Ces gens revenus d’ailleurs

L’expérience politique d‘une minorité sans conscience d’elle-même

Anne-Laure Frite
Retour en France
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13 min readJul 10, 2017

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Il y a un malaise évident autour de la dénomination de la mobilité occidentale, pour ne pas dire blanche.

Les expatriés assument (ou pas), les immigrés se défendent bien d’être des “expats”. Les étudiants n’ont pas trop de question à se poser car leur statut est temporaire et universellement reconnu, tandis que les voyageurs itinérants, parfois travailleurs, parfois non, flirtent avec les limites d’un monde mobile qui va trop vite pour les définitions juridiques. On peut être Digital Nomad et bouger sans arrêt, entrepreneur sédentaire ailleurs, souvent collectionneur d’expériences multiples, dans plusieurs pays et dans plusieurs contextes. Les demandeurs d’asile et réfugiés eux, bougent sous la contrainte et se savent dépourvus de pouvoir dans ce monde étatisé et “frontiérisé” où ils incarnent la menace absolue.

La catégorisation statistique et juridique de la migration montre ses limites pour lire la complexité actuelle des flux migratoires et ses enjeux politiques.

“Habitués à envisager la France comme un pays d’immigration, nous sommes mal armés vis-à-vis du phénomène de l’émigration. L’appareil statistique ne nous renseigne en rien sur cette émigration qu’il ignore sous l’emprise d’un sens commun selon lequel les Français ne quittent jamais définitivement leur pays mais s’expatrient (temporairement)” — Hervé Le Bras, démographe, mars 2008.

Je n’avais pas vraiment compris le sens profond des réflexions sur les enjeux de pouvoir à l’époque de mes études en sciences humaines. Pourtant j’en ai bouffé : sociologie du racisme, territoires et pouvoirs, espace et minorités, anthropologie des inégalités, ségrégation raciale : ségrégation spatiale… Tout ça restait très théorique pour moi car je manquais de recul et peut-être tout simplement, de maturité.

J’en saisis profondément la teneur seulement aujourd’hui, après avoir expérimenté moi-même, dans une certaine mesure, ces rapports de pouvoir en lien avec l’existence politique des communautés et leur “droit d’exister” (ou pas) dans un pays ou un autre.

Des grandes tirades dramatiques sur “l’exil des forces vives” aux plaidoyés agressifs pour la reconnaissance de l’émigration française, on voit bien que la question remue les entrailles d’une identité nationale pleine de courants d’air. La question de la migration en France manque surtout d’analyses apolitiques, transdisciplinaires et construites. Tout ça parce que nous manquons cruellement de données pour des raisons de choix politique, mais aussi d’un cadre de pensée qui permette une analyse à la hauteur de la complexité des enjeux. On s’évertue en outre à étudier d’un côté les immigrés en France, et de l’autre les Français à l’étranger, au lieu de développer des outils communs aux deux problématiques qui sont beaucoup plus liées qu’on ne le conçoit actuellement. Dans tous les cas nous parlons d’appartenance, de mobilité, de symboles, de représentations, d’allégeances culturelles métissées, d’identités transnationales voire a-nationales.

Il ne pourra donc y avoir de vrai combat politique sur la réalité de “ceux qui bougent” que lorsque cette pensée-là sera construite et étayée par des données que nous refusons de récolter sur les trajectoires migratoires, l’ethnicité, l’appartenance, les allégeances symboliques, les loyautés culturelles. Encore faut-il développer les outils théoriques qui permettront une analyse humaniste, pointue et juste de toutes ces données pour le bien commun.

Je n’ai par ailleurs trouvé aucune réponse satisfaisante à mes propres questionnements dans toutes ces tribunes ultra-politisées, souvent partiales, produites par une poignée d’experts, qui n’accordent pas vraiment d’importance aux récits et aux constructions identitaires des êtres et des familles à travers l’expérience migratoire. On y traite le migrant, l’immigré et l’expatrié comme du bétail, qu’il faudrait dans un cas trier et repousser, dans l’autre trier puis intégrer (ou pas), et dans le dernier faire revenir à tout prix. C’est encore un combat d’intellos, un débat de “ceux qui savent mieux que” qui n’invitent pas les premiers concernés à débattre avec eux.

