Synthèse de “Super collectif”​ d’Emile Servan-Schreiber : chapitre 1

Loic bardon
SCIAM
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6 min readDec 17, 2019

Début juillet 2019, je rejoins un nouvel acteur expert en innovation, plein de talents et différent : SCIAM. Je décide d’articuler mon post autour de 3 raisons.

La première évoquée, “Supercollectif “, est une référence à l’excellent livre d’Emile Servan-Schreiber.

J’y ai récemment découvert le lien entre une conviction personnelle issue de 5 ans de recherches quotidiennes, et les réponses surprenantes s’appuyant sur les dernières découvertes scientifiques et des décennies de pratique d’un journaliste, ingénieur en intelligence artificielle, et docteur en psychologie cognitive : nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de méta-intelligence qui s’appuie sur un outil, dont se sont emparés des géants technologiques. Le numérique est un outil de collaboration massive des cerveaux humains d’une puissance inédite.

Il y a quelques jours Internet, ce formidable outil de démocratisation/démonétisation/décentralisation de la connaissance et du savoir, a eu 50 ans. C’est dans le même esprit que j’ai décidé de livrer ma synthèse commentée de cet ouvrage qui laisse entrevoir une voie de collaboration possible entre l’intelligence humaine collective et l’intelligence artificielle.

Chapitre premier : le défi supercollectif

Nous entrons dans l’ère « neuro » au grand dam de mes collègues chercheurs qui déplorent déjà le neurowashing qui émerge progressivement.

Le cerveau humain, issu de centaines de millions d’années de R&D de dame Nature, fascine autant qu’il intrigue. Notamment parce qu’il incarne un modèle d’efficacité énergétique.

De la taille d’un petit ballon de football, le cerveau humain, constitué d’environ 86 milliards de neurones, est capable d’effectuer des calculs complexes à la vitesse de l’éclair en utilisant très peu d’énergie (consomme autant d’énergie qu’une ampoule incandescente de 20 watts).

L’intelligence qui en découle s’appuie en partie sur le nombre de neurones, mais pas seulement. Un cerveau humain contient moitié moins de neurones qu’une large colonie d’un million de termites.

C’est l’architecture, c’est-à-dire, la densité des connexions et l’organisation du réseau plus que le nombre de neurones, qui détermine notre intelligence.

L’accélération

“Plus une population est nombreuse et dense, plus sa technologie et sa culture progressent vite.”

Dans l’économie de l’intelligence artificielle (IA), la force engendre la force. Plus vous disposez de données, meilleur est votre produit ; meilleur est votre produit, plus vous pouvez collecter de données ; plus vous pouvez collecter de données, plus vous attirez les talents ; plus vous attirez de talents, meilleur est votre produit. C’est économiquement un cercle vertueux.

L’étude anthropologique de l’Histoire de l’espèce humaine semble montrer le même phénomène, à savoir une succession de cycles de plus en plus importants rapides et impactant associés à des effets de taille et de densité de population.

Plus la population augmente et se densifie, plus forte est l’intelligence collective ; plus forte est l’intelligence collective, plus la population innove ; plus la population innove, plus elle attire de nouvelles populations ; plus elle attire de nouvelles populations, plus forte est l’intelligence collective.

C’est ce cercle vertueux qui aurait induit l’émergence de l’agriculture vers 10 000 ans avant notre ère, puis l’industrie au XIXe siècle. C’est ce cercle vertueux qui aurait accéléré l’accélération de la croissance économique mondiale d’après l’étude de l’évolution du PIB par habitant depuis 1 million d’années comme le montre Emile Servan Schreiber.

Du collectif au supercollectif

Le cerveau humain aurait une puissance de calcul estimée à 10puissance18 FLOPS (multiplications ou additions par seconde). De fait, la puissance cumulée de tous les ordinateurs du monde n’équivaudrait alors qu’à peine à celle de 1000 cerveaux humains ; quand nous sommes 7,5 milliards d’êtres humains.

La somme des capacités individuelles des cerveaux, couplée à une capacité à collaborer sans précédent au travers de plateformes numériques, nous conduisent donc tout droit vers une nouvelle ère de l’intelligence.

