DEVOPS & ENGINEERING CULTURE
des machines et des hommes
Agilité, vélocité, efficience : 2018 sera l’année devOps des industries et des grands groupes. Alors même que chaque institution se rêve déjà en start-up industrielle de demain, cette nouvelle étape incontournable de la transformation numérique est abordée par le canal de l’outil, la dimension culturelle semblant être totalement occultée. Décryptage par notre « gourou » du numérique, Boris Petrovitch Njegosh, fondateur de Rocket Labs, qui présente les bonnes pratiques nécessaires à la transformation des entreprises numériques de demain.
Quand les grands groupes se rêvent en licornes !
« Il ne suffit pas d’habiller un rhinocéros en licorne pour innover dans sa transformation digitale »
Derrière cette métaphore, Boris Petrovitch Njegosh déplore l’approche trop technologique de la plupart des grands groupes quant aux mutations opérationnelles des organisations. Pour lui, sans une remise en cause profonde d’une culture d’entreprise bâtie sur des décennies d’Architecture de service (SOA), ces derniers ne peuvent plus rivaliser structurellement avec « les nouveaux enfants terribles de l’économie du numérique ». À savoir, les fameux GAFAM et autres BATX (les géants du web chinois Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Ces derniers se sont structurés nativement autour d’un socle technologique et organisationnel propice à la l’émergence d’une culture basée sur l’autonomie et l’efficience. Voire sur « l’alignement presque fanatique de l’entreprise autour d’un objectif commun », ajoute Boris Petrovitch.
« DevOps », ce néologisme inventé en 2009 par un administrateur système, Patrick Debois, consiste en l’alignement d’une communauté SI (système d’information) autour d’un projet d’entreprise commun. Ce mouvement de pensée prône de décloisonner équipes de développement (« dev ») et d’exploitation (« ops ») afin de faire émerger une organisation autonome, fluide et agile.
« Imaginez que si votre entreprise réalise 2 à 3 mise en production par an, Amazon a déjà dépassé le cap des 20 000 déploiements par jour ! », explique Boris Petrovitch Njegosh. Il cite l’exemple de Spotify, qui a fondé sa culture d’entreprise sur la satisfaction mesurée de ses collaborateurs structurés en « guildes », des équipes pluridisciplinaires restreintes pilotant des micro-services de bout en bout, de façon autonome, mais alignées entre elles.
Mais, ce qui est naturel pour des « licornes » — les Uber, Netflix, et autres startups devenus des géants — l’est beaucoup moins pour des organisations bâties autour de processus pyramidaux et hiérarchisés. Pivoter est-il une nécessité ?
Nouveau monde, ancien monde, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
Depuis les années 1980, la tendance est au développement de systèmes propriétaires afin de répondre aux besoins spécifiques des activités respectives.
« Vouloir accélérer le Time-to-market des services en intégrant les outils du devOps, sans pour autant repenser ni l’organisation ni l’architecture des services, reviendrait à vouloir mettre plus de charbon dans une locomotive à vapeur pour rattraper un TGV ! »
Ainsi, le fondateur de Rocket Labs constate une mauvaise appréhension de la culture devOps couplée d’une profonde résistance au changement.
« Il ne s’agit toutefois pas de faire table rase de l’existant, tant les interdépendances dans les SI sont nombreuses et complexes », explique-t-il. Hybrider les systèmes, découpler les services clés et créer de la porosité entre l’extérieur et l’intérieur apparaît comme une évidence raisonnable. « Ecrire sur une page blanche les micro-services clés sur l’architecture de demain à côtés du SI existant permet de faire coexister deux mondes et d’infuser progressivement les nouvelles cultures dans les anciennes organisations » conclut-il. La nécessité de la transformation est donc devenue la réalité de chaque organisation, petite ou grande. Beaucoup ont déjà adopté des approches projets agiles, SCRUM ou PMV (Produit Minimum Viable). Il s’agit à présent de pouvoir créer un alignement nécessaire entre innovation, transformation et technologie. « You are the culture ! Ce résultat de 5 années de coaching agile d’Henrik Kniberg a permis de définir la vision chez Spotify. Progressivement, on voit se mettre en place une organisation autonome et alignée, qui est la réponse sincère à la vraie question de la digitalisation : que ferez-vous demain ? ».
L’engagement Rocket Labs : la transformation, un cheminement agile et sincère
Pour Boris Petrovitch Njegosh, la transformation est un processus de transition d’un état vers un autre.
« Nous devrions nous focaliser plus sur le cheminement que sur la destination. Produire plus et plus vite, essayer, prendre des risques et arbitrer. Il est de la responsabilité des dirigeants de créer un environnement où le changement peut émerger en étant valorisé et mesuré »
Chez Rocket Labs, apporter une vision sincère de la transformation par l’usage et la donnée est au cœur même de l’expérience. C’est surtout une boucle d’amélioration continue, basée sur le retour des utilisateurs, leur prise en compte immédiate en production, et la communication des évolutions au court du programme. « Là où certain de nos clients voient déjà la fin du projet, nous leur montrons à juste titre, qu’il ne fait que commencer ! ». Pour son fondateur, s’intéresser aux nouveaux outils technologiques ne remplace pas la stratégie de ceux qui font la chair de l’entreprise :
« Nous faisons réfléchir nos clients au storytelling de leur organisation : où veulent-ils aller ? »
Alors que de nombreux métiers du SI vont devoir effectuer leur mue, miser sur l’agilité humaine est plus porteur que sur des technologies qui seront vite dépassées. « Au lieu de faire du ‘business as usual’ et risquer de se faire ubériser demain, mieux vaut dès maintenant adopter des démarches d’entreprises agiles, où l’on délivre tout en acceptant de se tromper », conclut Boris Petrovitch Njegosh.
Entretient avec Boris Petrovitch Njegosh recueilli par the Editorialist pour Rocket Labs