Pourquoi la Pensée Conceptuelle Fondée sur l’Équité est la Clé de la Décolonisation de l’ESU

Jess Oddy ( she/her)
Design For Social Impact
15 min readApr 27, 2021

La politique de production du savoir et dont le savoir compte est au cœur de l’éducation. M’adressant à des collègues qui ont étudié l’éducation et le développement international à l’université, malgré ces diplômes axés sur l’éducation dans les terres autrefois colonisées et les nations coloniales, leurs listes de lecture faisaient rarement référence au racisme, à la colonisation, aux penseurs de l’éducation critique comme Bell Hooks, Paulo Freire, Ngũgĩ wa Thiong’o ou aux érudits décoloniaux comme Franz Fanon. Les initiatives éducatives des dirigeants africains postcoloniaux telles que l’éducation de Nyerere pour l’autonomie en Tanzanie, les plans d’éducation de Nkrumah au Ghana et les systèmes de savoirs autochtones contemporains, comme la philosophie communautaire de l’éducation Ubuntu en Afrique australe, étaient absents des programmes. De mon propre parcours éducatif, ce n’est que lorsque j’ai eu l’occasion de passer un an à l’Université de La Havane, avec des étudiants d’Haïti, de Cuba, du Vietnam, des Territoires du Sahara occidental, du Mexique, de la Bolivie et du Brésil (dont beaucoup étaient bénéficiaires de bourses) que j’ai appris à quel point mon éducation et ma compréhension du monde avaient été biaisées et restreintes. J’ai vu de mes propres yeux la longue histoire de l’humanitarisme cubain et sud-sud et je me souviens de mon colocataire haïtien, m’enseigner sur la révolution haïtienne et comment le peuple haïtien continuait de payer une dette à la France depuis, pour avoir eu l’audace de renverser leurs esclavagistes. L’aide humanitaire semble très différente avec ce récit plus large.

Comme le souligne Chimamanda Ngozi Adiche, le danger d’une histoire unique est « qu’elle prive les gens de leur dignité. » Il ne fait aucun doute qu’une vue limitée de ce qui constitue la connaissance contribue à perpétuer une certaine façon de penser, de faire et de comprendre le monde. Il est plus que déconcertant que ces universités d’élite, situées majoritairement au Nord, où la majorité des masters en éducation et développement international est enseignée (et positionnent la prochaine génération de praticien·ne·s et de dirigeant·e·s), sans une compréhension de la dynamique du pouvoir en jeu ou que l’aide, l’éducation et la recherche ont été « complices de l’esclavage, du colonialisme et du racisme, de manière plus ou moins visible » aujourd’hui (Tuhiwai- Smith, 1999). Après tout, ce que nous apprenons est ce que nous pratiquons et ce n’est qu’en découvrant ces histoires alternatives de l’éducation et du développement international que nous pouvons « renverser les relations coloniales de hiérarchie, de dépossession, d’exclusion et de subordination » (Okech et Underhalter, 2020).

Pensée décolonisée / décoloniale — que signifient réellement ces termes ?

En 2020, le terme décolonisation était omniprésent, en particulier dans l’aide, avec des appels à perturber les approches opérationnelles actuelles, à repenser la « localisation » et à recadrer le financement sous forme de réparations. S’il n’y a pas de définition unique, la plupart des chercheurs et chercheuses décoloniaux conviennent que les relations coloniales de pouvoir continuent de se manifester dans les inégalités mondiales contemporaines en termes politiques, économiques et socioculturels, qui se reflètent à leur tour dans les hiérarchies des systèmes contemporains de production de connaissances. Mais Linda Tuhiwai Smith souligne que nous devons « reconnaître que la décolonisation est un processus à long terme et multiforme, impliquant le désinvestissement bureaucratique, culturel, linguistique et psychologique du pouvoir colonial » (Tuhiwai-Smith, 2010: 33).

Si les réponses d’ESU standard étaient conçues à partir d’une base équitable, elles seraient décoloniales par défaut.

Il est si important qu’en tant que tendances « décolonisantes », on n’oublie pas pourquoi ces discussions ont lieu maintenant. Nous entretenons ces discussions aujourd’hui dans le sillage de George Floyd, Breonna Taylor et des milliers de personnes Noires qui ont été soumises à la brutalité policière, à la violence raciste et à la lutte anti-noir, qui est enracinée dans les héritages de la colonisation. L’ampleur du colonialisme était telle, que le meurtre de George Floyd a incité les gens du monde entier à se montrer solidaires et à remettre en question leurs propres expériences contextualisées du racisme et de l’oppression dans plus de 60 pays sur les sept continents. La pensée décoloniale, selon des universitaires activistes comme Silvia Rivera Cusicanqui, Eve Tuck et K. Yang, soulignent que la « vraie » décolonisation doit être liée à une action directe pour interroger et transformer les héritages institutionnels, structurels et épistémologiques du colonialisme.