A l’ère de l’émergence du deepfake world, nombreux pourraient être les sceptiques. Et pourtant un exemple illustre parfaitement la puissance de l’intelligence collective dans ce combat contre la massification des fakenews : l’encyclopédie collaborative Wikipedia comme récemment souligné par Aurélie Jean.

Intelligence artificielle vs intelligence collective ?

Si les plateformes numériques connectent des milliards de cerveaux humains, les GAFAM n’ont-ils pas déjà créé des systèmes d’IA supercollectifs, qui agrègent algorithmiquement les choix et les préférences des individus ; et qui boostent la capacité de propagation des fake news contre “ la sagesse des foules” ?

Les ingénieurs travaillant sur le moteur de recherche Google ne sauraient plus expliquer les résultants obtenus par l’algorithme Rankbrain.

Si un géant disposant d’autant de moyens (talents, financiers, données) que Google n’y arrive plus, comment rendre cette hydre informatique appréhendable (et auditable) par quelques cerveaux humains confrontés à beaucoup beaucoup trop de paramètres ?

D’autant que d’ici 2030 des chercheurs de Stanford ont récemment estimé qu’il y aurait 500 milliards d’objets connectés qui brasseront des données à une échelle inédite, et qui échappera complètement à notre cerveau.

Dans ce contexte, l’intelligence collective humaine pourra-t-elle collaborer avec ce cerveau artificiel mondial ? Selon Emile Servan-Schreiber ces deux “cerveaux” seront complémentaires.

Aujourd’hui, l’IA excelle quand elle dispose de grands volumes de données qui décrivent un type de problème spécifique. Dès lors qu’il s’agit d’un nouveau problème, que les données sont partielles ou mal indexées par exemple, les performances des systèmes d’IA sont mauvaises.

Or, “ce genre de problèmes est encore plutôt la norme que l’exception. C’est là que l’intelligence supercollective a un rôle à jouer.”

Changement de culture

Nous sommes fascinés par les individualités d’exception, qu’elles soient sportives, artistiques, politiques, scientifiques, industrielles… Or l’IA, par nature, est aujourd’hui une technologie d’exploitation centralisée des données. Elle agit comme un miroir de notre société. Les jeux de données et les algorithmes sous-jacents aux systèmes d’IA intègrent nos biais collectifs, et plus grave les renforce.

La culture occidentale moderne semble donc, pour l’instant, plus attirée par cette « nouvelle individualité d’exception » que par un système décentralisé d’intelligence collective.

Organisation du supercollectif

Ne prenons pas non plus un système supercollectif pour ce qu’il n’est pas, à savoir un remède à tous les maux.

Si Wikipedia est l’incarnation d’un système vertueux, que dire de Twitter ou de Facebook qui sont tant décriés ?

Facebook a déjà un impact quotidien plus important sur la vie de certaines personnes que leur gouvernement. Aujourd’hui, ce que 2,7 milliards de personnes considèrent et interprètent comme la vérité au quotidien (et les quelque 40 milliards de dollars que les entreprises dépensent en publicité chaque année) est ” gouverné ” par une seule entreprise à but lucratif. Au travers de ses compétences en intelligence artificielle (IA), Facebook et ses algorithmes d’apprentissage machine décident beaucoup de qui a le droit de voir, tandis que ces algorithmes intègrent souvent involontairement le parti pris de leurs développeurs.

Le savoir global s’incarne actuellement au sein de plateformes numériques, régies par des algorithmes, mais pas organisées autour d’un canevas éthique de règles humanistes et universelles (diversité, équité, indépendance etc…). De fait, le modèle numérique actuel renforce nos biais sociétaux.

“L’intelligence collective s’organise, et l’intelligence supercollective s’organise d’autant plus : elle doit respecter des règles fondamentales de diversité, d’indépendance et d’agrégation, se régler avec des algorithmes et s’incarner dans des plateformes numériques. “

Dans ce contexte, Emile Servan-Schreiber s’intéresse au “QI du groupe” dans son prochain chapitre.

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Loic bardon
SCIAM
Writer for

Head of Digital Transformation & Innovation⚡Founder PARIS SINGULARITY | Passionate about new technologies, new uses and stories about how technologies transform