Coucher de soleil sur le Corcovado, depuis la plage d’Urca

3 mois à Rio, quand le rêve devient réalité

Claire-Emilie Lecocq
Scribe
Published in
9 min readMay 22, 2017

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Spoiler alert : Rio est une ville magique, malgré ses (nombreux) problèmes

Il y a 6 ans je suis partie avec une amie faire un (petit) tour de l’Amérique Latine : Brésil, Argentine, Bolivie et Pérou. C’est elle qui avait insisté pour commencer par Rio, et j’avais accepté sans trop me poser de questions. Si j’avais su…

Il y a 6 ans donc, j’ai attrapé le virus de Rio, une maladie incurable et envahissante, qui m’a fait quitté mon CDI dans une startup de rêve, ma vie parisienne et mes amis chéris, ma maison (oui je vivais dans une MAISON à Paris), mon chinchilla… Qui m’a fait débarquer dans une ville où je connaissais une personne et demi (demi pour un ami d’ami, je ne peux pas vraiment dire que je le connaissais), dont je ne parlais pas la langue, sans job et avec un simple visa de touriste. Mais avec un enthousiasme inébranlable.

Visite guidée de cette tranche de vie Carioca.

Le courage (ou la peur)

(question de point de vue)

“Je te trouve hyper courageuse.” “Moi je n’aurais pas le courage”.

Ce mot venait sur toutes les lèvres quand je parlais de mon projet de départ. Était-ce vraiment du courage ou de l’inconscience ? On ne sait pas. Mais en tout cas mon projet, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il était flou : mon idée consistait à débarquer à Rio, commencer à prendre des cours de portugais et networker dans des soirées et meetups de startups pour tenter de trouver un boulot. Et bien sûr ça ne s’est pas du tout passé comme prévu.

Ma confiance sans limite a commencé à s’effriter en arrivant à Rio, quand l’amie qui m’hébergeait les premiers jours m’a demandé ce que je comptais faire (ma réponse : un silence gêné). Elle a vacillé quand je me suis installée dans une colocation avec des Brésiliens qui ne parlaient pas un mot d’anglais ou d’espagnol (et pour ceux qui n’ont pas suivi, je ne parlais pas portugais). Et elle a commencé à ressembler étrangement au moral des parisiens dans le RER A un lundi matin de janvier lors de mes premières soirées en solitaire.

Parce que oui, quand on débarque dans une nouvelle ville, personne ne nous attend. Mais je reviendrai là-dessus.

Malgré tout, cette peur qui s’installait en squatteuse non désirée m’a encouragée à baragouiner quelques mots en portugais avec mes colocs, à sortir, à discuter avec les gens que je rencontrais par hasard… Elle m’a poussé à prendre contact avec les deux seules relations professionnelles que j’avais au Brésil — et finalement à trouver un premier job en freelance (et à distance) dans une startup brésilienne.

La peur ne m’avais pas tuée. Et elle a même fini par disparaître.

La langue

À part les quelques privilégiés issus des classes les plus favorisées, les Brésiliens ne parlent pas anglais. Ni espagnol d’ailleurs. Pour s’intégrer, il n’y a pas le choix, il faut parler portugais (mais éviter l’accent du Portugal, les Brésiliens ne le comprennent pas toujours) (oui pourtant le portugais vient bien du Portugal, mais que voulez-vous 🤷‍♀️).

J’avais quand même pensé à commencer des cours en France, mais après 2 mois à ânonner les phrases toutes faites de ma méthode Assimil dans le métro parisien (désolée pour mes voisins), j’alignais laborieusement trois phrases pour tenter de réserver mon Airbnb. Autant vous dire que ma conversation était limitée.

J’ai donc développé une méthode rapide et infaillible : le plongeon dans le grand bain, sans bouée ni maître nageur. À savoir : vivre avec des Brésiliens. Qui ont eu l’extrême patience de me parler comme à une enfant de 3 ans, avec un vocabulaire simplifié et en détachant tous les mots. Partager un repas, ça crée des liens !