Bien qu’il y ait des critiques valables de la « déconolisation » et que le terme ait été coopté par les agences d’aide, toujours optimistes, je crois qu’en tant que concept, il pousse à ouvrir des discussions attendues depuis longtemps, ce qui, espérons-le, conduira au changement. Alors que l’éducation et le milieu universitaire / de la recherche ont des histoires controversées sous les empires coloniaux, les deux ont également contribué aux mouvements et à l’activisme antiracistes et décolonisants. Il est temps que le secteur de l’éducation et du développement international /de l’ESU, en particulier les agences et les praticien·ne·s, occupent des positions de pouvoir pour réfléchir à où et comment leurs pratiques maintiennent les hiérarchies de pouvoir, qui peuvent en partie être influencées par le passé colonial

La décolonisation en tant que processus vers une Éducation fondée sur l’Équité

Dans l’éducation, le travail d’équité repose sur un examen de la manière dont les politiques, les pratiques et les structures fonctionnent avec des facteurs tels que le pays d’origine, la langue, l’âge, l’ethnicité, la race, le genre, la parentalité, l’orientation sexuelle, le statut migratoire, la classe et les capacités ou non à limiter ou à exploiter l’accès à l’apprentissage. Si le secteur ne « voit » pas ces tensions ultra locales et ces atouts communautaires, il ne peut pas remédier aux inégalités ni reconnaître l’ensemble diversifié de besoins, de capacités et de réseaux de soutien qu’apporte la diversité.

Prenons, par exemple, le contrôle problématique de l’équité dans l’éducation et le développement international qui est le centre et le cadre de la « crise mondiale de l’apprentissage », qui perpétue cette idée selon laquelle l’apprentissage ne se fait pas en dehors de la salle de classe, au pire, dévalorisant les compétences et les connaissances locales, et les compétences que les enfants apprennent dans et de leurs communautés et / ou pratiques spirituelles. Ce déficit dans le récit diminue ce que Tara Yosso qualifie de richesse culturelle communautaire et fait écho à ce que Mignalo appelle la « matrice coloniale du pouvoir. »

Bien sûr, le fait que 773 millions de personnes dans le monde ne possèdent pas les compétences de base en lecture et en écriture est très préoccupant, mais depuis des décennies, les adultes et les jeunes demandent des opportunités d’apprentissage post-primaire dans les situations d’urgence. Les donateurs et les ONG internationales n’accordent pas toujours la priorité à cet aspect et nous en voyons le coût aujourd’hui, pendant la pandémie, car de nombreux parents ont du mal à soutenir le développement de l’alphabétisation et de l’apprentissage du calcul chez leur(s) enfant(s). Pour moi, la plus grande crise d’apprentissage est que, personne se trouvant dans une position de pouvoir ne semble écouter. Intégrer activement l’équité, de la conception au relèvement, « conduirait sans aucun doute à une réponse différente à des problèmes complexes tels que la crise de l’apprentissage mondiale. » Pour que cela se produise, il ne suffit pas de diversifier le programme, mais les personnes les plus touchées par les crises doivent jouer un rôle de premier plan dans la phase de conception.

En tant que praticienne, je suis intéressée par la mise en pratique de la théorie. Alors que la réforme multilatérale et le changement des modèles actuels de financement humanitaire sont finalement ce qui est nécessaire pour un changement systémique, chaque agence pourrait ajuster la façon dont elle élabore des programmes — et ce petit changement a le potentiel de transformer l’aide. La conception et la mise en œuvre de programmes d’aide sont une fonction essentielle de la majorité des organisations humanitaires et c’est donc dans son processus que l’ESU doit être revisitée pour entamer son parcours décolonial fondé sur l’équité.

