Illustration : Laura Mussard

Les réseaux sociaux porte-voix du populisme

Comme le montre l’exemple de Donald Trump avec Twitter, les populistes utilisent les réseaux sociaux comme un contre-pouvoir aux médias traditionnels.

Alberic Guigou
Reputation Squad
Published in
4 min readApr 20, 2017

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La force des populistes est d’être parvenus à installer dans les esprits l’idée que ceux dont le rôle était d’exercer un contre-pouvoir, en fournissant à l’opinion une information neutre aux sources variées, seraient aujourd’hui instrumentalisés par des forces occultes. Une idée qui est parvenue à faire son chemin. C’est en effet ce que montrent les enquêtes mettant en évidence l’accentuation de la défiance envers les médias.

Les populistes sont parvenus à créer le doute. Pour eux, les journalistes n’ont plus de légitimité à informer puisqu’ils sont corrompus et à la solde d’actionnaires à la poursuite de leurs intérêts propres. La société n’étant fort heureusement pas prête à mettre ces médias au ban, les populistes composent donc avec eux, à leur manière.

Ils les fustigent régulièrement à la télévision ou à la radio, arguant par exemple qu’ils ne leur accordent pas les mêmes égards qu’à d’autres. Donald Trump n’a ainsi pas hésité à faire de la critique des médias un axe central de sa campagne et de son début de mandat, mettant systématiquement en avant leur « malhonnêteté ». Une bonne raison donc qui pousse les populistes à privilégier les réseaux sociaux et les médias alternatifs leur conférant une visibilité élevée sans avoir à passer entre les fourches caudines des rédactions.

Illusion de proximité

C’est en utilisant Twitter comme un média à part entière que Donald Trump est parvenu à rassembler très largement autour de lui. Pas étonnant que les partisans du Brexit, de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon aient des réflexes similaires et soient parmi les plus mobilisés sur les réseaux sociaux.

Dans une société où la revendication de l’individualité est forte, Facebook et Twitter réussissent là où les médias échouent : ils parviennent à donner l’impression d’une relation directe et d’une proximité entre l’émetteur et le récepteur.

Celui qui s’y exprime paraît ainsi transparent, spontané, et semble délivrer une parole vraie, sans éléments de langage préparés, à l’opposé de ce qu’offre un système organisé et qui apparaît forcément comme manipulateur et corrompu… Cela reste une image superficielle, mais elle rassure, elle séduit.

Ingérence politique

Pour les entreprises, le risque de l’arrivée au pouvoir de populistes est réel : avec un tel pouvoir mobilisateur et la force de frappe de messages prétendument informatifs ne souffrant par nature aucune contradiction, le populiste use pleinement de son pouvoir d’expression, et s’estime légitime à désigner du doigt tout ce qui est contraire à sa vision du monde et de la société.

Donald Trump en a donné une illustration éclatante en imposant à Ford, sous le coup de la menace, de revoir sa copie sur son usine au Mexique.

Le grand-patron-président est intervenu dans un processus de prise de décision stratégique d’une entreprise, et ce dans le pays du libéralisme qui lui a permis de construire sa fortune.

Si la préservation des emplois sur le sol américain peut apparaître comme une bonne nouvelle, l’ingérence de Donald Trump en dit long sur le danger que peuvent représenter pour les acteurs économiques les injonctions de ce pouvoir politique nouveau qui trouve son terreau sur Twitter. En 140 signes, c’est la liberté même des entreprises qui est menacée.

Intégrer les nouveaux usages et les nouvelles attentes

Alors que l’équilibre entre le terrain du politique et le quatrième pouvoir s’est graduellement redessiné, quel poids les entreprises peuvent-elles avoir face à des acteurs politiques si influents dans un écosystème inédit, sans références ni règles ? Aujourd’hui, la plupart des entreprises n’ont pas l’assise suffisante sur Internet pour peser dans le rapport de forces et contrer les attaques populistes ciblées.

La grande majorité d’entre elles sont très peu présentes sur les réseaux sociaux, et pour les autres, elles communiquent souvent mal ou très peu sur leurs projets, leur stratégie « corporate » ou leur culture d’entreprise : aller sur le web ne revient alors qu’à explorer un territoire d’expression supplémentaire leur permettant de mettre en scène leur transparence par des valeurs, des engagements et des actions…

Face aux incertitudes des exécutifs de demain et à cette politique qui commence à se faire en 140 signes, la dimension digitale de la communication de l’entreprise devient capitale.

La force de marques et la puissance commerciale ne suffisent plus à faire face à l’irrationalité des anathèmes des populistes. Il faut totalement intégrer les usages et les attentes des parties prenantes sur internet pour pouvoir répondre de manière audible et mobiliser ses communautés, cela relève aujourd’hui d’une nécessité prophylactique en cas d’attaques ad societatem par le politique.

Cet effort doit être désormais considéré par les acteurs de la gouvernance des entreprises non plus uniquement comme un moyen de visibilité, mais comme un impératif stratégique.

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Alberic Guigou
Reputation Squad

Co-founder of Reputation Squad, online communications strategies.