crédits : Pau Gasol Valls

Veille numérique : Bad buzz ou Bulle d’air ?

Chaque jour, sur le world wide web, 500 millions de tweets s’ajoutent à 4,75 milliards de posts et partages Facebook. Nous croulons sous les informations et les contenus, et chaque individu muni d’un clavier veut faire entendre sa voix, qu’il s’agisse d’un retard de train ou d’un avis éclairé sur les réussites économiques d’hommes ou de femmes d’affaires.

Hélène Classine
Reputation Squad
Published in
6 min readJan 23, 2017

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Instinctivement, nous souhaitons maîtriser toutes les discussions à notre sujet. Mais est-ce que c’est vraiment possible ou même souhaitable ? Comment peut-on évaluer la viralité potentielle d’un contenu négatif émanant d’une source peu influente ? Et surtout, que vient faire Barbra Streisand au milieu de votre cellule de crise ?

Pas facile de différencier les signaux faibles annonçant une crise de messages anecdotiques sans influence. Pourtant, l’utilité de la veille e-réputation ou d’image est établie aujourd’hui au sein de toutes les entreprises, qu’elles y aient recours de manière professionnelle ou plus “maison”. Savoir ce que le Web dit de son entreprise, recueillir des KPI sur ses campagnes marketing et de communication, identifier et gérer les crises de réputation sont autant de leviers qui ont convaincu la majorité des professionnels de mettre en place une veille sur le Web. En outre, le suivi des conversations sur le Web est facilité par des outils de plus en plus performants, qui permettent désormais de (presque) tout voir, tout savoir, de la Une du Monde au plus discret post sur un forum quasi inconnu, en passant par les blogueurs et twittos plus ou moins influents.

Tous télépathes ?

Mais est-il vraiment utile et nécessaire de tout voir et de tout savoir ? Si savoir repérer les signaux faibles d’une crise est crucial pour anticiper la communication pertinente à adopter, la haute performance des outils de veille constitue aussi un risque de surinterpréter les conversations collectées et de surréagir par peur du déclenchement d’une crise.

Pourquoi ? Imaginez que votre cerveau soit, tel un outil de veille, capable de lire dans les pensées des gens que vous croisez. Incroyable don n’est-ce pas ? Cela vous permettrait bien sûr d’apprendre énormément, d’adapter votre comportement pour obtenir le job de vos rêves ou gagner le cœur de votre belle-mère. Mais cela vous obligerait aussi à entendre toutes les critiques formulées à votre encontre : le passant qui vous trouve mal habillé, le voisin exaspéré par le bruit, le râleur par habitude, le collègue stressé que vous auriez un peu énervé… Et elles sont nombreuses les petites critiques que l’on pense de manière fugace, mais quotidienne.

Sur le Web, la donne est la même : bénéficiant d’un anonymat partiel, les internautes s’expriment essentiellement pour afficher leur désaccord et leur mécontentement.

Les outils de veille sont les télépathes qui permettent de prendre la mesure de toutes les critiques, des internautes comme de la presse, ce qui de fait est effrayant. Et que l’on soit une multinationale du CAC40 ou une start-up de 10 personnes, les critiques sont toujours blessantes.

Attention à ne pas surréagir

Evidemment, un article négatif dans un grand média, des réactions critiques d’influenceurs sur les réseaux sociaux ou de blogueurs connus, sont autant de publications qui peuvent avoir des conséquences néfastes sur l’image d’une entreprise. En revanche, comment évaluer le pouvoir de nuisance d’un site militant peu reconnu, d’un particulier en colère, d’un troll, d’une association ? Faut-il, par précaution, toujours réagir afin d’éviter toute crise potentielle ?

Inspirez, expirez, et ne paniquez pas. La réaction systématique n’est pas la solution. Pire encore, réagir au mauvais moment peut avoir un effet Streisand — c’est à dire avoir l’effet inverse et ainsi donner de la visibilité à une polémique qui n’en aurait jamais eu autrement. Pour ceux qui n’auraient pas suivi cette histoire, en 2003, la chanteuse Barbra Streisand avait souhaité faire condamner l’auteur d’une photographie de son domaine luxueux pour éviter toute répercussion négative sur son image. Effet pervers, c’est la poursuite en justice qui a attiré l’attention des médias et des internautes sur l’affaire. L’image en question a fini par être bien plus visible qu’elle ne l’était initialement.