J’ai complété par des exercices quotidiens sur Duolingo, suivi rapidement de mon premier livre en portugais, O girasol (l’histoire d’une petite fille qui fait grandir un tournesol dans la maison de son père et réussit ainsi à lui redonner le sourire). J’étais donc passée du niveau d’un enfant de 3 ans à celui d’un enfant de 6 ans 🙃.

En parallèle, je m’efforçais de ne parler qu’en portugais avec toutes les personnes que je rencontrais, et notamment au travail.

Je dois admettre que j’ai eu quelques moments de découragement, mais j’y suis finalement parvenue : en 3 mois, je me débrouillais mieux en portugais qu’après 9 ans d’espagnol (et pourtant j’ai eu 19 au bac d’espagnol) (mais entre réussir un examen écrit et savoir parler une langue couramment, il y a un monde, ce que l’éducation nationale n’a pas l’air de vouloir comprendre).

Les amis

Comme je vous disais, je ne connaissais pas grand monde en arrivant à Rio : une amie Brésilienne rencontrée deux ans auparavant, et un ami d’ami Français que j’ai rencontré pour la première fois sur place. Au fur et à mesure, d’autres amis m’ont mis en contact avec des locaux, mais plus d’une fois je me suis retrouvée en week-end en me demandant ce que j’allais bien pouvoir faire.

Les brésiliens ont beau être très accueillant, se faire des amis ça prend du temps. Et chaque personne rencontrée avait beaucoup plus d’importance dans ma vie que je n’en avais dans la sienne — c’est normal, elle avait déjà sa vie et ses amis avant que j’arrive. Malgré la vie en colocation, je me suis sentie seule plus d’une fois. Mais là encore j’ai découvert qu’on n’en meurt pas.

J’ai commencé à accepter absolument tout ce qu’on me proposait, même la soirée d’anniversaire d’un ami d’ami que je venais de rencontrer, soirée où je connaissais donc deux personnes en tout et pour tout. Je me suis mise au saxophone pour intégrer une fanfare. Je suis allée seule à des meetups d’entrepreneurs, des soirées de pitch, et même à un bloco de carnaval (ce terme désigne une fanfare qui défile dans la rue pendant le carnaval).

Et petit à petit, je me suis fait des amis sur place, de vrais, sur qui je peux compter. Et ça n’a pas de prix.

La sécurité

Impossible de parler de Rio sans qu’on me pose la question de la sécurité. Alors oui, Rio est plus dangereux que le centre de Paris. Mais pas beaucoup plus que certaines banlieues parisiennes ou quartiers chauds de Marseille.

Mais Rio n’est pas non plus un coupe-gorge, il suffit juste de connaître ses codes et ses limites. Par exemple, certaines favelas sont complètement pacifiées et une police de proximité y est installée. Mais dans d’autres favelas, les vigiles postés à l’entrée, armés jusqu’aux dents et à la gâchette facile ne sont pas juste là pour faire joli. Il vaut mieux se renseigner avant, et éviter de se perdre dans les dédales de rues aux maisons aussi colorées que décrépies.

De même, le centre étant le quartier des affaires, la population change de tout au tout entre la journée et la nuit. Lorsque le soleil se couche, il est plus que recommandé de se déplacer en taxi, uber, cabify ou autre véhicule motorisé (et fermé).

Tout bijou ou sac à main ostentatoire est autant d’appel au vol, et vous verrez rarement un carioca se balader le portable à la main (mais c’est étonnamment rafraîchissant).

Certes, ce n’est pas rien, mais on s’y habitue, et c’est peu cher payé pour profiter de la Cidade Maravilhosa.

Les plages

Copacabana bien sûr, mais aussi Ipanema, Leblon, Flamengo, Barra…

À Rio, chacun a ses habitudes et ses préférences en matière de plage. Il y a les plages jetset bondées, les plages à l’intérieur de la baie de Rio où on ne peut pas se baigner, les plages isolées pour les solitaires, les plages accessibles uniquement en bateau ou après 3 heures de randonnées, les plages immenses où l’on peut faire du kitesurf, les plages de l’autre côté de la baie pour admirer Rio….