Intégrer l’équité dans le cycle de conception des programmes

Premièrement, le cycle du programme humanitaire façonne le processus de la plupart des interventions. Alors que les projets commencent par une évaluation des besoins, c’est souvent le seul point de consultation avec les populations affectées lors de la conception du projet. Avec ces données, des programmes sont développés, mais que se passe-t-il si l’analyse de la situation est erronée ? Ceci est similaire à la pensée conceptuelle traditionnelle où Hill, Molitor et Ortiz notent que « tout en s’engageant avec les utilisateurs finaux, de nombreuses formes de pensée conceptuelle considèrent toujours le concepteur comme séparé de l’utilisateur et accordent au concepteur le pouvoir dans la relation — le pouvoir de décider avec qui faire le travail d’empathie, le pouvoir d’interpréter les résultats, le pouvoir de décider de la formulation du problème et le pouvoir de choisir la meilleure solution. »

Dans un contexte humanitaire, le fait de devenir un « concepteur » ou un « expert » est souvent lié aux hiérarchies coloniales du savoir. Wale Ofisun considère que « l’intersection entre la race, le genre, la classe sociale et le passeport que vous détenez, détermine comment vous êtes valorisés dans le secteur et si vos idées seront prises au sérieux ou non. » En raison des dynamiques de pouvoir inégales qui façonnent les ONG, l’ONU et les acteurs locaux, les partenaires d’exécution ont très souvent une marge de manœuvre limitée pour être inclus dans toutes les phases de la conception du projet, pour négocier les budgets et fournir des commentaires critiques sur le rôle de l’agence d’exécution dans le projet. Ces déséquilibres de pouvoir « peuvent conduire à des malentendus, au sentiment d’être traité injustement, à des frictions et à un manque de confiance. » Même le terme « expert » véhicule des hypothèses non déclarées selon lesquelles il s’agit de deux groupes distincts, des hypothèses sur leurs rôles et responsabilités et des hypothèses sur les capacités. Et c’est là que les inégalités en matière d’éducation commencent, car, alors que les acteurs et actrices de l’ESU tentent de concevoir des programmes inclusifs, les bonnes personnes ne sont pas toujours dans la salle, ce qui est particulièrement préjudiciable dans les contextes où il y a résistance et suspicion à l’égard des systèmes éducatifs « extérieurs. » L’implication de la communauté dans les interventions de l’ESU n’a rien de nouveau, la Norme Minimale 1 de l’INEE sur la participation de la communauté stipule que les communautés doivent être incluses au cours du cycle du programme. Si toutes les réponses de l’ESU appliquaient cette norme, elles perturberaient par défaut l’héritage colonial du travail d’aide, remettraient en question les hypothèses sur les connaissances qui importent vraiment, et embrasseraient les « possibilités d’autres modes d’être, de penser, de connaître, de sentir et de vivre » (Mignolo & Walsh, 2018 : 18). Il faut commencer à voir le « processus comme un produit. »

La pensée conceptuelle fondée sur l’équité, et une structure en particulier ÉquitéXConception cherche à remettre en cause la notion d’expertise par l’utilisation d’une pratique qui combine la conscience du travail avec équité raciale avec la méthodologie de la pensée conceptuelle pour mettre en lumière le racisme et l’iniquité -individuelle, structurelle et institutionnelle- qui existe chez les individus impliqués dans l’équipe de conception (et façonne potentiellement la façon de voir les problèmes et les propositions de solutions).

En matière d’éducation, l’équité signifie que chaque apprenant·e et enseignant·e reçoit ce dont il/elle a besoin pour développer l’intégralité de ses potentiels académique et social. La pensée conceptuelle fondée sur l’équité implique l’inclusion dès le début de la conception du programme, ce qui signifie co-concevoir les types de changements dont ils et elles rêvent pour les apprenant·e·s et les enseignant·e·s en mobilisant les compétences de l’intérieur, parmi les enfants, les familles, les enseignant·e·s et les directeurs d’établissement scolaire dans leurs communautés. (IDEO, 2020)

Cette approche contraste avec le statu quo des évaluations rapides des besoins à la dernière minute, souvent symbolique pour répondre aux exigences des donateurs, qui peuvent façonner beaucoup de phases de conception initiales du programme d’éducation et de développement international.

Application des principes d’Équité X Conception à une intervention de l’ESU.

La Conception en Marge

Tout d’abord, si les interventions en matière d’éducation étaient conçues en marge, il n’y aurait pas de personnes laissées pour compte. La conception basée sur l’équité amène les praticien·ne·s à se poser les questions suivantes :

  • Qui est présent à chaque étape du projet et pourquoi ?
  • Qui peut donner son avis lors de la formulation d’un problème, ou même décider qu’il s’agit d’un problème ?
  • Est-ce que les personnes concernées participent aux prises de décision, et si ce n’est pas le cas, quels sont les autres moyens existants pour qu’elles puissent avoir leur mot à dire ?
  • Les acteurs et actrices de l’éducation doivent placer ceux et celles qui sont en marge en tant que meneurs dans le processus de conception et en tant qu’expert·e·s de leur expérience, ce qui signifie qu’il faut s’assurer que les personnes avec un handicap, les groupes ethniques/linguistiques et autres minorités, ceux et celles avec des considérations relatives au sexe etc., soient impliqués au cours du cycle du programme, et doivent déterminer quels seront les indicateurs clés de la réussite.

