Illustration : Andrea Mongia

Maddy Keynote : innovation, éducation et santé

Avec des espaces démos dédiés, des tables-rondes et des interventions multiples, la Maddy Keynote, le sommet de l’innovation initié par Maddyness qui se tenait le 17 janvier 2017, a offert l’opportunité à tous les curieux d’explorer ce que pourrait nous réserver l’avenir en matière de santé, de divertissement, d’éducation et d’alimentation. Une injonction, un mot, un chiffre et deux professions.

Emma Bellouere
Reputation Squad
Published in
5 min readJan 19, 2017

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Une injonction :

“Sois connecté, (inquiet), et en bonne santé !”

Les objets connectés sont sur le point de bouleverser notre façon de concevoir et de surveiller notre santé, et risquent de remplacer partiellement la figure d’autorité du médecin prescripteur.

L’injonction à la bonne santé existe déjà et ce, depuis quelques années : chaque jour, nous sommes amenés à être vigilants sur le contenu de notre assiette et à manger au moins “5 fruits et légumes par jour”. Mais ne confond-on pas bien être et santé ? Si le premier est “contrôlable”, la bonne santé est souvent affaire de génétique et d’environnement, deux facteurs sur lesquels vous avez peu d’influence. Pourtant, les objets connectés vous invitent de plus en plus à vous pencher plus en profondeur sur ce qu’il se passe dans votre corps. Cette poursuite effrénée vers le contrôle de sa santé et de son corps a notamment été décriée par le professeur Guy Vallancien de l’Académie Nationale de Médecine : les objets connectés nous donnent la possibilité de collecter des millions de données sur notre corps, mais ils risquent d’instaurer un rapport anxiogène avec nous même, sans oublier l’utilité de savoir combien de pas nous faisons chaque jour.

Toutefois, le monitoring pour tous n’est pas encore d’actualité, du moins en France. Le pourcentage de Français dotés d’un tracker type bracelet ou montre connectés n’est que de 7% et 93% des Français se méfient des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) lorsqu’il s’agit de leurs données de santé*. La méfiance des Français pour la gestion des données de santé par les acteurs privés comme publics reste encore très prégnante, constituant ainsi un frein à l’avènement d’une santé réellement “connectée”.

*source : étude tendances BVA décembre 2016 pour Maddyness

Un mot :

Transhumanisme (n.m) : mouvement culturel et intellectuel soutenant l’usage des sciences et des techniques dans le but d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains.

Le mot sur toutes les lèvres ce 17 janvier était bel et bien “transhumanisme”. Prothèses de main, exosquelettes, vie éternelle, le sujet a fait débat dans toutes les salles, si bien qu’on l’a comparé au fameux “point Godwin” (qui affirme que plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1, ici les terme nazi ou Hitler pouvant être remplacés par transhumanisme évidemment). Si l’homme augmenté existe depuis bien longtemps pour certains des intervenants, d’autres ont largement fustigé la course à la vie éternelle.

Pour certains, la technologie permet de renouer avec des plaisirs aussi simples que de nouer ses lacets : Nicolas Huchet co-fondateur de My Human Kit a ainsi démontré qu’il était possible de produire une prothèse de main bionique en open-source, réplicable à moins de 1000 dollars. Dans la Silicon Valley, d’autres acteurs ont déjà commencé à se pencher sur la régénération d’organes, de techniques anti-vieillissement.

Un chiffre :

35%

Le rêve des étudiants et des jeunes actifs était jadis de travailler dans un grand groupe. 35% d’entre eux veulent aujourd’hui travailler en start-up, et de préférence dans une structure de taille moyenne de 20 à 100 salariés*. Ce changement de mentalité est également visible du côté des grandes entreprises, qui ne considèrent plus les start-ups comme des micro-entreprises, mais comme des sources d’innovation et d’investissement.

* étude JobTeaser, décembre 2016

Deux métiers qui vont changer : médecin et professeur

L’innovation technologique va bouleverser notre quotidien faisant évoluer nos moyens de locomotion, notre nutrition santé et éducation.

Le professeur : de la transmission de savoir au “guide”

Avec l’innovation pédagogique, on a tendance à imaginer un futur dans lequel les élèves ne sont plus physiquement présents en classe, ou dans lequel leur professeur, s’il n’a pas disparu au profit d’un robot ou d’un simple écran, pourrait également prendre la forme d’un hologramme. L’innovation appliquée à l’éducation signerait-elle la fin du métier de professeur ?

Pas forcément. Bien que la transmission de savoir ne se fasse plus exclusivement via un seul canal professeur-élève, son rôle n’en reste pas moins important, même s’il a évolué. Le professeur doit donc réinventer son métier, le transformer. D’une figure autoritaire de savoir, il devient un guide permettant à l’élève d’exploiter son potentiel de créativité et d’ ”apprendre à apprendre”. Par exemple, Alexandre Acou, professeur des écoles a fait de Twitter un outil pédagogique à part entière dans sa classe : il utilise ce réseau social pour faire ses dictées.

Par ailleurs, avec des élèves et des familles équipés en outils informatiques, le rôle du professeur d’école change drastiquement la façon d’appréhender la structure des leçons et des cours et des rôles assignés à chacun. Et si le temps de classe n’était plus celui du silence des élèves, du monopole de la parole au professeur et de la copie studieuse du cours copié sur le tableau ?

Certains acteurs, comme les fondateurs des écoles d’un nouveau genre Open Classrooms ou encore O’clock, affirment qu’un temps optimisé en classe est celui de l’apprentissage en groupe, où les élèves posent des questions et trouvent des solutions ensemble. Plus de travail en groupe permettrait selon eux de lutter contre la peur de l’échec omniprésente dans le système d’éducation français. Voilà qui pourrait permettre d’espérer des résultats plus favorables aux élèves français lors de la prochaine enquête PISA, enquête annuelle sur les performances de systèmes scolaires du monde qui constate le manque d’évolution de la France.

L’avènement du médecin global

Si les objets connectés nous permettent de monitorer, analyser et transmettre nos données directement, on peut se demander légitimement si la consultation et celui qui l’anime, ont encore lieu d’être. Aujourd’hui, 63% des français sont prêts à passer aux consultations médicales en visioconférence*, un chiffre qui a d’abord des implications importantes en termes de réduction de coûts. Selon Eric Sebban, fondateur de Visiomed, le coût des consultations “inutiles” s’élève à plus de 40 milliards d’euros. Les visioconférences permettraient aussi de résoudre le problème épineux des déserts médicaux, en complémentarité avec la transmission de données offertes par les objets connectés.

Le rôle du médecin est bouleversé et avec lui la relation entretenue avec le patient qui devient acteur à part entière de sa santé via l’enregistrement de ses données.

Le médecin ne disparaîtra pas totalement mais deviendra un médecin global : un médecin conseil, une aide à la prise de décision pour le patient, un analyste des données fournies par les appareils connectés. Ne serait-on pas néanmoins à l’aube d’un conflit data vs médecins ? Les patients ne risquent-ils pas de faire plus confiance à leur montre connectée qu’au diagnostic de leur praticien ?

*source : étude tendances BVA décembre 2016 pour Maddyness

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Emma Bellouere
Reputation Squad

Consultante en veille - IEP de Lyon - géopolitique, monde arabe, Afrique, culture(s)