Mais sur toutes les plages, vous trouverez toujours :

  • Les baraques qui louent des parasols (le soleil est vraiment trop brûlant), des chaises de plage (à part les étudiants sans le sous, tout le monde se prélasse dans une chaise de plage à Rio) (si possible face au soleil, quitte à tourner le dos à la mer et faire face à la place à une rangée d’immeubles inesthétiques) et servent des eaux de coco bien fraîches, un délice.
  • Les petits vendeurs qui arpentent la plage, en proposant à cors et à cris bières, caipirinhas, sandwiches, brochettes de crevettes, fromage grillé, mais aussi paréos, maillots de bain, lunettes de soleil, et babioles en tout genre.
  • Des maillots de bain comme on n’en trouve nulle part ailleurs : de la culotte (très) échancrée au string pour les femmes, et des boxers de bain à peine plus décents pour les hommes. Par contre pas de topless, ça choquerait les brésiliens.
  • Des joueurs de footvolley (ou comme on l’appelle sur place, futevôlei), discipline inventée il y a 50 ans sur les plages cariocas qui consiste à jouer au volley sans les mains, toutes les autres parties du corps étant acceptées (pieds, tête, épaule, torse…).

La plage à Rio, ce n’est pas ce qu’il y a de plus reposant, mais c’est un peu une institution.

La ville ou la nature, il faut choisir

Ou pas

Je suis née à Paris, et j’ai toujours arpenté le bitume sans trop me poser de question, appréciant les escapades dans la nature mais toujours contente de retrouver l’excitation de la ville. Et accueillant les quelques parcs et rangées de platanes bien taillés comme des espaces de verdure acceptables.

Ça, c’était avant.

À Rio, la vie urbaine se fraie une place dans la nature. La ville est encadrée par la mer d’un côté et la montagne de l’autre, elle-même recouverte par la forêt de Tijuca, la plus grande forêt urbaine au monde. Un petit trajet en bus, et on peut partir en randonnée de plusieurs heures, au beau milieu de la forêt tropicale, à la fois proche de la civilisation mais complètement coupé des bruits de la ville.

Plage de Copacabana et montagne des Dois Irmãos depuis la forêt de Tijuca

Et au-delà de la forêt de Tijuca, le climat tropical favorise une végétation luxuriante et envahissante, de quoi faire pâlir d’envie nos jardins municipaux.

La vie culturelle

J’aime Paris, sa vie artistique, ses innombrables musées et expositions qui s’enchaînent toute le long de l’année, ses spectacles, pièces de théâtre, opéras, ballets, concerts… Un point commun entre toutes ses activités ? Elles se déroulent (majoritairement) en intérieur.

À Rio, la vie culturelle se passe dehors, les artistes s’expriment sur les murs, les musiciens dans la rue. Tous les jours, des groupes se produisent à la terrasse d’un bar, sur une place ou au bord de la plage, roda de samba, forró, choro… Un verre entre amis se transforme en concert improvisé, les spectateurs deviennent à la fois danseurs et chanteurs pour l’occasion. Ça vibre, ça vit.

Le carnaval de Rio

Que serait Rio sans le carnaval ?

Le carnaval, on en connaît le défilé des écoles de samba, qui dépensent des millions pour remporter le trophé, selon des critères bien codifiés (et des tractations plus ou moins louches). Mais le “vrai” carnaval, celui qui fait vibrer tous les Brésiliens et met le pays en pause pendant 4 jours, il se passe dans la rue.

4 jours de fêtes, de musique, de déguisements et de paillettes. 4 jours pour lesquels les cariocas se préparent pendant près d’un an. 4 jours pendant lesquels la ville toute entière chante au son des tambours, trombones et xequeres. 4 jours de communion avec la foule, quelle que soit son âge, sa couleur de peau ou ses orientations sexuelles. 4 jours qui laissent une marque indélébile au plus profond de l’âme, un sentiment de manque absolu lorsque le carnaval s’arrête, une mélancolie joyeuse (la saudade) quand 6 mois après on retrouve toujours des paillettes accrochées au tapis.

J’ai découvert le carnaval de Rio — et j’ai décidé de me mettre au saxophone. Devinez qui est retournée un an après à Rio ?

Une dernière chose…

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Claire-Emilie Lecocq
Scribe

Content & marketing for startups — Journalist from time to time — Working from Rio and Paris