Commencer par Soi

Tous les concepteurs de programme, qu’importe leur âge, race, appartenance ethnique, nationalité et autres caractères multidimensionnels, doivent prendre conscience des préjugés des individus et des leviers de privilèges qui nous permettent ou non de voir les choses. La pensée conceptuelle fondée sur l’équité requiert que toute personne engagée dans la conception d’un programme de :

  • Faire une introspection pour savoir comment on en est arrivé là.
  • Faire une introspection sur son positionnement (liée au privilège et/ou à l’oppression) dans tous les aspects de son identité (par ex. la race, la classe sociale, le sexe, la nationalité, le caste, la religion, la langue, l’in/capacité) et comment les leviers de privilège peuvent dominer les processus de conception.
  • Demander aux personnes impliquées dans l’équipe de conception du projet si elles connaissent réellement l’importance des coutumes et pratiques en jeu des enseignant·e·s, étudiant·e·s, et des expériences éducationnelles des membres de la communauté ? (et en quoi ces pratiques fonctionnent entre elles pour inclure ou exclure ?)

Céder le pouvoir

La pensée conceptuelle fondée sur l’équité revendiquent que celles et ceux qui sont en marge de la société devraient avoir le plus de poids dans le processus de conception. Le transfert du pouvoir n’exclut pas nécessairement toute personne qui n’est pas directement impactée par le problème, mais requiert une assistance pour repenser radicalement les rôles « experts », la reconnaissance du « processus en tant que produit », le transfert du pouvoir si nécessaire, et l’écoute. Pour l’ESU cela pourrait impliquer de :

  • Faire un exercice d’évaluation de pouvoir au début et tout au long du cycle du programme. Ce n’est qu’un des nombreux outils disponibles.
  • Mettre en place des engagements mesurables et limités dans le temps en 2021 pour modifier le pouvoir dans les structures de gouvernance mondiale. Tous les groupes de travail inter-agences, les hubs d’ESU, et les groupes de présentations de haut niveau internationaux devraient faire preuve d’une représentation, d’une institution, et de leadership divers, en particulier dans des contextes touchés par des crises.
  • Diversifier les financements et la mobilisation des ressources en prenant contact avec des réseaux horizontaux, les communautés de la diaspora, les initiatives philanthropiques régionales et nationales.
  • S’intéresser à qui définit les agendas de plaidoyer, au degré d’implication des décideurs et professionnels régionaux, nationaux et internationaux dans la prise de décision quant aux priorités, et comment les populations touchées par des crises sont-elles encadrées ou “altérées” par ces appels ?
  • Établir des groupes de conseil stratégique (ou des traditions d’action de la communauté locale) qui sont composés de différentes parties prenantes ultralocales et nationales pour toutes les interventions et s’assurer qu’ils jouent des rôles importants dans la saisie, l’examen, le contrôle et le changement des programmes de l’ESU.

Rendre visible l’invisible

Les facteurs tels que le type d’urgence, les déplacements, le pays d’origine, l’handicap, la langue, l’appartenance ethnique, la race, l’orientation sexuelle, la parentalité, interagissent avec le sexe et l’âge et influencent les expériences de l’éducation en situations d’urgence. Pour s’assurer que les programmes de l’ESU soient totalement inclusifs et prennent en compte les personnes qui ont le plus de risque d’être laissés pour compte, il faut prendre en compte les éléments suivants :

  • Y a-t-il des voix, histoires, formes d’expression et de connaissance, absentes ou tues dans l’intervention de l’ESU ? Pourquoi sont-elles tues et comment faire pour leur redonner la parole ?
  • S’intéresser aux langues utilisées au cours du cycle de conception du programme, des réunions de coordination clusters, des événements de haut niveau en ligne, des wébinaires, et faire des ajustements (et budgétiser) pour permettre à toutes et tous de participer de manière significative.
  • Illustrer et reformuler ce que signifie « partenaire opérationnel ». La co-création, la reconnaissance de rôles distincts, et le dialogue existent-ils concernant la rémunération et les budgets équitables ?
  • Les partenaires nationaux, les organisations communautaires, ou les programmes dans le média social du « principal organisme », le plaidoyer et la communication sont-ils visibles, et si ce n’est pas le cas, pourquoi ?