Un débat que ceux qui vivent l’expérience ne se sont pas encore appropriés pleinement. Et pour cause, ils ne peuvent pas. Leur “cause” et donc leur identité n’existe pas encore, comme celle des femmes au début du siècle dernier et comme celle des homosexuels il y a un demi-siècle. Tout au plus a-t-on le droit d’exister par communauté culturelle (les immigrés vietnamiens, chinois ou sénégalais) ou religieuse. Et encore. Pourtant il est bien question des transnationalisme et d’a-nationalisme, de plus en plus. Il est temps de dépasser les limites de l’inter-culturel pour parler de quelque chose de plus grand. Les identités mondialisées frappent depuis longtemps à la porte des Etats-nations, il va bien falloir les adresser un jour.

Je pensais il y a trois ans m’atteler à un sujet relativement simple en démarrant un site, un livre et une communauté pour faciliter le retour en France de mes compatriotes. La démarche était naïve et partait d’une bonne intention qui trouve une forme d’utilité encore aujourd’hui, pour rompre l’isolement et faciliter les aspects administratifs du retour. Petit à petit l’entraide s’est mise en marche, bien qu’on ne m’ai pas attendue pour réfléchir à la question. Le sujet est devenu plus ouvert, peut-être un peu plus concret, palpable, illustré par des centaines de cas concrets documentés sur les média sociaux, avec toutes les limites que cela comporte. Finalement je n’ai fait que créer un petit espace sécuritaire d’expression où il reste toutefois difficile de parler d’autre chose que de cartes vitales et de soutien psychologique. C’est déjà beaucoup ! Mais je commence à en voir les limites, au regard du projet militant que je portais jusqu’alors sans le savoir.

Il faut aller plus loin.

La plupart des entreprises, médias et divers sites qui traitent de ce “thème” n’en font justement pas un vrai sujet. Tout est superficiel, dispersé, sans aucun égard ni intérêt pour l’usager, ou même l’humain, dans tous les sens du terme. On y parle chiffons, “comment faire pour échanger son permis de conduire étranger” ou bien encore “Comment faire pour positiver son retour?”, avec de belles infographies sur le camembert et la sécu. Toutes les interviews que j’ai eu l’occasion de donner pour divers médias en 2016 et 2017 sur le “retour d’expatriation” m’ont laissé comme un arrière-goût de fadeur, sauf peut-être celles de France Culture et de Radio Canada, un peu plus documentées. J’ai eu l’impression de ne parler que de la surface, jamais du vrai coeur du sujet. Pour tout dire, ces mots “retours d’expatriation” m’écoeurent. Ils ne font que recouvrir d’un vernis opaque une réalité bien plus profonde qui s’en trouve dissimulée.

J’ai éprouvé pendant des mois (et j’éprouve encore) une nausée vertigineuse à voir ma souffrance intérieure, bien réelle, traitée comme un vulgaire sujet de magazine à salle d’attente sur la toile. Je souffre encore aujourd’hui de voir des gens qui n’osent pas se dire, ne peuvent même pas reconnaître envers eux-même le décalage qui les habite, de peur d’affronter la violence des réactions et des rejets.

L’expatriation est un sujet trivial en France, point. De même que l’immigration des Français n’est pas un sujet du tout, point.

On ne peut tout simplement pas en parler. Le “journal des expats”, les représentations politiques des “Français de l’étranger”, les consulats, l’UFE, la FIAFE et le Ministère des Affaires Etrangères, voilà tout ce que nous avons. Des médias et des institutions auxquels beaucoup d “immigrants” français ne s’identifient pas du tout, malgré une expérience très mobile du monde voire un mode de vie nomade assumé. J’ai personnellement vécu 6 ans hors de France sans trouver dans ces institutions (dont j’ignorais l’existence) le moindre symbole rassembleur. Pire, l’incompétence et le désintérêt des institutions française pour ses citoyens hors frontières a tendance à produire l’effet inverse : celui d’un rejet. Si vous n’êtes plus là, alors vous ne comptez plus. La rupture est alors difficile parce que ce n’est pas l’immigrant qui coupe le cordon, c’est la mère patrie elle-même qui ne gère pas bien la distance. Les retrouvailles sont d’autant plus délicates.