Mais alors que faut-il faire ?

1. Evaluez la situation

Prenons l’exemple d’un tweet publié par un utilisateur mécontent d’un service public qui serait aussi membre d’une association militante modérément connue. Posez-vous quelques questions : le tweet concerne-t-il un sujet sensible ou important pour l’entreprise ? Est-ce qu’il appelle les internautes à réagir ? Est-ce qu’il fait part de son souhait d’engager une action juridique ? Le contenu a-t-il du fond ? Partage-t-il une information avérée et pertinente ? Le support sur lequel le contenu a été publié joue aussi un rôle majeur : un tweet ou un article est plus simple à partager qu’un post de forum par exemple, de même qu’un visuel générera en moyenne plus de reprises.

Et une méthode plus subjective qui permet de prendre du recul : qu’elle aurait été votre réaction à la publication si vous étiez un internaute lambda ?

2. Faites votre enquête

Puis, menez des recherches rapides mais plus approfondies sur la visibilité réelle du contenu négatif identifié, cela afin d’évaluer l’influence véritable de la source et, par ricochet, du volume de reprises potentielles. Vérifiez le référencement Google de la publication, de sa source et/ou de son auteur. Apparaît-elle dans les actualités lorsque l’on fait une recherche sur votre entreprise ? Ou sur la thématique associée ? N’oubliez pas d’estimer l’audience de la source ou de l’auteur. Un site militant aura tendance à entraîner des réactions et des partages, mais la plupart du temps par une audience restreinte déjà acquise à leur cause. Dans le cas d’une association, il est important de s’intéresser à ses actions ainsi qu’aux organismes et/ou personnes qui en sont membres.

3. Prenez une décision (rapidement)

Réagir ou ne pas réagir …telle est la question. Les recherches réalisées doivent en effet permettre de prendre une décision quant à l’attitude à adopter face au contenu problématique. Gardez en tête que la prise de parole directe renforce la visibilité du contenu, car votre entreprise dispose d’une notoriété bien plus importante que l’auteur de la publication gênante. Mais en ne répondant pas, vous risquez d’énerver celui ou celle qui vous attaque, ce qui pourrait amener plus de messages.

Nos 5 conseils :

A mesure que les outils de veille gagnent en efficacité, il devient primordial de rester objectif et d’être capable d’identifier parmi ces conversations négatives celles qui représentent un danger réel pour la réputation d’une société. Si l’outil identifie un tweet, cela ne signifie pas que l’ensemble du Web l’a vu.

Réagir au mauvais moment peut avoir l’effet inverse de celui souhaité. Ne provoquez pas d’effet Streisand, où votre réaction donne de la visibilité à ce que vous souhaitiez cacher. Anticipez les conséquences de votre réaction.

Même si chaque situation est unique, et que chaque réponse — ou non-réponse — doit l’être aussi, certaines situations appellent clairement à une réaction : en cas de fausse rumeur ou de diffamation, il est presque toujours pertinent de publier un démenti afin de rétablir la vérité.

Si la durée de vie moyenne d’un post Facebook est de 14h42, sur Twitter ou en homepage de Reddit un post ne survit en moyenne que 4h04. Une actualité en chasse toujours une autre, surtout sur le web. Ne tardez pas à réagir, si vous le faites.

Dans la vie comme sur le Web, on n’empêchera jamais le voisin de râler et le passant de s’énerver. Toutefois dans la vie comme sur le Web, un comportement exemplaire et la construction sur le long terme d’une image de soi positive et maîtrisée permettent la plupart du temps d’éviter les polémiques ou à minima de contrebalancer les critiques et ainsi d’en limiter les conséquences.

Retrouvez l’équipe du pôle Veille de Reputation Squad.

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Hélène Classine
Reputation Squad

Consultante @netintelligenz - communication, e-réputation, veille stratégique