGOs, une start-up digitale pour soutenir des ONG. Parlez-nous de ce projet.

Grégoire Ducret : J’ai créé cette entreprise pour accompagner les organisations à but non lucratif sur ces sujets de l’innovation. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler pour la Croix-Rouge française.Le constat de RINGO était assez simple : on dépense aujourd’hui beaucoup d’énergie et de moyens pour la transformation digitale et l’accompagnement du secteur marchand, mais les organisations à but non lucratif, dont le défi de l’impact est tout aussi important, si ce n’est plus, sont laissées pour compte.

L’enjeu, pour moi, était donc de mettre le digital au service d’organisations à but non lucratif pour les aider à mieux remplir leurs missions et à avoir un impact conséquent. Est venue ensuite la question de mon engagement : poursuivre le conseil et rester spectateur, ou revenir sur le ring pour mener cette stratégie ; ce que j’ai fait en abandonnant ma société pour me dédier à la transformation digitale de cette très belle organisation de sens qu’est la Croix-Rouge française.

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