On peut s’amuser du floklore, comparer les jambons et les fromages, rire des accents, disserter sur le sens d’un mot intraduisible, mais ça s’arrête là.
Il n’est pas question de rentrer dans un questionnement existentiel et fondamental, celui de l’identité et de sa possibilité d’exister ou non, dans l’espace politique français (bien que la question se pose partout ailleurs aussi).

Sans le vouloir et sans le savoir, celui qui “revient” agace encore plus que celui qui arrive pour la première fois. On attend de lui qu’il soit “comme les autres”, qu’il incarne aux yeux de tous sa culture d’origine. Peut-être même encore plus que s’il n’était jamais parti. Un trans-national subirait-il les mêmes discriminations, plus discrètes, moins directes, moins violentes, qu’un trans-sexuel à une époque (très très récente)? Un être hybride, à cheval ou en transition entre plusieurs catégories ? Un monstre, une bête de foire ? Les attaches familiales et affectives en France font toute la différence : on réintègre dans une certaine mesure sa communauté au retour, ce qui limite les frictions et les phénomènes de rejet de part et d’autre. Pourtant, beaucoup de ceux qui reviennent n’ont personne. Ceux-là, plus isolés, subissent un assourdissant silence de la part de leur société d’origine. C’est surtout flagrant chez les immigrés de très longue date, partis depuis plus de vingt ans, mais aussi pour beaucoup de jeunes personnes revenues chez leurs parents qui s’y sentent plus isolées que jamais tant leur identité a changé.

Ne rien faire pour intégrer n’est pas rejeter, mais ce n’est pas intégrer non plus. Tout au plus se sent-on tolérés dans son propre pays, et donc forcément limité dans la construction de son être. Un peu paralysé, en attente d’un signe, d’une direction. Que faut-il faire pour être accepté ? Ne pas faire ? Personne ne nous le dira, mais au moindre faux pas, la sanction tombera tout de suite. Il faut obligatoirement se réinventer à l’échelle de l’individu, car rien n’est possible collectivement. C’est là que les risques psycho-sociaux sont les plus élevés, car l’individu déjà fragilisé ne peut faire appel qu’à son réseau familial pour se reconstruire. D’où d’importantes inégalités que le retour ne fait qu’accroître au lieu de compenser.

J’ai rencontré d’importantes difficultés moi-même lors du retour, aussi bien sur le plan administratif et logistique que sur celui du soutien, de l’identité et de l’appartenance : où aller, à qui parler, qui être? Comment faire exister celle que je suis devenue ici ? J’ai mis trois ans à comprendre que l’espace politique pour ceux qui reviennent n’existe pas. C’est une minorité parmi les minorités : ni immigrés en France, ni Français sédentaires, les “returnees” n’en sont pas vraiment.
Ils sont bien plus que ça.
Et c’est pour cela que tout est fait pour que cela reste un non-sujet.

Si on ouvre le sujet du transnationalisme au sein d’un Etat, c’est tout le système que l’on remet en question.

Dans aucun manuel de “coaching interculturel” je n’ai lu de conseils pour apprendre à assumer son appartenance transnationale.
On ne vous apprendra que les usages de la politesse en Chine, on vous dira éventuellement comment réécrire votre CV “à la française” et quelles choses dire ou ne pas dire pour réintégrer le moule. Le coaching est payé par l’entreprise, il est évident que celle-ci veut vous aider à re-venir et donc à re-devenir pour vous ré-intégrer, sans égards pour votre nouvel être. A l’individu de faire tous les efforts, surtout dans le sens de la structure. Sinon, le défaut de réintégration lui est directement imputé. Comme on imputait enfants dyslexiques le manque de travail scolaire. On blâme des poissons pour ne pas savoir monter à l’arbre, all over again, au lieu de leur offrir un aquarium où faire leurs preuves.

