GRANDS COMPTES, START-UPS, MODE D’EMPLOI !

6 conseils pour un arrimage réussi de la capsule

Interstellar
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7 min readJul 26, 2018

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Faire travailler en bonne intelligence start-ups et grands comptes : tout un programme. « L’agilité » ? Un slogan. « Mettre un tigre dans le moteur ? » Tout le monde le veut. Sauf qu’en pratique, sur la rampe de lancement des projets, le décollage n’est pas toujours garanti. Pour mettre un peu d’huile dans les rouages, Frédéric Chalancon, côté grand groupe (Le Crédit Agricole Centre-Est) et Sylvain Tillon, PDG-fondateur de Tilkee côté start-up, croisent leurs points de vue sans tabou.

La théorie de l’enrichissement mutuel (mission (im)possible)

Sylvain Tillon (ST) : Tilkee (qui édite un logiciel de suivi des documents stratégiques) travaille avec 40 grands groupes et 400 start-up : je commence à avoir une bonne vision d’ensemble sur leurs différences. Les start-up vont être très bonnes pour récolter les informations-clients mais aussi pour créer de beaux produits efficaces, bien plus faciles que les vieux progiciels des grands groupes (souvent synonymes d’enfer !). Ma définition de l’expérience client idéale, c’est justement de la fluidité et de la simplicité pour le client, jusqu’à lui faire oublier qu’il utilise une technologie ! Du coup, nous pouvons être utile aux grands groupes pour intégrer cette fluidité.

Frédéric Chalancon (FC) : Pour nous grands comptes, la technologie n’est plus un élément à mettre en sous traitance mais bien à considérer demain comme un actif. Nous devons nous montrer agiles pour aller chercher les bons partenaires externes, comme Tilkee ou Rocket Labs car elles ont un savoir-faire, une vision numérique, qui nous manquent. Nous ne pourrons pas suivre le marché simplement en internalisant les ressources.

ST : Les grands groupes ont aussi à nous apprendre. Ils savent par exemple interconnecter leurs outils et stocker leurs data au même endroit — alors que les nôtres sont souvent trop disséminées. Si les gros peuvent gagner en agilité, les start-up peuvent aussi améliorer leurs process en s’inspirant des grandes structures !

Raccourcir les retards à l’allumage

« Le Crédit Agricole Centre-Est est actionnaire de Tilkee et il a malgré tout fallu 2 ans pour intégrer leur solution. »

FC : Les grands groupes ne sont pas toujours structurés pour permettre à une société innovante d’être intégrée rapidement comme une solution de business opérationnel. Dans le cas de Tilkee, c’est encore plus marquant : il a fallu 2 ans pour intégrer la solution sur plusieurs caisses régionales. Nous ne sommes donc pas dans une vision optimale de la relation avec un partenaire de confiance qui nous apporte du ROI. Pour profiter du savoir-faire de la start-up, il faut construire un schéma permettant de normaliser notre relation. Cela passe par de vrais contrats, l’industrialisation des tests sur des échantillons de production (comme avec Rocket Labs sur 8 agences), la sécurisation des infrastructures de test, le déploiement via nos structures internes, l’aide et l’accompagnement des équipes. II faut industrialiser la possibilité de faire appel à une start-up tout au long de la mise en relation.

ST : En même temps, il existe des équipes agiles avec des collaborateurs un peu tarés et surtout « têtu » comme Frédéric, capables de prendre risques et d’aller vite sur certains projets. C’est une question de temps.

FC : Quand un grand groupe fait appel à de grosses sociétés informatiques, le contrat peut être conclu après 4 PowerPoint… Parce que la relation est déjà établie en interne. Je raconte régulièrement, avec le sourire, que notre service achat m’avait demandé 3 bilans pour la signature d’un contrat avec une start-up… Alors que si nous mettions en concurrence les savoir-faire, sans prendre la taille de l’entreprise en considération, cela permettrait aux petites structures de montrer plus rapidement leur niveau de performance. Cela ne signifie pas mettre en péril l’activité industrielle de l’entreprise mais ne sélectionner les projets que sur leur apport technologique…

Savoir gérer les accélérations violentes

ST : Avec le Crédit Agricole, tout s’est débloqué très rapidement. Une fois que notre solution a été testée avec succès dans une caisse, 18 autres ont voulu la déployer : c’est énorme. Cette accélération subite après une période d’inertie, on l’avait préparée, parce qu’on avait de bonnes raisons d’y croire. C’est là qu’il faut être prudent : cette structuration peut vite coûter cher. En même temps, jouer petit bras empêche de travailler avec un grand groupe.