S’adresser à l’Avenir

  • Mettre en place une équipe de travail spécialisée inter-agences pour remédier à l’iniquité dans le secteur, qui existe dans presque chaque sous-thématique de l’ESU mais quand on aborde le racisme et la décolonisation des structures, c’est le silence et l’inertie.
  • Militer pour les changements que les communautés veulent aujourd’hui. Il pourrait s’agir de s’attaquer à la question des “incitations” au niveau mondial, de mettre au défi les donateurs qui refusent de financer des projets d’éducation post-primaire en leur montrant avec des preuves de ce qui fonctionne ou d’investir dans des initiatives telles que les stages pour enseignant·e d’adolescent·es pour remédier au manque de femmes parmi les enseignants.
  • Éviter les solutions de secteur unique, propre à un organisme, et à court terme, en admettant que les crises sont multicouches et systémiques, et que les programmes d’éducation durables vont avoir besoin de réponses multisectorielles.
  • Collaborer et participer à la conception de la recherche, des programmes et des stages avec les universités et les instituts de formation des enseignant·e·s dans des contextes affectés par des crises (et ne pas automatiquement assumer qu’ils et elles ont besoin d’un développement des compétences). C’est de là que doit venir la prochaine génération de leaders nationaux de l’ESU.

Pensées conclusives

Un jour, j’ai visité un camp de réfugiés en Éthiopie pour lequel une organisation avait reçu une énorme somme de financement afin de développer un programme de développement de la petite enfance dans plusieurs camps de réfugiés. Au lieu de construire des structures Tukul communautaires, près des quartiers communautaires, l’organisation a choisi des structures de tôle ondulée, moins chères et plus rapides à construire. Alors que les températures dépassaient les 45 degrés, les structures sont devenues inutilisables après 10 h du matin, et les familles, qui étaient déjà réticentes vis-à-vis du type d’éducation que leurs enfants allaient recevoir, n’ont pas voulu que leurs enfants en bas-âge traversent le camp pendant la journée.

Quelles différences verrait-on dans ce programme s’il avait été conçu équitablement, avec un plus grand nombre de parties prenantes ? Pour commencer, il serait beaucoup plus durable si un investissement et des ressources avaient été alloués pour l’implication des membres de la communauté dès le début de la conception du programme, car près de 20 ans après le déplacement initial, le camp tient toujours debout, et pourtant les organisations continuent de concevoir les interventions au nom de la population.

Quasiment tous les programmes de l’ESU incluent les associations d’enseignant·e·s et de parents d’élèves, des clubs de droits de l’enfance, et des personnes qui mobilisent pour la rentrée scolaire/agents communautaires. Ces gens doivent être présents lors de la conception et tout au long du cycle du programme car le prix à payer de leur exclusion est incommensurable. En aucun cas les suggestions ou même le cadre conceptuel basé sur l’équité n’est exhaustif, je souhaite plutôt que ce blog soit une invitation à l’action tangible et pratique et le point de départ des professionnel·le·s, de leurs réflexions, leurs discussions, leurs défis, et que cela leur permettent de réfléchir à la manière dont ils et elles peuvent pallier à l’iniquité et comment le montrer dans leur travail. Je suis certaine qu’il existe des exemples de réponses de l’ESU totalement inclusives et basées sur l’équité, comme le projet REFLECT au Mozambique qui tisse avec succès les connaissances indigènes, les activités génératrices de revenus, la co-création aux côtés de la communauté, et la collaboration avec les autorités pédagogiques pour faire évoluer l’éducation des jeunes et des adultes. J’invite les professionnel·le·s à partager leur opinion et leurs suggestions ici, car c’est seulement grâce à une volonté de changement des « gardiens » actuels que le changement sera systémique.

Pour finir, 2020 a été une année de déclarations, de carrés noirs et d’engagement qui s’adressent au secteur social du futur qui devrait totalement repenser la prédominance du racisme, les inégalités de pouvoir, et l’iniquité, et y remédier. La décolonisation est de l’antiracisme en action, et grâce à son engagement d’inclusion totale, elle bénéficie à tout le monde. Si le secteur s’engage pour l’équité, celui-ci doit attaquer de front (et se mettre au travail) la décolonisation de ses pratiques.

Jess a passé les dix dernières années sur le terrain pour l’ESU. Elle est aspirante au doctorat en sociologie à l’Université de Londres-Est. Elle focalise sa recherche sur les diverses expériences inter-sectorielles des jeunes dans l’éducation en situations d’urgence et si les pratiques contemporaines de l’Éducation en Situations d’Urgence renforcent les héritages coloniaux.

Les vues exprimées dans cet article sont celles de l’auteure.

Footer menu

--

--

Jess Oddy ( she/her)
Design For Social Impact

Disruptive Designer. Strategist. Researcher (Critical Youth Action Research, Education, Forced Migration, and Digital storytelling).