Ce que je voulais moi, c‘était un espace de réflexion et d’émancipation. Un espace pour me permettre d’exister au-delà de l’appartenance nationale dont je me suis partiellement affranchie en partant, comme tant d’autres. Un espace de reconstruction, d’expression, de transmission, pour ne pas se taire, ne pas rester passif, surtout ne pas subir la violence du système envers mon identité, celle qui n’a pas le droit d’exister ici parce qu’elle reste définie par l’extérieur et non de l’intérieur.

Le “revenu” a, aux yeux de ses compatriotes, un statut différent. Différent de celui qui arrive, de l’immigré qui vient en France par exemple. Alors que mêmes les migrations collectives sont difficiles partout, car il y a le racisme, les nationalismes et tout ce qui les accompagne, les migrations de retour sont presque toujours fragmentées, individuelles ou familiales. On ne part plus et on ne revient plus ensemble, par villages entiers, comme on est partis “remplir” le Québec dans les années 1600 par exemple. Ce n’est plus l’Etat qui nous dit où partir, mais les individus qui exploitent chacun des stratégies personnelles, professionnelles, voire initiatiques ou spirituelles dans le cas du voyage itinérant, pour construire des trajectoires migratoires toutes distinctes les unes des autres dans l’espace et le temps.

Les “revenus” ont toujours été abordés comme tels : des Français “normaux” partis ailleurs qui reviennent à l’identique, sauf quelques différences amusantes. Or les “revenus” d’aujourd’hui, dépendamment du contexte de leur premier départ, sont de nouveaux arrivants ou presque. Ils sont devenus nomades transnationaux, voire a-nationaux, car le contexte dans lequel ils évoluent n’est plus structuré par l’appartenance nationale, mais par une deterritorialisation permanente. “Je bouge donc je suis”. Ou alors dans ce cas précis, “j’ai bougé donc je suis”. Sous-entendu je rebougerai encore. Si ce n’est géographiquement, autrement. Socialement, intellectuellement, artistiquement. Je devrai inventer ma propre catégorie, au risque de ne jamais plus appartenir à rien en dehors du cercle familial ou professionnel, si tant est qu’il y en ai un.

Comment attendre d’un système étatique, sédentaire et territorial par définition, qu’il reconnaisse l’existence d’une minorité nomade, libre et affranchie de l’idéologie nationale jusqu’à un certain point ?

Faire du retour de l’étranger, mais surtout des “revenus” et du transnationalisme comme identité un vrai sujet de société, un sujet politique sérieux, est neuf et tabou. Je dirais même que c’est encore impossible, voire à contre courant des volontés actuelles.

J’essaye, depuis quelques années. J’explore. Je parle à des politiciens. Des psychologues. Des anthropologues. Des coachs. Des personnes revenues, arrivées, reparties. Des entrepreneures. Des étudiants. Tous voient bien que quelque chose manque pour relier les découvertes fragmentaires que nous avons déjà faites, mais tous ne comprennent pas ce que j’essaye, encore maladroitement sans doute, de construire.

Comment savoir à qui parler quand le sujet n’existe pas ? Où vas-tu discuter du handicap si ta société ne sait pas ce que c’est, comme c’était le cas il y a quelques décennies ? Où parle-t-on d’agriculture chez les Inuits du Nunavik, là où rien ne pousse ? Je rencontre tout de même beaucoup de personnes qui, comme moi, sentent bien qu’un nouveau cadre de pensée est nécessaire, mais ne savent pas encore par où attraper le problème. Il ne relève pas que de la question de la mobilité, à vrai dire. Elle n’est qu’un symptôme visible auquel, enfin, on peut s’accrocher pour faire exister le sujet.

J’ai essayé de construire un collectif en 2016, un peu maladroitement, sans doute trop précipitamment. Les intérêts divergent beaucoup. Pour beaucoup, la mobilité est un sujet personnel. Comme le divorce ou la maternité. Difficile d’enclencher un raisonnement global, théorique, sans cadre ni référent théorique construit. Les experts et les chercheurs dont c’est le métier de réfléchir à la question sont vite dogmatiques ou disciples d’une école qui ne tolère pas, ou mal, la transdisciplinarité. Bien entendu, on ne peut penser le transnationalisme, voire l’a-nationalisme sans trans (voire a-)disciplinarité. Il reste que le caractère expérimental, mais loin d’être nouveau, de ce que j’ai en tête demande à être formulé, étayé et co-construit.