FC : Avec un grand groupe, l’accélération peut être très violente, a fortiori au Crédit Agricole et ses 39 caisses qui ont une organisation décentralisée en matière de distribution. Mais justement : est-ce que dans l’accompagnement du déploiement d’une solution de start-up, il ne faudrait pas mutualiser nos process, nos canaux de communication ? Bref, organiser l’accompagnement au-delà du simple soutien financier. A creuser !

Ne pas exploser en vol à cause d’une crise de pitchite

ST : Dans le rapport aux grands groupes, ce qui est difficile aussi, c’est le nombre de pitches… J’en fait 3 par semaines, depuis 4 ans. 600 pitches ! Et je suis aussi sollicité de toute part par des boîtes qui ne sont là que pour faire de la veille…

FC : C’est normal pour un entrepreneur d’être dans une démarche commerciale. Mais je pense que cette phase-là n’est pas de nature à accélérer l’activité du côté des grands groupes : il faut qu’on soit raisonnable dans la sollicitation qu’on a vis-à-vis des start-up… Et surtout, certaines petites structures ne peuvent pas s’épuiser avec des interlocuteurs qui vont leur demander sans cesse de se justifier ou de représenter leurs solutions sans compensation financière. La consultation sur le projet doit devenir payante pour ne pas épuiser les ressources de la start-up.

ST : Pour aller plus loin, le pire, c’est cette ribambelle de consultants qui se positionnent entre la start-up et le grand groupe. Parfois, je peux perdre une journée à l’invitation de ce genre agence, en pensant que ça peut déboucher sur un engagement sérieux… alors qu’en réalité je suis simplement là pour faire de l’animation, et à mes frais !

Trouver le bon parrain à la tour de contrôle

« Il faut savoir identifier les bons sponsors en interne »

ST : Pour faire avancer les projets avec un grand groupe, il faut savoir identifier les bonnes personnes en interne, les plus agiles, capables de nous sponsoriser. Et cela dépend aussi du degré de maturité de chaque entreprise.

FC : C’est la gestion du changement. De notre côté, nous avons encore beaucoup de résistances internes à faire tomber. Il faut faire accepter le fait qu’une expertise externe peut avoir de la valeur et que ne pourrons pas avoir en interne les compétences de micro-acteurs spécialisés. Il faut que le parrain soit capable de prendre le relais de la start-up en interne auprès des décideurs. Les premiers acteurs à convaincre sont à chercher du côté des directions, ensuite le marketing, puis les organisateurs et enfin les collaborateurs.

Pour un décollage de projet dynamique

« Avant, les start-up étaient utilisées comme des perturbateurs endocriniens !»

FC : Au Crédit Agricole nous avons ouvert notre écosystème grâce à la Fabrique by CA (et au Village by CA), qui donne une bonne solution pour améliorer l’industrialisation de solutions externes. Avec une capacité d’intervenir dans le capital et d’accompagner les start-up en termes de financement, cela permet une gestion dynamique. Mais il nous faut toujours des relais internes pour proposer et sponsoriser ces solutions.

ST : Contrairement au Village by CA, où les gens sont vraiment motivés pour aider les start-up, beaucoup de pépinières d’entreprises font des concours où à la fin il n’y a rien à gagner, à part un pitch ou un mieux un voyage à New York. Mon rêve c’est que ces concours mettent en place un véritable benchmark de solutions. Et que le vainqueur puisse pouvoir implémenter son projet… En étant payé !

FC : Il faut encore aller plus loin : vers une forme de mise en concurrence entre services internes et start-up pour identifier la meilleure solution à un problème. Avant, les petites structures étaient utilisées comme des « perturbateurs endocriniens » pour remuer le bocal ! Maintenant nous devons en faire de vrais partenaires industriels. Il faut mieux contractualiser, inventer des forfaits sur une durée courte de 3 ou 4 mois, le temps de faire un premier test sur une solution proposée. Ce qui ne veut pas dire que le test sera concluant ! De toute façon, plus personne ne sortira de produit fini : on va devoir en permanence tester, réessayer, tester encore, et le regard extérieur de structures comme Tilkee ou de Rocket Labs est, à ce titre, essentiel !

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