Il faut dire que le problème vient aussi du manque de rentabilité de penser ce sujet de société à la place des pouvoirs publics. Toute minorité ne peut s’émanciper que par elle-même, bien sûr.

La plupart des bénéficiaires potentiels des accompagnements s’en détournent. On ne veut pas avoir besoin d’aide. On ne veut pas être différent, ni expérimenter de particularité sujette à débats. Plutôt, on n’a pas le droit de dire cette particularité une fois revenus sur le territoire de la “majorité”, c’est à dire dans le pays d’origine. Seules les professions pour lequelles le décalage est socialement admis (humanitaires, volontaires internationaux, soldats, etc.) ont recours à des dispositifs d’accompagnement de qualité lors de leur retour. Là encore tout cela relève de l’intime, du secret, du médical, et donc de l’individu et de son expérience que l’on suppose traumatique, que l’on confie à demi-mots derrière les stores du cabinet. A l’inverse, l’immigré qui revient d’un pays occidental est toujours considéré comme dépourvu de toute expérience traumatique… ce qui, là encore, occasionne des ratés graves et fréquents.

On ne trouve pas encore de structure publique qui aborde ouvertement la question de la reconnaissance politique d’une minorité d’identités “multiples”, certes aux passeports et aux habitudes bien françaises, mais à l’appartenance, aux valeurs et aux allégeances beaucoup plus fragmentées, recomposées, complexes. Est-ce même envisageable ? N’y a-t-il pas une incompatibilité fondamentale à demander aux institutions d’Etat d’admettre son dépassement sur le plan symbolique et identitaire ?

On ne peut pas demander aux gens de payer pour accéder à des accompagnements qui les placent dans une posture d’assistanat, et donc d’infériorité jusqu’à un certain point. Contrairement à ce que pensent la plupart des coachs, je ne crois pas que les gens “doivent payer pour bosser sur eux-mêmes”. Il n’y a à vrai dire que les coachs pour y croire (sans rancune).

Se savoir minoritaire fait peur, on comprends aisément qu’on ne veuille pas s’identifier à une communauté qui ne serait définie que par les difficultés qu’elle affronte, en dehors de ce qui est reconnu par la société. Pour moi le blocage est ici : il ne faut pas assister ni accompagner la mobilité en traitant le sujet mobile comme un client ou un patient qui a “besoin d’aide”. Il faut ouvrir un espace appropriable d’émancipation pour les personnes aux appartenances transnationales. Tout le monde doit participer au débat, le construire, y réfléchir, se l’approprier. Et construire un tel mouvement demande des pionniers, qui devront poser ensemble les jalons d’une réflexion construite. Pour cela, il faut transgresser la logique de rentabilité à court terme, celle qui vise à vendre toujours plus de produits et de services qu’on a pas pris le temps de construire correctement. Je souhaite, sincèrement, que cette économie de récupération de la vulnérabilité d’autrui, disparaisse un jour. Ou plutôt, qu’elle ne soit plus nécessaire.

Dans un tel espace de réflexion, il ne sera plus question de culturel ni même d’interculturel, mais bien d’autre chose : une revendication collective, en tant que minorité qui l’est de moins en moins, de pouvoir faire exister ici l’ailleurs. De faire tomber le mirage de l’identité nationale définie “par en haut”pour enfin, parler de nous et de ce qui nous compose vraiment, dans nos besoins, nos identités, nos représentations et les symboles qui nous animent. Pouvoir les dire sans complexes, déjà. Ensuite pouvoir les rendre lisibles pour les autres, à travers une matrice d’écriture et de lecture. Enfin, pouvoir se battre pour les faire intégrer au système et à ses institutions, afin de les rendre pérennes et accessibles à tous les citoyens, surtout pour les générations futures.

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Anne-Laure Frite
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Passionnée par les Internets, je tente régulièrement de devenir chercheuse universitaire ou écrivain célèbre sans jamais y parvenir.